Écoles d’ingénieurs, fabriques d’entrepreneurs
Elles construisent l’écosystème nécessaire pour faire sortir des start-up de leurs laboratoires de moindre taille,, équipesqp réduites… À ces contraintes, les meilleures écoles répondent par un accompagnement surmesure, “agile”. Et un ancrage local dont
La comparaison des écoles d’ingénieurs françaises avec les mastodontes américains ou asiatiques ne conduit nulle part. De taille historiquement réduite, les premières se distinguent par leur contenu pédagogique, unanimement salué et sanctionné par un élément facile à vérifier : leurs diplômés sont recrutés partout dans le monde. Sur le plan de l’entrepreneuriat, cette taille restreinte pourrait, en principe, constituer une vraie limite pour l’étudiant porteur de projet. Laboratoires
suppose, à notre avis, un accompagnement bien plus musclé”, justifie Dan Nguyen.
Le choix de ne pas posséder une telle structure est partagé par l’école des Ponts-ParisTech, haut lieu d’entrepreneurs à la française. “Notre stratégie est de travailler avec des incubateurs reconnus dans leur domaine et de dimension suffisante pour conduire les projets au succès”, explique MarieChristine Bert, directrice des relations internationales et des relations entreprises des Ponts-ParisTech. Les étudiants pourront porter leur idée dans de multiples endroits, selon leur spécialité. Certains rejoindront la Station F, à Paris, où l’école dispose d’un espace ; d’autres iront à Green Tech, l’incubateur du ministère de la Transition écologique (ministère de tutelle de l’école) qui a pris place depuis 2017 sur son campus ; d’autres encore dans l’incubateur Descartes de l’université de ParisEst Marne-la-Vallée. “Nous accompagnons les étudiants auprès de tous ces partenaires complémentaires, les aidons à participer à des concours, remporter des prix pour se faire connaître, rencontrer des décideurs”, ajoute Marie-Christine Bert.
Le chaînon manquant recherche-marché
L’intérêt d’accompagner le développement des start-up est multiple pour les écoles d’ingénieurs. D’abord parce qu’elles ont affaire à une génération d’étudiants qui les attendent sur ce point. “Avant, 80 % de nos étudiants se dirigeaient vers de grands groupes ; aujourd’hui, plus de la moitié veulent connaître les start-up, au moins pour un stage”, observe Dan Nguyen. La quasitotalité des écoles proposent donc une filière entrepreneuriat – plus ou moins importante (spécialisation de dernière année, simple module…) –, des hackathons tout au long du cursus, et aussi programmes aménagés pour les porteurs de projet, qui peuvent consacrer à leur entreprise leurs temps de stages ou leur mémoire de fin d’études.
Outre le fait de combler les étudiants, “la start-up joue un rôle de connecteur entre notre recherche et la société”, assure Marie-Christine Bert. Souvent décriés comme trop séparés, les mondes de la recherche et de la pédagogie trouvent ici un terreau commun. De fait, les jeunes entrepreneurs sont les plus assidus à fréquenter les laboratoires de leur école.
Cela inspire de nouveaux modèles de développement, comme les spin-off de laboratoires, qui font rêver bien des établissements. Comprendre: une entreprise créée à partir d’une recherche effectuée en laboratoire, dans laquelle l’école négocie une licence et touchera le cas échéant des royalties une fois le produit commercialisé.
Nouveaux relais de croissance ?
Une manne financière à venir pour les établissements ? Difficile à dire, les nouveaux modèles d’accompagnement ne datant que de deux ou trois ans. À Polytechnique, les revenus générés par les projets accompagnés peuvent prendre plusieurs formes. Les start-up suivant le programme X-Up octroient 5 % de leur capital à l’école, “elles sont 12 actuellement à suivre ce programme débuté en mai 2015, donc encore très récent pour tirer des enseignements” souligne Serge Chanchole. Quant au programme X-Tech, ouvert à d’autres entrepreneurs, il apporte à l’école des loyers plutôt que du capital. Trop faibles cependant (de 350 à 500 euros annuels) pour s’avérer déterminants.
Sans oublier les programmes d’accélération. Soit, profiter de ses ressources matérielles et humaines pour aider des start-up plus matures, voire même de grandes entreprises. Exemple à Polytechnique : le groupe Valeo confie à l’école une équipe de 30 personnes pour un projet (confidentiel) sur le véhicule du futur. Objectif : 2 ans d’accompagnement pour accélérer leurs process et avancer sur le produit en question. Le budget du projet est sans commune mesure avec les quelques loyers d’un incubateur classique. “Les grands groupes cherchent à fonctionner avec l’agilité des start-up et nous pouvons les y aider” explique Serge Chanchole. L’entreprise y soigne son image auprès des étudiants, trouve d’excellents stagiaires et apprentis, reste au contact de l’innovation… Au-delà du service, l’école apporte donc à l’entreprise un écosystème, en l’occurrence l’un des plus riches de France en matière technologique. Ce programme “d’accélération corporate” a été mis en place il y a deux ans seulement. Deux grands groupes y participent, et trois nouveaux sont en discussion. À croire que quand l’esprit start-up s’immisce quelque part, les idées de nouveaux business models fusent à tous les étages.