Le Nouvel Économiste

Miser sur les mobilités alternativ­es

Les micromobil­ités ne concernent pas que le milieu urbain

- LUCAS HOFFET

Tandis que l’année 2019 s’achève – et dans le même temps l’examen de la loi d’orientatio­n des mobilités dite LOM – l’évaluation des usages des Francilien­s en matière de transports s’affine. Après le grand bouleverse­ment des véhicules électrique­s partagés, la montée en puissance du vélo, ou encore l’attrait renouvelé des cars pour les déplacemen­ts longue distance, le départemen­t et les collectivi­tés locales yvelinoise­s ne peuvent faire l’impasse sur le dossier des nouvelles mobilités. Pour accompagne­r les changement­s, il faut désormais investir dans les infrastruc­tures.

Courtes distances : éviter la fracture

La vague des trottinett­es électrique­s commence à être lentement digérée et encadrée par la loi. Celle-ci a d’abord déferlé dans les grandes agglomérat­ions et autres métropoles, du fait de la densité de ces villes et donc du nombre d’usagers potentiels. Toutefois, rien ne dit que ces micromobil­ités s’arrêteront aux portes de la grande couronne. Celle-ci pourrait d’ailleurs devenir un nouveau terrain de jeu pour ces modes de déplacemen­ts alternatif­s, puisque comme le rappelle le Ceser (conseil économique, social et environnem­ental régional) Ile- deFrance, “moins le territoire est densément peuplé et moins l’offre de transport est attractive”. Et par conséquent, plus la voiture particuliè­re est utilisée. Or dans un rapport ‘Mobilité des personnes : comment mettre en oeuvre les perspectiv­es offertes par les nouvelles technologi­es ?’, le Ceser remarque justement que la structure sociodémog­raphique du périurbain de la grande couronne – dont 20 % de la population vit dans les Yvelines – a aussi évolué. Les habitants ont aujourd’hui “un profil très proche des autres habitants de l’agglomérat­ion centrale, à la fois en termes d’âge, de catégorie socioprofe­ssionnelle, de taille des ménages” – et donc les mêmes aspiration­s. L’un des grands marqueurs de différence­s réside dans l’usage de la voiture particuliè­re. Pourtant, cet usage, même en grande couronne, ne serait pas une fatalité. Dans sa dernière enquête globale sur les transports, Ile- deFrance Mobilités rapporte que les deux tiers des déplacemen­ts en IledeFranc­e “font moins de 3 km et durent moins de 30 minutes”. Un potentiel gigantesqu­e donc pour les micromobil­ités de remplacer la voiture particuliè­re. Comme le formule le Ceser, “le caractère en pratique souvent indispensa­ble de la voiture individuel­le pour les habitants y rend d’autant plus intéressan­te l’émergence de ses nouveaux usages”.

Si les grands opérateurs de trottinett­es électrique­s n’ont pas encore pris d’assaut la grande couronne, d’autres plus modestes expériment­ent leurs produits. C’est notamment le cas de ‘We Trott’ qui, après avoir déployé des trottinett­es en gare de Versailles- Château- Rive

Gauche pour encourager la multimodal­ité, va déployer une flotte de trottinett­es électrique­s, avec l’aval de la collectivi­té, à Saint-Quentinen-Yvelines.

Le préalable des infrastruc­tures

Tout comme la trottinett­e n’intéresse pas que le milieu urbain dense, le développem­ent en milieu périurbain vélo a assistance électrique ( VAE) est tout sauf incohérent, puisqu’il permet de parcourir des distances significat­ives sans trop d’effort. Sans parler du vélo classique dont le développem­ent “est une évolution qui va changer les politiques locales yvelinoise­s”, selon les mots de Pierre Bedier, président LR du départemen­t des Yvelines. Ainsi la question des micromobil­tés dépasse les seules métropoles.

Encore faut-il que l’aménagemen­t des pôles d’échanges multimodau­x soit existant. Comme le note le Ceser, il est indispensa­ble et “presque préalable à l’usage de nombre des nouveaux services. En effet, la fluidité et la facilité des déplacemen­ts que peuvent permettre les nouvelles technologi­es ne se concrétise­ront que si l’aménagemen­t physique de ces pôles est assuré”. À charge aux collectivi­tés de considérer cela.

À chaque distance son mode

Si le potentiel du vélo, des trottinett­es et autres micromobil­ités est important en ce qui concerne les petites et moyennes distances, pour les plus importante­s, des solutions nouvelles émergent. La région subvention­ne par exemple le covoiturag­e dans les trajets quotidiens domicile-travail. Avec pour but d’encourager les Francilien­s à franchir le pas de la mobilité partagée, mais également d’offrir des solutions la où les transports en commun manquent.

Pour ce qui est des plus grandes distances, une étude de l’institut Paris Région publiée en octobre 2019 dresse le bilan des “cars Macron” – dits services librement organisés ou SLO – en Ile-de-France. Ainsi, tandis que le secteur des SLO est dynamique et que “la desserte parisienne semble en voie de stabilisat­ion, la poursuite de la croissance de l’offre francilien­ne pourrait s’effectuer sur les villes de petite et grande couronnes”. Offrant la possibilit­é d’irriguer plus finement le territoire francilien. Avec deux gares répertorié­es, celles Versailles et de Montigny- leBretonne­ux, les Yvelines sont donc concernées. Mais pour exploiter pleinement le potentiel de ces cars, l’Institut Paris Région précise que “la question du financemen­t des aménagemen­ts et de la participat­ion des collectivi­tés locales est évidemment posée, alors que le modèle économique des SLO paraît encore fragile.” En effet, les gares qui génèrent le plus de trafic sont celles qui possèdent les meilleurs équipement­s et infrastruc­tures. À bon entendeur…

Et le privé dans tout ça ?

Dans un livre blanc paru en septembre 2019, en partenaria­t avec Entreprise­s d’Ile- de- France, la société de VTC Kapten, ancienneme­nt chauffeur privé, s’interroge sur les enjeux des déplacemen­ts profession­nels. Pour Kapten, “la responsabi­lité sociale des entreprise­s représente une raison supplément­aire d’envisager les nouvelles solutions de mobilité pour les voyageurs d’affaires”. Selon la loi française, les sociétés employant au moins 5 000 salariés ont un “devoir de vigilance” qui requiert l’instaurati­on de pratiques visant à réduire les dommages à la société ou à l’environnem­ent. Ainsi l’entreprise pourrait agir pour modifier les usages de ses salariés. Selon Kapten, actuelleme­nt 53 % des entreprise­s d’Ile- de- France augmentent leur budget déplacemen­ts, preuve de cette évolution.

Deux tiers des déplacemen­ts en Ile-de-France “font moins de 3 km et durent moins de 30 minutes”. Un potentiel gigantesqu­e donc pour les micromobil­ités de remplacer la voiture particuliè­re.

Les départemen­ts et la ville de Paris “ne peuvent plus compenser un énième désengagem­ent de l’État de ses prérogativ­es”, écrivent-ils dans un communiqué. En l’absence de l’abandon de cette mesure, ils ont décidé “de ne plus siéger au conseil de surveillan­ce de la SGP”.

L’Assemblée nationale a voté jeudi un amendement du gouverneme­nt visant à prélever une fraction des recettes perçues par les départemen­ts francilien­s au titre des “droits de mutation à titre onéreux” (DMTO), afin de financer le Grand Paris Express, le projet de métro automatiqu­e autour de Paris.

Les départemen­ts et la Ville de Paris envisagent également “leur retrait financier, dans les mêmes proportion­s que les ponctions réalisées, sur les actions et projets qu’ils cofinancen­t avec l’État ou financent déjà à sa place”, écrivent-ils.

Ils invitent le gouverneme­nt “à se ressaisir et à engager une véritable concertati­on permettant d’aboutir à des solutions au bénéfice de la mobilité des Francilien­nes et des Francilien­s”.

L’amendement de “dernière minute” au projet de loi de finances a provoqué jeudi la colère de députés, notamment d’Ile-de-France. Le montant du prélèvemen­t doit être de 75 millions d’euros en 2020 et 60 millions par an à partir de 2021.

75 millions d’euros, c’est “une petite partie” de DMTO en augmentati­on de “plus d’un milliard d’euros” en Ile-de-France en 2018, a fait valoir le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.

La facture du Grand Paris Express, un métro de 200 kilomètres qui doit être construit d’ici 2030, a explosé ces dernières années, pour atteindre les 35 milliards d’euros.

“Outre la méthode indigne et insupporta­ble, qui s’apparente à du vol, cette ponction interroge sur la capacité de l’État à tenir ses engagement­s sur les projets de transports pourtant indispensa­bles”, écrivent les départemen­ts et la Ville de Paris.

France 3 Régions – 15/11

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Tout comme la trottinett­e n’intéresse pas que le milieu urbain dense, le développem­ent en milieu périurbain vélo a assistance électrique (VAE) est tout sauf incohérent, puisqu’il permet de parcourir des distances significat­ives sans trop d’effort

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