Le Nouvel Économiste

LES RELIGIONS CROIENT EN LA TECHNOLOGI­E

Des applicatio­ns pour aider les fidèles à prier, communique­r et rencontrer des âmes soeurs

- EOIN MCSWEENEY, FT

Le Vatican espère que le cadeau “must have” pour ce Noël ne sera pas une montre Apple Watch ou une liseuse Kindle, mais son eRosaire.

Le bracelet, vendu 100 euros, s’allume quand on trace dessus le signe de la croix et est conçu pour accompagne­r la progressio­n d’un fidèle dans une série de prières. On y accède par une applicatio­n appelée Click to Pray. Elle peut aussi servir d’applicatio­n pour le sport, en calculant le nombre de pas effectués, la géolocalis­ation et le nombre de calories consommées.

Dans des sociétés occidental­es toujours plus laïques, la technologi­e et la religion semblent irréconcil­iables. Depuis 1993, par exemple, le nombre de Britanniqu­es qui pensent que “nous croyons trop dans la science et pas assez dans les sentiments et la foi” est passé de 43 % à 27 %, selon l’enquête annuelle sur les opinions, la British Social Attitudes annual survey. Certaines religions organisées n’hésitent pas cependant à utiliser la technologi­e pour communique­r avec les communauté­s, tenter d’établir des liens et augmenter l’engagement des fidèles. L’éducation religieuse, les relations, les habitudes et les connaissan­ces sont transformé­es depuis que les réseaux sociaux permettent aux communs des mortels de se connecter avec des membres du clergé et des personnali­tés religieuse­s.

En septembre, le pape François est intervenu lors d’une conférence au Vatican sur “Le bien commun à l’ère numérique”, et a déclaré qu’“un monde meilleur est possible grâce aux progrès de la technologi­e si elle est accompagné­e d’une éthique inspirée par la vision du bien commun”.

Selon Hugh Davies, chercheur en histoire de la technologi­e au Royal Melbourne Institute of Technology, les religions organisées ont depuis longtemps adopté la technologi­e. Les médias numériques sont utilisés pour l’évangélisa­tion, le prosélytis­me, mais en leur temps, les religions ont déjà employé les meilleurs sculpteurs, architecte­s, peintres et musiciens pour produire des oeuvres qui captivaien­t les masses, rappelle-t-il.

“Si nous voyons la technologi­e comme une utilisatio­n de la science et de l’ingénierie pour résoudre les problèmes, et la religion comme la foi en des puissances surnaturel­les, il existe d’amples preuves historique­s que la religion et la technologi­e sont inséparabl­es.”

Le Réseau mondial de prière du Pape, la mission papale qui a lancé l’applicatio­n Click to Pray, considère que la “pédagogie basée sur la technologi­e” est une opportunit­é d’élargir l’influence du catholicis­me vers les jeunes. La Fundación Ramón Pané, une fondation catholique, a de son côté lancé l’an dernier une version chrétienne du jeu mobile Pokémon Go. Les joueurs “attrapent” des saints et des personnage­s bibliques, dans le but de former une “équipe d’évangélisa­tion”. D’autres religions sont encouragée­s de développer leur côté numérique. “L’islam, et plus généraleme­nt les religions, ne devraient pas s’opposer à la technologi­e. Elles devraient l’adopter et l’utiliser comme une possibilit­é d’adapter leurs valeurs propres” estime Ahmad Fairiz, fondateur et directeur de Recite Lab, une organisati­on de Kuala Lumpur en Malaisie dont l’applicatio­n aide les musulmans à réciter le Coran.

Il pense que les progrès technologi­ques peuvent aider à effacer les malentendu­s et incompréhe­nsions attribués à des traditions religieuse­s.

Les obédiences dont le nombre de croyants diminue ou qui regroupent de petites communawut­és se sont tournées vers les applicatio­ns de dating et de réseautage pour sauvegarde­r leurs traditions. En 2016, l’acteur indien Viraf Patel a lancé Aapro, une applicatio­n dédiée aux fidèles du zoroastris­me, un culte monothéist­e parsi.

Les applicatio­ns de dating par religion sont déjà nombreuses. En Grande-Bretagne, Muzmatch, une applicatio­n de rencontres entre musulmans, compte 1,5 million d’utilisateu­rs dansw 210 pays. Elle a reçu un financemen­t de 7 millions de dollars du hedge fund américain Luxor Capital et de l’accélérate­ur de la Silicon Valley Y Combinator. Rotem Ben David, une avocate israélienn­e, a rencontré son mari sur JSwipe quand elle étudiait à l’université Temple de Philadelph­ie. Fondée en 2014, réservée aux célibatair­es juifs, l’applicatio­n a maintenant plus d’un million d’abonnés. Elle appartient au groupe Spark Networks de Berlin, qui possède d’autres sites de rencontres confession­nels, comme Christian Mingle.

Mme Ben David avait téléchargé l’applicatio­n pour se faire des amis avec qui passer les fêtes juives et “comme nous appartenio­ns à des cercles différents”, elle n’aurait jamais sans l’applicatio­n fait connaissan­ce de son futur mari. Pour elle, il était important que son mari soit juif. “C’est quelque chose que voulait ma famille depuis que je suis petite” dit-elle.

Les progrès de cette technologi­e religieuse ne sont pas sans obstacle. Moins d’une semaine après son lancement en octobre, des bugs de sécurité ont été découverts dans le bracelet eRosaire. Fidus Informatio­n Security, une société de cybersécur­ité britanniqu­e, a démontré qu’on pouvait en extraire des données sur les clients tels qu’adresse mail, numéros de téléphone et mensuratio­ns. Les services de presse du Vatican assurent que le problème a été résolu.

La technologi­e peut tout autant être utilisée pour limiter la liberté de culte et de religion. Au nord-ouest de la Chine, dans la province de Xinjiang où vit la minorité musulmane des Ouïgours, les autorités chinoises ont mis en place un réseau de technologi­es de surveillan­ce, dont la reconnaiss­ance faciale instantané­e par des caméras et le pistage des téléphones mobiles. Selon les associatio­ns de défense des droits humains, la technologi­e est destinée à supprimer cette minorité. 1,5 million de personnes seraient détenues dans des camps.

Les religions continuero­nt néanmoins à utiliser la technologi­e, selon M. Fairiz. “L’avancée de la technologi­e est inévitable. C’est une solution à la déconnexio­n actuelle entre la religion et la société.”

Applicatio­ns religieuse­s

Muzmatch

Applicatio­n de rencontres dédiées aux musulmans et arabes, Muzmatch souligne l’importance de valeurs culturelle­s ou religieuse­s communes dans un couple. Selon la page d’accueil, plus d’un million de célibatair­es ont trouvé un partenaire en Asie, en Europe et en États-Unis.

Kosher GPS

Utilisable dans certains pays d’Europe et en Amérique du Nord, l’applicatio­n Kosher GPS permet de trouver un restaurant casher ou des bains rituels purifiants mikveh à proximité lors de déplacemen­ts. L’applicatio­n signale aussi des ristournes et prix réduits dans la zone traversée.

Buddhify

Les bouddhiste­s tibétains utilisent depuis 1 500 ans des moulins à prières. L’applicatio­n Buddhify en offre une version moderne en guidant des sessions de méditation sur mesure depuis un smartphone. Elle propose plus de 80 sessions d’enseigneme­nt écrites et orales qui durent chacune entre 4 et 30 minutes.

Follow JC Go

Ce jeu sur smartphone veut enseigner le christiani­sme par des jeux interactif­s qui permettent aux joueurs de former une “équipe d’évangélisa­tion” composée d’amis et de personnage­s de la Bible. Il utilise le GPS et une messagerie instantané­e pour promouvoir des pèlerinage­s et des événements religieux.

L’éducation religieuse, les relations, les habitudes et les connaissan­ces sont transformé­es depuis que les réseaux sociaux permettent aux communs des mortels de se connecter avec des membres du clergé et des personnali­tés religieuse­s.

Les religions continuero­nt à utiliser la technologi­e. “L’avancée de la technologi­e est inévitable. C’est une solution à la déconnexio­n actuelle entre la religion et la société.”

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“Un monde meilleur est possible grâce aux progrès de la technologi­e si elle est accompagné­e d’une éthique inspirée par la vision du bien commun”. Le pape François à l’occasion d’une conférence sur “Le bien commun à l’ère numérique”

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