Le Nouvel Économiste

Legs caritatif, comment lever le tabou ?

Le sujet est délicat pour le donateur mais vital pour les associatio­ns et fondations

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Les associatio­ns s’accordent à dire qu’il est plus facile de s’adresser à celles et ceux qui sont déjà donateurs

En France, le monde associatif vit dans sa grande majorité de la générosité publique. Dans un contexte économique tendu, où les dons stagnent voire diminuent, les associatio­ns et les fondations diversifie­nt leurs sources de financemen­t en s’orientant notamment vers le legs. Méconnue du grand public, cette démarche, qui passe par la rédaction d’un testament, est entourée d’un tabou : la mort. Pour les associatio­ns

et fondations, la sensibilis­ation au legs passe dès lors par une communicat­ion respectueu­se et bienveilla­nte. Mais aussi pas l’instaurati­on d’une relation de confiance avec les donateurs.

Nous avions aussi envie de léguer à nos enfants un monde meilleur.” Sur son site Internet, c’est avec ce slogan sur la photo d’un couple de personnes âgées que la Fondation de France, premier réseau de philanthro­pie en France, invite les Français à s’intéresser au legs. Aujourd’hui, ce geste de générosité qui consiste à transmettr­e de son vivant, par testament, une partie ou l’ensemble de son patrimoine, est méconnu du grand public. Il est même entouré d’un tabou qui empêche parfois d’aborder la question sereinemen­t. Mais pour les associatio­ns, consciente­s qu’il y a un réel travail de pédagogie à effectuer, le legs est une source de financemen­t précieuse sans laquelle leurs missions seraient difficiles, voire impossible­s, à mener.

“Avant, on léguait naturellem­ent à ses enfants, explique Frédéric Théret, directeur du marketing et du développem­ent à la Fondation de France. Maintenant, avec l’allongemen­t de la durée de la vie, on hérite de ses parents à 60-70 ans, un âge où on a souvent moins besoin d’argent. Résultat : les gens se concentren­t plus sur leurs petitsenfa­nts et sur les associatio­ns ou fondations.” Dans ces conditions, le legs représente un moyen facile de transmissi­on à destinatio­n d’une cause en laquelle on croit et que l’on souhaite soutenir. “Sur 7,5 milliards d’euros de générosité en France, il y a 1 milliard qui vient du legs [chiffres du Panorama national des générosité­s 2018, ndlr]”, précise Frédéric Théret.

Chaque legs compte

Pour les associatio­ns, les legs peuvent constituer une base solide de leur budget. C’est notamment le cas pour la Société protectric­e des animaux. En 2018, 78,21 % des ressources de la SPA provenaien­t de la générosité publique, et le legs représenta­it 51 % (soit 33,1 millions d’euros). “Le legs est une part importante de notre budget et ce depuis longtemps, souligne Vincent Lazzarin, responsabl­e des relations testateurs à la SPA. Cela est dû à l’ancienneté de notre associatio­n qui fait partie du paysage associatif français [la SPA a été créée en 1845, ndlr]. On a cette chance d’avoir une très grande notoriété. Par ailleurs, les Français sont très attachés aux animaux. Cela compte énormément quand ils n’ont pas de famille à qui transmettr­e leur patrimoine.” Pour la Fondation Visio, engagée en faveur des personnes souffrant de déficience visuelle, les legs représente­nt une part plus faible du budget. Mais comme pour toutes les structures vivant de la générosité publique, tout soutien offre des possibilit­és d’agir. “Certaines personnes nous disent qu’elles aimeraient faire un legs mais qu’elles ne possèdent pas grand-chose, confie Pascal Humbert, directrice mécénat et grands donateurs. Je leur réponds que tout legs est important parce qu’il nous permet d’avancer et de construire l’avenir. Ainsi, vous pouvez contribuer au développem­ent de nouvelles solutions thérapeuti­ques pour des maladies oculaires graves ou à la mise en oeuvre de nouvelles technologi­es comme la fameuse canne blanche électroniq­ue Tom Pouce pour offrir plus d’autonomie aux déficients visuels qui ne veulent ou ne peuvent prendre un chien guide.”

De l’importance du testament

S’il n’y a pas de petit legs, car tous sont utiles, il faut noter que les sommes léguées sont souvent conséquent­es, comme le détaille Frédéric Théret : “le don moyen en France est de 50 euros tandis que le legs moyen à la Fondation de France est de 300 000 euros. Faire un don, c’est donner généraleme­nt de petits montants mais ‘s’appauvrir immédiatem­ent’. A contrario, le legs est le don ultime que vous ferez quand vous n’aurez plus besoin de votre argent”.

Mais pour les associatio­ns, une des difficulté­s est de faire passer ce message et, plus largement, de communique­r sur une thématique souvent taboue : la mort. “Il y a tout un travail de contact et d’échanges qui doit être fait de manière délicate, confirme Pascale Humbert. Les gens n’ont pas tellement envie qu’on les appelle pour leur parler de la mort. Il nous faut faire preuve d’empathie.”

Une opinion partagée par Harisoa Rija, responsabl­e marketing à l’OEuvre Falret, qui vient en aide aux personnes en souffrance psychique : “il y a une méconnaiss­ance sur le legs, il y a aussi des idées reçues. D’où l’importance de communique­r et de sensibilis­er le grand public à ce don post-mortem”. Pour Frédéric Théret, le tabou est plus global : “les Français ne sont pas assez nombreux à faire leur

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 ??  ?? “Le legs est une part importante de notre budget. Les Français sont très attachés aux animaux. Cela compte énormément quand ils n’ont pas de famille à qui transmettr­e leur patrimoine.”
Vincent Lazzarin, SPA.
“Le legs est une part importante de notre budget. Les Français sont très attachés aux animaux. Cela compte énormément quand ils n’ont pas de famille à qui transmettr­e leur patrimoine.” Vincent Lazzarin, SPA.

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