Miser sur les mobilités alternatives
Les micromobilités ne concernent pas que le milieu urbain
Tandis que l’année 2019 s’achève – et dans le même temps l’examen de la loi d’orientation des mobilités dite LOM – l’évaluation des usages des Franciliens en matière de transports s’affine. Après le grand bouleversement des véhicules électriques partagés, la montée en puissance du vélo, ou encore l’attrait renouvelé des cars pour les déplacements longue distance, le département et les collectivités locales yvelinoises ne peuvent faire l’impasse sur le dossier des nouvelles mobilités. Pour accompagner les changements, il faut désormais investir dans les infrastructures.
Courtes distances : éviter la fracture
La vague des trottinettes électriques commence à être lentement digérée et encadrée par la loi. Celle-ci a d’abord déferlé dans les grandes agglomérations et autres métropoles, du fait de la densité de ces villes et donc du nombre d’usagers potentiels. Toutefois, rien ne dit que ces micromobilités s’arrêteront aux portes de la grande couronne. Celle-ci pourrait d’ailleurs devenir un nouveau terrain de jeu pour ces modes de déplacements alternatifs, puisque comme le rappelle le Ceser (conseil économique, social et environnemental régional) Ile- deFrance, “moins le territoire est densément peuplé et moins l’offre de transport est attractive”. Et par conséquent, plus la voiture particulière est utilisée. Or dans un rapport ‘Mobilité des personnes : comment mettre en oeuvre les perspectives offertes par les nouvelles technologies ?’, le Ceser remarque justement que la structure sociodémographique du périurbain de la grande couronne – dont 20 % de la population vit dans les Yvelines – a aussi évolué. Les habitants ont aujourd’hui “un profil très proche des autres habitants de l’agglomération centrale, à la fois en termes d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de taille des ménages” – et donc les mêmes aspirations. L’un des grands marqueurs de différences réside dans l’usage de la voiture particulière. Pourtant, cet usage, même en grande couronne, ne serait pas une fatalité. Dans sa dernière enquête globale sur les transports, Ile- deFrance Mobilités rapporte que les deux tiers des déplacements en IledeFrance “font moins de 3 km et durent moins de 30 minutes”. Un potentiel gigantesque donc pour les micromobilités de remplacer la voiture particulière. Comme le formule le Ceser, “le caractère en pratique souvent indispensable de la voiture individuelle pour les habitants y rend d’autant plus intéressante l’émergence de ses nouveaux usages”.
Si les grands opérateurs de trottinettes électriques n’ont pas encore pris d’assaut la grande couronne, d’autres plus modestes expérimentent leurs produits. C’est notamment le cas de ‘We Trott’ qui, après avoir déployé des trottinettes en gare de Versailles- Château- Rive
Gauche pour encourager la multimodalité, va déployer une flotte de trottinettes électriques, avec l’aval de la collectivité, à Saint-Quentinen-Yvelines.
Le préalable des infrastructures
Tout comme la trottinette n’intéresse pas que le milieu urbain dense, le développement en milieu périurbain vélo a assistance électrique ( VAE) est tout sauf incohérent, puisqu’il permet de parcourir des distances significatives sans trop d’effort. Sans parler du vélo classique dont le développement “est une évolution qui va changer les politiques locales yvelinoises”, selon les mots de Pierre Bedier, président LR du département des Yvelines. Ainsi la question des micromobiltés dépasse les seules métropoles.
Encore faut-il que l’aménagement des pôles d’échanges multimodaux soit existant. Comme le note le Ceser, il est indispensable et “presque préalable à l’usage de nombre des nouveaux services. En effet, la fluidité et la facilité des déplacements que peuvent permettre les nouvelles technologies ne se concrétiseront que si l’aménagement physique de ces pôles est assuré”. À charge aux collectivités de considérer cela.
À chaque distance son mode
Si le potentiel du vélo, des trottinettes et autres micromobilités est important en ce qui concerne les petites et moyennes distances, pour les plus importantes, des solutions nouvelles émergent. La région subventionne par exemple le covoiturage dans les trajets quotidiens domicile-travail. Avec pour but d’encourager les Franciliens à franchir le pas de la mobilité partagée, mais également d’offrir des solutions la où les transports en commun manquent.
Pour ce qui est des plus grandes distances, une étude de l’institut Paris Région publiée en octobre 2019 dresse le bilan des “cars Macron” – dits services librement organisés ou SLO – en Ile-de-France. Ainsi, tandis que le secteur des SLO est dynamique et que “la desserte parisienne semble en voie de stabilisation, la poursuite de la croissance de l’offre francilienne pourrait s’effectuer sur les villes de petite et grande couronnes”. Offrant la possibilité d’irriguer plus finement le territoire francilien. Avec deux gares répertoriées, celles Versailles et de Montigny- leBretonneux, les Yvelines sont donc concernées. Mais pour exploiter pleinement le potentiel de ces cars, l’Institut Paris Région précise que “la question du financement des aménagements et de la participation des collectivités locales est évidemment posée, alors que le modèle économique des SLO paraît encore fragile.” En effet, les gares qui génèrent le plus de trafic sont celles qui possèdent les meilleurs équipements et infrastructures. À bon entendeur…
Et le privé dans tout ça ?
Dans un livre blanc paru en septembre 2019, en partenariat avec Entreprises d’Ile- de- France, la société de VTC Kapten, anciennement chauffeur privé, s’interroge sur les enjeux des déplacements professionnels. Pour Kapten, “la responsabilité sociale des entreprises représente une raison supplémentaire d’envisager les nouvelles solutions de mobilité pour les voyageurs d’affaires”. Selon la loi française, les sociétés employant au moins 5 000 salariés ont un “devoir de vigilance” qui requiert l’instauration de pratiques visant à réduire les dommages à la société ou à l’environnement. Ainsi l’entreprise pourrait agir pour modifier les usages de ses salariés. Selon Kapten, actuellement 53 % des entreprises d’Ile- de- France augmentent leur budget déplacements, preuve de cette évolution.
Deux tiers des déplacements en Ile-de-France “font moins de 3 km et durent moins de 30 minutes”. Un potentiel gigantesque donc pour les micromobilités de remplacer la voiture particulière.
Les départements et la ville de Paris “ne peuvent plus compenser un énième désengagement de l’État de ses prérogatives”, écrivent-ils dans un communiqué. En l’absence de l’abandon de cette mesure, ils ont décidé “de ne plus siéger au conseil de surveillance de la SGP”.
L’Assemblée nationale a voté jeudi un amendement du gouvernement visant à prélever une fraction des recettes perçues par les départements franciliens au titre des “droits de mutation à titre onéreux” (DMTO), afin de financer le Grand Paris Express, le projet de métro automatique autour de Paris.
Les départements et la Ville de Paris envisagent également “leur retrait financier, dans les mêmes proportions que les ponctions réalisées, sur les actions et projets qu’ils cofinancent avec l’État ou financent déjà à sa place”, écrivent-ils.
Ils invitent le gouvernement “à se ressaisir et à engager une véritable concertation permettant d’aboutir à des solutions au bénéfice de la mobilité des Franciliennes et des Franciliens”.
L’amendement de “dernière minute” au projet de loi de finances a provoqué jeudi la colère de députés, notamment d’Ile-de-France. Le montant du prélèvement doit être de 75 millions d’euros en 2020 et 60 millions par an à partir de 2021.
75 millions d’euros, c’est “une petite partie” de DMTO en augmentation de “plus d’un milliard d’euros” en Ile-de-France en 2018, a fait valoir le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.
La facture du Grand Paris Express, un métro de 200 kilomètres qui doit être construit d’ici 2030, a explosé ces dernières années, pour atteindre les 35 milliards d’euros.
“Outre la méthode indigne et insupportable, qui s’apparente à du vol, cette ponction interroge sur la capacité de l’État à tenir ses engagements sur les projets de transports pourtant indispensables”, écrivent les départements et la Ville de Paris.
France 3 Régions – 15/11