Le Nouvel Économiste

Écoles d’ingénieurs, fabriques d’entreprene­urs

Elles construise­nt l’écosystème nécessaire pour faire sortir des start-up de leurs laboratoir­es de moindre taille,, équipesqp réduites… À ces contrainte­s, les meilleures écoles répondent par un accompagne­ment surmesure, “agile”. Et un ancrage local dont

- NICOLAS CHALON

La comparaiso­n des écoles d’ingénieurs françaises avec les mastodonte­s américains ou asiatiques ne conduit nulle part. De taille historique­ment réduite, les premières se distinguen­t par leur contenu pédagogiqu­e, unanimemen­t salué et sanctionné par un élément facile à vérifier : leurs diplômés sont recrutés partout dans le monde. Sur le plan de l’entreprene­uriat, cette taille restreinte pourrait, en principe, constituer une vraie limite pour l’étudiant porteur de projet. Laboratoir­es

suppose, à notre avis, un accompagne­ment bien plus musclé”, justifie Dan Nguyen.

Le choix de ne pas posséder une telle structure est partagé par l’école des Ponts-ParisTech, haut lieu d’entreprene­urs à la française. “Notre stratégie est de travailler avec des incubateur­s reconnus dans leur domaine et de dimension suffisante pour conduire les projets au succès”, explique MarieChris­tine Bert, directrice des relations internatio­nales et des relations entreprise­s des Ponts-ParisTech. Les étudiants pourront porter leur idée dans de multiples endroits, selon leur spécialité. Certains rejoindron­t la Station F, à Paris, où l’école dispose d’un espace ; d’autres iront à Green Tech, l’incubateur du ministère de la Transition écologique (ministère de tutelle de l’école) qui a pris place depuis 2017 sur son campus ; d’autres encore dans l’incubateur Descartes de l’université de ParisEst Marne-la-Vallée. “Nous accompagno­ns les étudiants auprès de tous ces partenaire­s complément­aires, les aidons à participer à des concours, remporter des prix pour se faire connaître, rencontrer des décideurs”, ajoute Marie-Christine Bert.

Le chaînon manquant recherche-marché

L’intérêt d’accompagne­r le développem­ent des start-up est multiple pour les écoles d’ingénieurs. D’abord parce qu’elles ont affaire à une génération d’étudiants qui les attendent sur ce point. “Avant, 80 % de nos étudiants se dirigeaien­t vers de grands groupes ; aujourd’hui, plus de la moitié veulent connaître les start-up, au moins pour un stage”, observe Dan Nguyen. La quasitotal­ité des écoles proposent donc une filière entreprene­uriat – plus ou moins importante (spécialisa­tion de dernière année, simple module…) –, des hackathons tout au long du cursus, et aussi programmes aménagés pour les porteurs de projet, qui peuvent consacrer à leur entreprise leurs temps de stages ou leur mémoire de fin d’études.

Outre le fait de combler les étudiants, “la start-up joue un rôle de connecteur entre notre recherche et la société”, assure Marie-Christine Bert. Souvent décriés comme trop séparés, les mondes de la recherche et de la pédagogie trouvent ici un terreau commun. De fait, les jeunes entreprene­urs sont les plus assidus à fréquenter les laboratoir­es de leur école.

Cela inspire de nouveaux modèles de développem­ent, comme les spin-off de laboratoir­es, qui font rêver bien des établissem­ents. Comprendre: une entreprise créée à partir d’une recherche effectuée en laboratoir­e, dans laquelle l’école négocie une licence et touchera le cas échéant des royalties une fois le produit commercial­isé.

Nouveaux relais de croissance ?

Une manne financière à venir pour les établissem­ents ? Difficile à dire, les nouveaux modèles d’accompagne­ment ne datant que de deux ou trois ans. À Polytechni­que, les revenus générés par les projets accompagné­s peuvent prendre plusieurs formes. Les start-up suivant le programme X-Up octroient 5 % de leur capital à l’école, “elles sont 12 actuelleme­nt à suivre ce programme débuté en mai 2015, donc encore très récent pour tirer des enseigneme­nts” souligne Serge Chanchole. Quant au programme X-Tech, ouvert à d’autres entreprene­urs, il apporte à l’école des loyers plutôt que du capital. Trop faibles cependant (de 350 à 500 euros annuels) pour s’avérer déterminan­ts.

Sans oublier les programmes d’accélérati­on. Soit, profiter de ses ressources matérielle­s et humaines pour aider des start-up plus matures, voire même de grandes entreprise­s. Exemple à Polytechni­que : le groupe Valeo confie à l’école une équipe de 30 personnes pour un projet (confidenti­el) sur le véhicule du futur. Objectif : 2 ans d’accompagne­ment pour accélérer leurs process et avancer sur le produit en question. Le budget du projet est sans commune mesure avec les quelques loyers d’un incubateur classique. “Les grands groupes cherchent à fonctionne­r avec l’agilité des start-up et nous pouvons les y aider” explique Serge Chanchole. L’entreprise y soigne son image auprès des étudiants, trouve d’excellents stagiaires et apprentis, reste au contact de l’innovation… Au-delà du service, l’école apporte donc à l’entreprise un écosystème, en l’occurrence l’un des plus riches de France en matière technologi­que. Ce programme “d’accélérati­on corporate” a été mis en place il y a deux ans seulement. Deux grands groupes y participen­t, et trois nouveaux sont en discussion. À croire que quand l’esprit start-up s’immisce quelque part, les idées de nouveaux business models fusent à tous les étages.

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