Un goût amer d’“Electricgate”
La belle fable de la voiture électrique
Cela aurait dû être une histoire épatante pour la santé de la planète. Tellement salvatrice. L’affreuse “auto polluante” et son diabolique moteur thermique, écartée, éradiquée, éliminée par l’“auto propre” et son moteur électrique. Avec tant de vertus affichées que les politiques subventionnent très généreusement ce grand remplacement, avec une prompte radicalité – jusqu’à 14 000 euros d’aides pour stimuler la ruée des acheteurs. Et un plan d’installation de 7 millions de bornes de rechargement à environ 10 000 euros, soit 70 milliards d’euros. Partout dans le monde, les investissements déferlent sur cette mobilité à l’électricité “255 milliards de dollars vont être investis dans l’électrique dans les 8 prochaines années...
Cela aurait dû être une histoire épatante pour la santé de la planète. Tellement salvatrice. L’affreuse “auto polluante” et son diabolique moteur thermique, écartée, éradiquée, éliminée par l’“auto propre” et son moteur électrique. Avec tant de vertus affichées que les politiques subventionnent très généreusement ce grand remplacement, avec une prompte radicalité. – jusqu’à 14 000 euros d’aides pour stimuler la ruée des acheteurs. Et un plan d’installation de 7 millions de bornes de rechargement à environ 10 000 euros, soit 70 milliards d’euros. Partout dans le
Un contexte hyperdosé en émotions aurait il conduit à de mauvaises décisions ? À remplacer une calamité environnementale ppar une autre ? À ne pas bien cerner, en fait un déplacement de la pollution ? Dramatique manque de vision systémique, voire myopie coupable.
monde, les investissements déferlent sur cette mobilité à l’électricité “255 milliards de dollars vont être investis dans l’électrique dans les 8 prochaines années par l’ensemble des acteurs concernés”, chiffre Laurent Petitzon, d’AlixPartners. On a pu découvrir dans un précédent épisode les insurmontables tracas industriels de la batterie européenne.
Désastre écologique
Un tel enthousiasme fait malgré tout tousser quelques observateurs, s’étonner – voire s’opposer – certains experts, et surtout s’interroger l’un des acteurs majeurs de cette industrie automobile en mutation à marche forcée.
“Je ne voudrais pas que dans 30 ans, on découvre quelque chose qui n’est pas aussi beau que ça en a l’air, sur le recyclage des batteries, l’utilisation des matières rares de la planète, sur les émissions électromagnétiques de la batterie en situation de recharge. Comment est-ce que nous allons produire plus d’énergie électrique propre ? Comment faire pour que l’empreinte carbone de fabrication d’une batterie du véhicule électrique ne soit pas un désastre écologique ?” interroge en effet Carlos Tavares patron du groupe PSA (Peugeot) et FCA (Fiat). Un contexte hyperdosé en émotions aurait-il conduit à de mauvaises décisions ? À remplacer une calamité environnementale par une autre ? À ne pas bien cerner, en fait, un déplacement de la pollution ? Dramatique manque de vision systémique, voire myopie coupable. Comme par exemple, déverser en masse l’argent public sur une solution – la fée électrique mutée en Monsieur propre – apparemment hautement écologique. Pas de bruit, pas d’échappement, pas d’odeur. Des apparences pourtant trompeuses, tant l’impact environnemental de ces nouveaux véhicules dans la globalité de leur cycle de vie cache son jeu. À plusieurs niveaux, pour leur fabrication puis pour leurs usages.
Avant même d’avoir parcouru le moindre kilomètre, “l’auto propre” a déjà mis une bonne petite claque à l’environnement, compte tenu de l’impact de sa fabrication. Surtout du côté de sa batterie contenant des métaux rares – cobalt, néodyme, lithium – “dont l’extraction et le raffinage nécessitent énormément d’eau et de produits chimiques en Chine, au Congo et en Amérique du Sud” explique Guillaume Pitron, auteur de ‘La guerre des métaux rares – La face cachée de la transition énergétique et numérique’. L’extraction et le traitement du lithium, du cobalt et du manganèse nécessitent beaucoup d’énergie. Ainsi, la batterie d’une Tesla Model 3 représente entre 11 et 15 tonnes de CO2. Ensuite, ces matériaux sont assemblés dans des fours à 400°C particulièrement énergivores. Puis, en fin de vie, il faudra les recycler. À l’heure du bilan, la fabrication d’une telle auto est nettement plus émettrice de gaz à effet de serre que celle d’une voiture thermique, comme l’a chiffré l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). En effet, s’il faut 70 000 mégajoules pour fabriquer une voiture essence ou diesel, il en faut 120 000 pour construire une électrique.
Alors “Electricgate” ? C’est l’avis de l’Ademe, affirmant il y a quelques années déjà : “sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un véhicule électrique est globalement proche de celle d’un véhicule diesel”, partageant ainsi l’avis du directeur de l’Observatoire du nucléaire, Stéphane Lhomme : “Le cycle de vie d’un véhicule électrique le rend aussi polluant qu’un véhicule thermique. Le subventionner n’a pas de sens.”
Certes consommant trois fois moins d’énergie que sa version thermique, “l’auto propre” (la mal nommée) est trois fois plus efficiente. Mais ensuite, il faut analyser l’origine de l’électricité alimentant les batteries. Parfois des énergies primaires parfaitement effrayantes du seul point de vue écologique.
En Pologne, en Australie, au Japon ou aux Pays-Bas, l’électricité est produite à 80 % par des centrales à charbon. Dans ce cas, une voiture électrique n’émet que 25 % de CO2 en moins qu’un véhicule diesel. Dans le premier marché de la voiture électrique, en Chine, l’énergie provient à 73 % d’usines à charbon émettrices d’oxydes d’azote. “L’électricité est une énergie propre sur le lieu de consommation, mais elle peut être polluante sur le lieu de production”, explique Claude Crampes, professeur émérite à Toulouse School of Economics. Ainsi, en Allemagne, en tenant compte des émissions de CO2 liées à la production de batteries et du mix énergétique local à dominante charbon – les énergies fossiles représentent près de 60 % des sources d’électricité, dont 40 % pour le charbon – les voitures électriques émettraient de 11 à 28 % plus que leurs équivalents diesel, selon une étude du physicien allemand Christoph Buchal pour l’institut Ifo de Munich.
En France il s’agit plutôt d’une auto “nucléaire”, car les bornes de rechargement sont branchées sur le réseau électrique à 77 % alimenté par l’atome, donc largement décarboné. Une voiture électrique émet 80 % de CO2 de moins qu’une voiture diesel, selon l’étude de l’ONG Transport & Environment. “Mais ce n’est pas une énergie propre, puisque cela produit des déchets radioactifs”, avertit Stéphane Lhomme. Et la saleté va aussi se nicher du côté des particules fines. Hier émises par les gaz d’échappement, ce n’est plus le cas avec l’électrique. L’abrasion des pneus et des plaquettes de frein représente désormais 90 % des émissions. Et concerne donc bien évidemment celle que l’on croyait si propre et si bénéfique pour l’environnement. Lors d’un prochain épisode de cette saga à quatre roues, l’on découvrira si un banal gaz – l’hydrogène – représente, enfin, une réponse plus satisfaisante à cette alarme environnementale.
“L’électricité est une énergie propre sur le lieu de consommation, mais elle peut être polluante sur le lieu de production”. Ainsi, en Allemagne, en tenant compte des émissions de CO2 liées à la production de batteries et du mix énergétique local à dominante charbon les voitures électriques émettraient de 11 à 28 % plus que leurs équivalents diesel