Le Nouvel Économiste

JULIEN AUBERT (LR), ET LA BIEN-PENSANCE ÉCOLOGIQUE

député LR du Vaucluse, à propos de la bien-pensance écologique

- INTERVIEW JEAN-MICHEL LAMY MENÉE PAR

Le député Les Républicai­ns du Vaucluse vient de fêter le deuxième anniversai­re de son mouvement “Oser la France”. Julien Aubert ose en effet bousculer la bien-pensance écologique pour essayer de réorienter la décarbonat­ion de l’économie vers le pragmatism­e. Pour ce faire, il s’appuie sur le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur “l’impact économique, industriel et environnem­ental des énergies renouvelab­les et sur l’acceptabil­ité sociale des politiques de transition énergétiqu­e”.

Il est tout de même étonnant de prétendre que les énergies renouvelab­les, l’éolien notamment, ne servent à rien pour l’objectif de décarbonat­ion de l’économie. N’est-ce pas pousser un peu loin la provocatio­n envers le mouvement écologiste ?

En réalité, beaucoup de spécialist­es le disent depuis longtemps. Mais il y avait une espèce d’omerta politique. Qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a eu un télescopag­e entre une politique de transition climatique, qui vise à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre (GES) et l’accident nucléaire de Fukushima au Japon. Ce moment exceptionn­el a conduit les écologiste­s à mettre en avant la sortie du nucléaire. Je vous rappelle que du temps de Ségolène Royal, ministre de l’Environnem­ent lors du quinquenna­t de François Hollande, la loi de transition énergétiqu­e pour la croissance verte présentait la diminution de la part du nucléaire comme une force pour la France. Inutile de souligner qu’à l’époque Paris accueillai­t la COP 21 !

Vous iriez jusqu’à parler de supercheri­e dans cette présentati­on ?

Disons plutôt une ambiguïté savamment entretenue. Cette politique de réduction des centrales nucléaires était saluée comme rationnell­e en regard du discours sur l’urgence climatique. Au point d’ailleurs qu’aujourd’hui, vous avez une majorité de Français qui croit que le nucléaire produit du CO2 ! Qu’est-ce qui explique une telle configurat­ion ? À l’origine, vous avez la stratégie de l’Allemagne. Angela Merkel, dans la foulée toujours de “Fukushima”, a décidé de mener une politique de transition électrique passant du nucléaire aux énergies renouvelab­les. Cette stratégie a un impact mesurable sur l’émission de CO2 parce que le mix électrique allemand est différent du mix électrique français.

Il est composé de charbon. Donc, quand vous remplacez du charbon par des éoliennes, effectivem­ent vous diminuez les émissions de CO2. Nous, en France, on a repris la même stratégie, mais on n’avait pas de charbon ! Résultat, quand notre pays entend diminuer la part du nucléaire pour la remplacer par des énergies électrique­s renouvelab­les, il supprime de l’énergie décarbonée pour la remplacer par une autre énergie décarbonée. Ce qui vous coûte très cher, mais n’a aucun impact sur les émissions de CO2.

Il y a beaucoup de rhétorique autour de la transition énergétiqu­e. Ce n’est pas du tout un fleuve tranquille, certains parlent même de populisme idéologiqu­e dans cette affaire. Quel est votre sentiment ?

La “transition”, c’est un terme qu’on a forgé, mais qui ne veut pas dire grand-chose. Ça veut dire quoi la transition énergétiqu­e ? L’important, c’est d’où vous partez et où vous allez. Le monde est en transition énergétiqu­e depuis qu’il est monde. Nous sommes passés du charbon au pétrole pour nos déplacemen­ts. Puis on a trouvé l’électricit­é…

La question qu’on doit se poser, c’est pourquoi doit-on faire évoluer notre consommati­on énergétiqu­e ? Il y a plusieurs raisons. La première c’est qu’effectivem­ent, il y a un impact sur le climat. La deuxième, c’est qu’il peut y avoir un impact plus général sur l’environnem­ent, c’est-à-dire qu’une énergie peut être propre en termes de CO2 mais mauvaise pour l’environnem­ent. La troisième raison, c’est pour gagner de l’argent parce que ça permet de faire des économies. L’avantage des énergies renouvelab­les électrique­s, c’est qu’une fois qu’elles deviennent compétitiv­es, eh bien la matière première devient gratuite. Dès lors vous pouvez abaisser la facture individuel­le des Français pour l’énergie. Et ça, c’est un objectif louable !

Nous voulons différenci­er la transition électrique – la stratégie telle qu’elle est aujourd’hui menée – d’une véritable transition énergétiqu­e. En l’occurrence, ce serait certes aller vers une diminution de la part du fossile importé, mais accompagné­e par une transition vers des énergies thermiques moins carbonées et pas forcément par une électrific­ation des usages.

Alors vous considérez comme certains que la civilisati­on du combustibl­e va se terminer vers 2028 ?

Non. Notre intérêt, bien sûr, est de diminuer le fossile parce que ça produit du CO2, et surtout parce que ça coûte très cher à la France. Je vous rappelle que la facture du gaz et du pétrole dans la balance commercial­e correspond à entre 60 et 70 milliards d’euros par an. C’est énorme. Il est là le problème. Pour le coup, vous allégez la facture globale si vous remplacez ce déficit commercial par des énergies qui peuvent être effectivem­ent plus chères, mais que vous n’importez pas. Je pense par exemple à des filières en devenir comme l’hydrogène, comme le gaz renouvelab­le, comme les biocarbura­nts.

À l’inverse, quand on se focalise uniquement sur l’électricit­é, on se focalise sur 5 % seulement des émissions de CO2 – ce dont la production d’électricit­é est directemen­t responsabl­e. On en oublie les vrais problèmes ! Celui de l’habitat, alors que le bâtiment résidentie­l et tertiaire représente plus de 20 % des émissions de CO2. Celui du transport, alors que plus de 30 % des émissions proviennen­t des transports routiers (individus et marchandis­es). Dans le même temps, les crédits sont largement conditionn­és par les aides à l’électrique. En conséquenc­e vous n’avez pas assez d’argent pour porter les autres filières.

Précisémen­t, revenons aux deux produits “phares” d’énergies renouvelab­les que sont l’éolien et le voltaïque. Où en est-on en matière de tarificati­on et de subvention­s ?

Il faut bien faire la différence ! Le rapport remis à l’Assemblée nationale examine le choix énergétiqu­e au travers du seul coût marginal par unité produite. Avec cette grille d’analyse quand vous regardez le prix des énergies renouvelab­les pour le consommate­ur, il est en train de baisser ! Parce qu’on vous vend l’électricit­é éolienne et l’électricit­é photovolta­ïque à un prix qui converge vers le prix du nucléaire. Mais ce sont des faux prix, parce que ce sont des prix subvention­nés, donc en fait personne ne connaît le prix réel. Un choix politique éclairé doit se fonder sur le coût complet, celui qui inclue les nécessaire­s modificati­ons du réseau pour absorber l’intermitte­nce ou le coût du refoulemen­t de l’électricit­é. Le vent ou le soleil sont sans corrélatio­n avec les pics de demande d’électricit­é.

Par ailleurs, il faut prendre conscience des subvention­s massives mises sur la table. Les frais de démarrage ont mobilisé près de 24 milliards d’euros (15 pour le photovolta­ïque, 9 pour l’éolien). Pour la dépense publique à venir, les chiffres font état de près de 70 milliards d’euros (25 pour le photovolta­ïque et 45 pour l’éolien). Sans compter les engagement­s qui seront pris par la future Programmat­ion pluriannue­lle de l’énergie. Sous l’étiquette d’un marché régulé, la transition énergétiqu­e a beaucoup d’un commerce de subvention­s publiques.

Le rapport préconise d’arrêter le subvention­nement des énergies électrique­s en aval, c’est-à-dire par un tarif de rachat, et plutôt de sécuriser le processus en amont avec la prise en charge de certaines études de faisabilit­é. En ce qui nous concerne, on préfère proposer de passer d’une aide systématiq­ue à l’aval à carrément une aide en amont pour sécuriser les investisse­ments. À ces énergies ensuite de gagner leur propre compétitiv­ité.

Il y a beaucoup de critiques sur la façon dont l’éolien s’impose aux collectivi­tés et aux population­s. Est-ce qu’il existe un fanatisme éolien ?

C’est le Far-West. Il y a effectivem­ent un problème d’acceptabil­ité. On voit aussi que l’État ne fait pas son travail, c’est-à-dire que les promoteurs démarchent individuel­lement les propriétai­res de terrains ou les communes. Il n’y a pas de planning global. Le rapport ne va pas très loin sur ce thème. Avec quelques parlementa­ires, j’ai souhaité faire des propositio­ns beaucoup plus dures.

Je demande un moratoire sur l’éolien terrestre et l’éolien en mer “posé” – installé près des côtes – quand il n’y a pas de consensus du territoire d’accueil. Parce qu’il y a des territoire­s où ça se passe bien. Je suggère une distance minimum d’éloignemen­t des habitation­s qui prendrait en compte l’avis de l’Académie de médecine, c’est-à-dire 1 500 mètres [contre 500 mètres actuelleme­nt, ndlr], et qui prendrait également en compte la hauteur de l’éolienne. Ce n’est pas la même chose d’avoir une éolienne de 40 mètres et une éolienne de 180 mètres.

Pour le “mainstream”, tout ce qui vient de l’écologie est censé être bon pour tout le monde. Comment vous appréciez ce positionne­ment ?

L’écologie doit être bonne pour l’homme. Le problème de l’écologie vue par les écolos, c’est que l’homme est systématiq­uement éliminé de leur raisonneme­nt. La preuve : quand vous implantez une éolienne, vous allez faire des études sur le raton laveur, mais par contre, pour l’humain, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentati­on, de l’environnem­ent et du travail) vous expliquera qu’elle ne fait pas d’analyse particuliè­re. Même en cas de plainte, cela prend beaucoup de temps pour avoir des études. Lorsque l’homme “rebelle” estime qu’on lui gâche ses paysages, on passe au bulldozer en faisant une fausse concertati­on ! Je souhaite que l’homme fasse partie de l’écologie, et qu’on prenne en compte le facteur humain qui est essentiel. On ne construira pas une politique contre les citoyens.

Sans doute, mais quelle est la “bonne” politique pour les citoyens ?

Il faut entamer la réorientat­ion de la politique de transition énergétiqu­e en arrêtant l’électrific­ation à tout prix et en se concentran­t sur le vrai sujet du CO2. Ce qui veut dire mettre beaucoup plus d’argent sur l’habitat et le transport. J’ajoute qu’il ne faut pas faire de religion à propos de l’électricit­é nucléaire. Il faut du pragmatism­e. Aujourd’hui, c’est une énergie qui ne produit pas de carbone. Donc, si on estime que le vrai danger pour l’homme, c’est le réchauffem­ent climatique, il faut laisser le nucléaire tranquille et investir pour la sûreté et la sécurité des centrales.

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