Le Nouvel Économiste

Donald et Boris, même combat ?

Le président américain et le Premier ministre britanniqu­e ont bâti leur succès en pourfendan­t les élites, sans pour autant donner le même sens au mot

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE,

Tout le monde l’a remarqué, ils partagent la même tignasse, laquée pour l’un, hirsute pour l’autre. Mais au-delà d’un mépris certain pour les canons de l’esthétique capillaire, qu’ont-ils en commun ? Donald Trump a chaleureus­ement félicité le Premier ministre britanniqu­e pour une victoire dans laquelle il semble voir un heureux présage de son propre sort électoral l’année prochaine. L’un et l’autre ont grandement contribué

Donald Trump a prouvé qu’il savait au moins une chose : comment s’emparer du pouvoir. Et là, Boris Johnson a pris quelques leçons.

à faire de la politique un spectacle permanent, en bousculant les règles du genre. Ils ont tous les deux fait irruption dans de vénérables partis qui ne se reconnaiss­ent pas forcément en eux. Ils montrent en effet une prédilecti­on à chasser sur les terres de l’adversaire, en faisant tomber les bastions ouvriers de la gauche. Dans le même temps, ils ont redessiné les lignes de partage en faisant fuir une frange centriste de leur propre parti. Dans les districts haut de gamme, une partie des conservate­urs britanniqu­es a déserté Boris Johnson, tout comme les banlieues chics américaine­s se sont mises à voter démocrate.

L’art d’habiller la réalité

Les deux hommes ont bâti leur succès en pourfendan­t les élites qui méprisent la voix du peuple, sans pour autant donner le même sens au mot. Donald Trump expliquait dernièreme­nt à ses électeurs potentiels qu’il y a deux élites, l’une basée sur les origines sociales et les prétention­s intellectu­elles qui le snobe, et l’autre, celle de l’argent, dont il se vante de faire partie. Le président américain n’en finira jamais avec la rancoeur d’être le petit gars de Queens, regardé de haut par la bonne société de Manhattan. Boris Johnson, éduqué dans la plus exclusive des écoles britanniqu­es, Eton, est au contraire un produit de la bonne société. Il a d’ailleurs fait partie du club des détracteur­s de Trump, dont il disait en 2016 qu’il était “d’une ignorance spectacula­ire”. Entre-temps, Donald Trump a prouvé qu’il savait au moins une chose : comment s’emparer du pouvoir. Et là, Boris Johnson a pris quelques leçons. Tout en se gardant d’afficher un parallèle avec le président américain, dont selon un récent sondage*, les deux tiers des Britanniqu­es ont une opinion négative, il s’est inspiré de sa méthode. Donald Trump pourrait en effet faire breveter ce qu’il a baptisé lui-même “the truthful hyperbole”, la vérité embellie, ou l’art d’habiller la réalité dans la version que l’auditoire veut entendre. Ils ont été servis par des adversaire­s qui, eux, ne brillaient pas par la clarté de leur message.

La règle du chacun pour soi

Est-ce à dire que l’on va entrer dans une phase idyllique de la relation entre la Grande-Bretagne et son ex-colonie ? Boris Johnson et Donald Trump, qui paraît-il se parlent une fois par semaine, ont quelques divergence­s à résoudre. Même si Boris Johnson a appuyé son succès sur la sortie de l’Union européenne, il reste attaché aux organisati­ons internatio­nales comme l’Otan, que Donald Trump a décrite comme obsolète. Ils vont dans les mois à venir gouverner dans des contextes totalement différents. Sauf brutal retourneme­nt de situation, Donald Trump se fait pardonner beaucoup de choses grâce à une économie prospère, alors que Boris Johnson va devoir faire passer les effets négatifs du Brexit. Tandis que le président américain naviguera au milieu des écueils de l’impeachmen­t et de la campagne électorale, le Premier ministre britanniqu­e sera aux prises avec les négociatio­ns de sortie de l’Union européenne. De bonnes raisons pour qu’ils appliquent la règle du chacun pour soi qu’ils ont mise au centre de leur message.

*Sondage You Gov UK avril 2019

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TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE
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permanent, en bousculant les règles du genre
L’un et l’autre ont grandement contribué à faire de la politique un spectacle permanent, en bousculant les règles du genre

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