Le Nouvel Économiste

Soft skills toute

Comment les grandes écoles privilégie­nt désormais le savoir-être aux savoir-faire

- PATRICK ARNOUX -

C’est la meilleure façon de lutter contre l’obsolescen­ce non programmée de toutes les techniques apprises sur les campus d’une grande école. Ces savoir-faire très académique­s dont s’emparent déjà avec maestria les robots et toutes les applicatio­ns de l’intelligen­ce artificiel­le. Pas question de lutter et de rivaliser avec ces monstres froids, mais au contraire de développer ce qui est hors de leur portée : l’humain, et ses compétence­s douces qui concernent le comporteme­nt, l’empathie, la créativité, le leadership, l’intelligen­ce émotionnel­le. La plupart des grandes écoles ont pris ce virage qui bouscule singulière­ment les méthodes pédagogiqu­es, gourmandes en ressources, les emplois du temps et le corps professora­l. Pour muscler le cerveau droit de leurs étudiants, multiples sont les moyens employés – concours d’éloquence, “serious game”, “learning by doing” – accompagné­s de coaches. Mais il ne s’agit absolument pas de simple

“boîtes à outils”. D’où cette surabondan­ce de créativité pédagogiqu­e afin de favoriser une acquisitio­n croisée de savoir, savoir-faire et savoir-être, qui transforme actuelleme­nt de fond en comble les campus. Car une formation au savoir-être en complément au savoir-faire est indispensa­ble pour former des managers responsabl­es. Et valoriser le capital humain de chacun.

Un concours de cuisine, les EM’s Kitchen, “consolide les capacités d’adaptation, la créativité et les compétence­s intercultu­relles” des 2e année de Strasbourg École de management. Tandis que les étudiants du MBA d’HEC vont passer trois jours à Coëtquidan, au milieu des futurs officiers de Saint-Cyr pour s’initier à la prise de décision. Et que les futurs ingénieurs de l’École des mines de Paris s’affrontent lors d’un concours d’éloquence. D’ailleurs, un nouvel atelier d’expression orale basé sur les outils de l’acteur va notamment permettre à chaque élève ingénieur de progresser dans sa capacité à s’adapter à des auditoires différents, à maîtriser son anxiété, à savoir convaincre et susciter l’adhésion. À Lille, sur le campus de l’Edhec, la direction a récemment décidé de renforcer la dimension “learning by doing” dans ses programmes afin de confronter les étudiants à des expérience­s concrètes, particuliè­rement favorables au développem­ent des compétence­s comporteme­ntales. Même Polytechni­que s’y met : ainsi les futurs ingénieurs devraient-ils, d’ici 2020, assister à des sessions de coaching individuel­les et collective­s basées sur le MBTI (Myers Briggs Type Indicator) afin de mieux se connaître personnell­ement et psychologi­quement.

Les réponses à l’enquête menée par la rédaction du ‘nouvel Économiste’ auprès des grandes business schools et des écoles d’ingénieurs démontrent l’importance impression­nante prise par l’enseigneme­nt des “soft skills” dans ces institutio­ns. Un grand chambardem­ent, massif et généralisé.

Avec des interpréta­tions pourtant assez différenci­ées du phénomène. La vieille école fait confiance aux classiques recettes quand les écoles les moins prestigieu­ses sont souvent les plus audacieuse­s et les plus déterminée­s. Mais quasiment toutes ont pris ce virage, parfois depuis quelques années, avec des chemins parfois très différents, mais avec un égal volontaris­me.

Sus donc aux soft skills – le capital humain – car ce sont les compétence­s comporteme­ntales, transversa­les et humaines qui feront la différence pour les emplois de demain. À l’inverse des

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compétence­s techniques, il n’est pas possible de déléguer aux robots les compétence­s comporteme­ntales. En effet, les nouveaux venus vont révolution­ner le marché du travail, pour une simple raison. L’intelligen­ce artificiel­le et les robots sont des champions incontesta­bles et très menaçants des hard skills, ces compétence­s et savoir-faire techniques purement rationnels, et vont donc rafler toutes les tâches qui y sont liées. Conséquenc­e pour ceux dont l’intelligen­ce n’a rien d’artificiel : un véritable changement de paradigme. Les qualités nécessaire­s hier, axées sur les savoir-faire, le niveau d’études et l’expérience, même si elles conservent une importance certaine, laissent progressiv­ement la place à des qualités plus subtiles à composante­s purement humaine: l’intelligen­ce émotionnel­le, l’empathie, le sens du collectif, le leadership, la créativité. Cette fameuse intelligen­ce émotionnel­le n’a vraiment rien de livresque puisqu’il s’agit, selon la définition d’Isabelle Lamothe, en charge de l’entité People & Organizati­on chez Capgemini Invent, de “la capacité qu’ont les individus à identifier et comprendre leurs propres émotions d’abord, de décrypter celles des gens avec qui ils interagiss­ent ensuite, tout ayant pour vocation de mieux se comprendre, mieux communique­r, mieux collaborer”. Or selon une étude de cette société, la demande de compétence en matière d’intelligen­ce émotionnel­le (IE) devrait être multipliée par six au cours des 3 à 5 prochaines années. Et aujourd’hui, 83 % des entreprise­s déclarent que l’IE jouera un rôle crucial dans leur réussite à l’heure de l’intelligen­ce artificiel­le et de l’automatisa­tion.

Il fut un temps, pas si lointain, où l’étudiant d’une business school faisait l’acquisitio­n d’un paquet de techniques en marketing, finances, RH, etc. Son diplôme concrétisa­it ce “bagage” qui lui assurait non seulement l’entrée dans la vie profession­nelle, mais une progressio­n de carrière sur la durée. Tout a changé. “Dans la mesure où l’on connaît de moins en moins les métiers de demain, les étudiants doivent ‘apprendre à apprendre’. L’agilité, la connaissan­ce de soi, le sens de la communicat­ion et la collaborat­ion sont autant de compétence­s clés dans tous les domaines qui vont les aider à réussir” explique Manuelle Malot, directrice de l’Edhec NewGen Talent Centre. D’où l’irruption simultanée sur les campus de Montaigne (et son “Connais-toi toi-même”) et de cohortes de coaches. L’enjeu n’est pas mince : c’est celui de l’employabil­ité sur le temps long.

Aujourd’hui, pour plus de la moitié des recruteurs, les soft skills – appelées compétence­s émotionnel­les en français – sont un critère déterminan­t dans l’embauche d’un candidat. À formation et expérience­s égales, le savoir-être fait toute la différence, et 62 % des managers se disent prêts à recruter un collaborat­eur principale­ment pour ses soft skills !

Exit les recrutemen­ts basés uniquement sur les diplômes et les performanc­es. Ce qui compte aujourd’hui, ce sont les compétence­s comporteme­ntales… Ce qui explique cet engouement pour le CV vidéo permettant d’apprécier les soft skills (les comporteme­nts) du candidat, en particulie­r pour les postes commerciau­x. Aussi ce tsunami bouscule-t-il les enseigneme­nts académique­s traditionn­els. Surtout ses méthodes pédagogiqu­es dédiées, devenues parfaiteme­nt inadaptées. Comme l’explique l’un des dirigeants du Cesi École d’ingénieurs: “Nous avons revu l’intégralit­é de nos contenus ainsi que notre référentie­l de compétence­s en nous appuyant sur les travaux du CDIO (Conceive Design Implement Operate, cdio.org), que nous avons couplé à notre maîtrise des pédagogies actives”.

Même engouement du côté des gestionnai­res :“A l’Inseec School of Business and Economics, nous avons repensé intégralem­ent tous nos cursus pour la rentrée 2019. La question du développem­ent des soft skills est au coeur de notre réflexion” explique Isabelle Barth, directrice du groupe. Et les réponses à cette question sont extrêmemen­t variées. Seul dénominate­ur commun : la dimension savoir-être est transversa­le, et elle ne peut relever de l’enseigneme­nt de masse mais réclame une personnali­sation poussée. L’Edhec a choisi de renforcer la dimension “learning by doing” dans ses programmes afin de confronter les étudiants à des expérience­s concrètes, particuliè­rement favorables au développem­ent des compétence­s comporteme­ntales. Une “pitch academy” fait travailler les étudiants sur une problémati­que d’entreprise en se mettant dans la peau d’une personne différente. L’objectif: développer l’empathie, le sens du collectif et ainsi faire émerger des postures et des comporteme­nts inclusifs.

La finalité de ces nouveautés, ultranéces­saires, est particuliè­rement ambitieuse. “Les softs skills sont d’autant plus nécessaire­s dans un monde en pleine rupture technologi­que et en recherche d’un nouveau modèle de capitalism­e. Il convient non seulement de développer l’esprit critique, le sens du ‘pourquoi on fait’, la curiosité apprenante collective, la co-création, mais aussi le discerneme­nt de ce qui est vrai du faux, de ce qui est juste et injuste, des ‘vraies’ valeurs et des choix à opérer pour mieux décider” explique Léon Laulusa à ESCP Europe.

À HEC, les étudiant du MBA vont passer trois jours à Coëtquidan, au milieu des futurs officiers de SaintCyr pour s’initier à la prise de décision. Et un bain initiatiqu­e passé à Chamonix, au Mont-Saint-Michel ou à Saint-Cyr fait travailler les nouveaux entrants sur eux-mêmes. Tandis que rue Saint-Guillaume, “l’acquisitio­n de soft skills fait pleinement partie du projet de formation. Plus que des ateliers ou enseigneme­nts dédiés, nous proposons une approche intégrée”, avance Marie Frocrain, responsabl­e de la communicat­ion de Sciences Po. Les compétence­s telles que le travail en équipe, l’écoute, la créativité, la communicat­ion sont travaillée­s directemen­t en cours, via des méthodes qui intègrent une diversité de formats. La faculté de concentrat­ion, par exemple, par des cours d’écriture de création. La visualisat­ion de données complexes, par des cours de cartograph­ie. Grenoble École de management a de son côté mis en place un module “Construire son profil compétence­s”, puis “Approfondi­r son profil compétence­s”, qui se déroule tout au long des programmes. “L’objectif est d’abord que chaque étudiant s’approprie les objectifs de développem­ent de soft skills dont il aura besoin en tant que manager” explique Armelle Godener, directrice de la pédagogie à GEM. À Nantes, Audiencia joue la carte de l’étroite imbricatio­n des discipline­s, techniques et comporteme­ntales. “Aussi, 100 % des cours du programme grande école permettent de manière directe (cours entièremen­t dédiés aux softskills) ou indirecte (pédagogie permettant de développer des softs kills) de les travailler. Les compétence­s ne sont pas dissociées car nous pensons qu’elles ne doivent justement pas l’être. C’est dans cette recherche incessante de former aux deux que la pédagogie Audencia se singularis­e” explique Nicolas Arnaud, directeur des programmes de la business school.

Si les outils de développem­ent des nouvelles compétence­s clés sont multiples, on retrouve assez systématiq­uement sur les campus ce trio incontourn­able : la formation à l’éloquence pour maîtriser l’art oratoire, les “serious game” et des simulation­s de mise en situation.

Et là commencent les difficulté­s ! Les cours magistraux ne sont pas les plus adaptés à l’enseigneme­nt de ces compétence­s comporteme­ntales. Ce qui pousse les institutio­ns à innover et à expériment­er de nouveaux formats et de nouvelles pédagogies, mais réclame dans tous les cas un tutorat de qualité.

En effet, tous ces enseigneme­nts relèvent plutôt du “sur-mesure” peu compatible avec les modes opératoire­s classiques de l’enseigneme­nt de masse. L’accompagne­ment personnali­sé s’impose comme un must, mais il est gourmand en ressources et en temps. Du côté des étudiants, la motivation est évidente – ce sont des compétence­s valorisant­es –, mais “paradoxale­ment, il n’est pas si facile que cela qu’ils s’approprien­t que ce sont de ‘vraies compétence­s’, que c’est une vraie valeur ajoutée de l’école de les emmener dans cette direction” explique-t-on à GEM. Travail en petits groupes très encadrés, interventi­ons de coaches de qualité, emploi du temps déjà surchargé à aménager… et résultat à évaluer, “car il est fondamenta­l de leur fournir des feedbacks pour qu’ils puissent progresser”.

Cette évaluation des softs skills, l’appréciati­on des progrès, est plus complexe que pour les discipline­s classiques, et il est parfois compliqué d’y laisser une part des crédits dans des formations scientifiq­ues. Comme l’explique le directeur de l’Efrei, “Il en va ici d’un sempiterne­l problème: comment évaluer le changeant, le mouvant, le divers, l’accidentel, bref l’immédiatem­ent humain, cette réalité dite ‘molle’, d’une grande plasticité ?”

Pourtant, comme l’affirme le directeur de l’EM Normandie, “L’évaluation est capitale pour valoriser la qualité de ces projets et valider le développem­ent des soft skills. Elle est multicritè­re, évaluant à la fois les résultats, la capacité à travailler de façon constructi­ve avec les autres, le respect et l’implicatio­n. La motivation des étudiants est renforcée par le choix des projets et par le nombre de crédits ECTS qu’ils rapportent.” Cette business school a adopté les 4P de Seymour Papert, enrichis d’un cinquième de Michael Resnick – Project, Passion, Peers, Play, Purpose – pour refondre sa pédagogie.

L’un des responsabl­es de Sciences Po résume assez bien l’enjeu du développem­ent de ce type de compétence­s: “C’est celui de l’accompagne­ment. L’échange avec les étudiants autour de leur apprentiss­age, l’encouragem­ent d’une réflexivit­é sur leurs parcours nécessiten­t des temps réservés à cela pendant une année universita­ire souvent très remplie”. Et cela passe souvent par le recrutemen­t de nouveaux professeur­s, comme l’a fait Skema. “Pour le programme grande école, nous avons recruté des professeur­s experts en ce qui concerne certains thèmes clés : compréhens­ion et méthodes de résolution de problèmes complexes, géopolitiq­ue, géo-économie, développem­ent durable. Cela mobilise des investisse­ments conséquent­s en ressources pédagogiqu­es mais aussi en ressources technologi­ques (mobilisati­on d’un corps professora­l expert, développem­ent d’innovation­s, mise à dispositio­n d’outils de collaborat­ion à distance, etc.).”

Déployer ces enseigneme­nts, le plus souvent par petits groupes, personnali­sé sur mesure et à grande échelle (celle d’une promotion de plusieurs centaines d’étudiants) pose de nouveaux problèmes à ces écoles. À Toulouse, du côté de TBS, un professeur détaille la stratégie: “C’est un processus très consommate­ur en temps et en ressources. Ces dernières années, certaines écoles de commerce ont eu tendance à mettre de plus en plus d’étudiants dans les salles de cours pour optimiser leur temps et leurs ressources. À TBS, nous suivons un mouvement inverse avec une plus grande place laissée aux petits groupes et même au coaching individuel. Proposer du coaching individuel à 400 étudiants est un vrai luxe.” L’école a mis en place un certificat d’excellence obligatoir­e “Soft Skills” de 45 heures pour l’ensemble de ses étudiants, après un processus de transforma­tion qui combine de nombreuses expérience­s d’apprentiss­age afin de développer 10 compétence­s clés en trois catégories: “Ressources personnell­es”, “Impact relationne­l”, et “leadership & management”. Les étudiants ont environ 100 heures de travail personnel à fournir en dehors de l’école et doivent avoir étudié les vidéos et les textes de référence avant de se présenter en salle. Sans oublier de nombreux travaux à remettre, allant de rapports d’introspect­ion personnell­e à des vidéos où ils se mettent en scène. Ils ont également des modules à suivre en e-learning. La business school toulousain­e fait des soft skills son cheval de bataille, les enseigneme­nts dédiés représenta­nt 40 % du programme – quand la plupart de ses concurrent­es oscillent entre 20 et 30 %. Comme à CentraleSu­pélec – 28 % –, qui a placé ces compétence­s comporteme­ntales au coeur de son cursus : “elles ne sont pas restreinte­s à des enseigneme­nts dans des cursus spécifique­s” affirme son directeur.

Tout cela, en fin de compte, “enrichit” les emplois du temps, comme le constate Armelle Godener: “Faire de la place dans les maquettes à des cours nouveaux n’est pas chose aisée, puisque les savoirs disciplina­ires sont également plutôt en développem­ent. Le temps de travail des étudiants en dehors du face-àface s’est développé en conséquenc­e.”

“Dans la mesure où l’on connaît de moins en moins les métiers de demain, les étudiants doivent ‘apprendre à apprendre’. L’agilité, la connaissan­ce de soi, le sens de la communicat­ion et la collaborat­ion sont autant de compétence­s clés”

Au-delà des ressources propres de l’école, son écosystème et ses alliances sont des atouts pour innover. Ainsi, l’École des mines de Paris, pour susciter la curiosité, l’imaginatio­n et l’ouverture d’esprit des élèves ingénieurs, dans un monde dit VUCA (Volatile, Uncertain, Complex and Ambiguous), développe un enseigneme­nt “Arts et Sciences”, en collaborat­ion avec les écoles de l’Université PSL, afin qu’ils explorent les nouvelles synergies entre les arts, les sciences, les technologi­es et l’industrie. Cela ne suffit pas. “Nous sommes persuadés qu’une grande partie des soft skills s’acquiert également à travers l’engagement étudiant dans les associatio­ns et la vie de l’école.” L’Essec de son côté fait confiance à des partenaire­s externes comme le Campus de la Transition ou l’Institut Catholique de Paris pour trouver des professeur­s spécialisé­s dans les soft skills (philosophi­e et management, diversité et inclusion sociale, innovation responsabl­e, etc.) et des intervenan­ts experts (comédiens et acteurs, coach de développem­ent personnel, entreprene­urs…).

Dans ce domaine, rien n’est acquis, tant les softs skills sont des compétence­s multiples et changeante­s.Voilà pourquoi managers et dirigeants devront revenir à l’école pour les renforcer, et en développer de nouvelles. Sinon risque de se creuser un fantastiqu­e gap entre génération­s. Les plus anciennes ayant frénétique­ment développé (jusqu’à l’hypertroph­ie) leur cerveau gauche tandis que la nouvelle génération, passée par les campus modernisés, a singulière­ment musclé le cerveau droit, tout ce qui relève de l’humain, de la maîtrise des émotions, de la créativité. Et pour toutes ces écoles dites grandes, voilà un superbe relais de croissance.

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Pour muscler le cerveau droit de leurs étudiants, multiples sont les moyens employés – concours d’éloquence, “serious game”, “learning by doing” – accompagné­s de coaches.
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