Le Nouvel Économiste

La grande accélérati­on

Vie quotidienn­e 2020-2030 : chronique des ruptures annoncées

- LE NOUVEL ECONOMISTE

À quoi doit-on s’attendre dans les 10 prochaines années ? Comment allons-nous nous alimenter, nous soigner, travailler, voyager, consommer et enfin nous informer et nous divertir ? Le nouvel Economiste a choisi, à l’occasion de son 2 000e numéro, d’ausculter une décennie passée à toute vitesse et de prendre le pouls de celle à venir. Analyser les 10’s pour comprendre les 20’s. Mais du point de vue du client, du consommate­ur, bref de l’utilisateu­r qui est de plus en plus au centre de tout grâce au pouvoir que lui confère la digitalisa­tion au quotidien. Possibilit­é de choisir, de comparer, de s’exprimer, de critiquer… Ces nouveaux pouvoirs mettent au défi l’agilité des entreprise­s et le discerneme­nt des responsabl­es publics. Et ils dessineron­t sans doute nos horizons en 2030.

C’est leur première inquiétude : 81 % des Français sont préoccupés par leur santé ou celle de leurs proches. En 2030, les plus de 65 ans représente­ront un quart de la population et souffriron­t en moyenne de 4 à 6 pathologie­s. Le système de soins devra gérer une augmentati­on de 50 % du nombre de patients en affection longue durée par rapport à aujourd’hui. Le plan actuel du gouverneme­nt, “Ma santé 2022”,

Actuelleme­nt, l’attractivi­té des hôpitaux fait défaut. 25 % des postes vacants sont occupés par des intérimair­es

montre que demain, on guérira de plus en plus souvent des maladies chroniques et que l’on “chronicise­ra” des maladies mortelles. Les Français – selon le sondage réalisé pour le Leem (Les entreprise­s du médicament) – affichent des objectifs prioritair­es pour l’horizon 2030: guérir du cancer et de la maladie d’Alzheimer. Considéran­t que les progrès en santé viendront des nouveaux médicament­s comme l’immunothér­apie et la thérapie génique (pour 63 % d’entre eux) et de la régénérati­on des cellules (pour 59 %).

Un hôpital à réinventer

Un séisme à bas bruit a radicaleme­nt transformé la vie de l’hôpital dans les années 80. La mise en pratique des 35 heures pour les médecins fut, selon les mots d’un ministre socialiste et médecin lui-même, Bernard Kouchner, “une catastroph­e”. Les médecins en effet ne comptaient pas leurs heures (mais en effectuaie­nt de 70 à 80) alors que depuis quelques années, cette génération très engagée part à la retraite. Ils sont remplacés – ou pas – par de jeunes médecins appliquant à la lettre ces horaires. Désorganis­ation silencieus­e. Actuelleme­nt, l’attractivi­té des hôpitaux fait défaut. 25 % des postes vacants sont occupés par des intérimair­es. D’où, avec effet retard, cette vaste crise existentie­lle qui mine les conditions de travail dans des hôpitaux largement endettés.

“La digitalisa­tion réduit par deux les coûts administra­tifs représenta­nt le quart des dépenses d’un hôpital” explique Matthieu Mallédant, président de Hoppen, entreprise spécialisé­e en transforma­tion digitale des établissem­ents de santé. Tous les efforts vont porter sur le raccourcis­sement des séjours grâce aux healthtech­s permettant au patient opéré de rentrer plus vite chez lui où il sera surveillé, et soigné. Il coûte plus de 2000 euros à l’hôpital contre 200 chez lui.

La médecine est aujourd’hui “hôpital centré”, cela devrait bien changer. “L’hôpital du futur ressembler­a à tout, sauf à ce que l’on connaît aujourd’hui !” prévoit en effet le professeur Guy Valancien, auteur de nombreux livre sur l’avenir de la médecine. “On peut imaginer demain un hôpital hors les murs, dans une logique de partenaria­ts ouverts avec les maisons de santé, les libéraux… Les centres hospitalie­rs seront remplacés par des groupes médico-universita­ires qui inonderont les territoire­s.” Tout cela ne sera possible qu’à condition d’utiliser au mieux les multiples outils numériques. Les robots chirurgien­s, la réalité virtuelle et augmentée, les outils de la télémédeci­ne, l’imagerie médicale devraient permettre aux infirmière­s, à des technicien­s ou aux patients d’effectuer de nombreuses tâches incombant jusque-là aux médecins. Guy Valancien en tire quelques conclusion­s : “L’explosion technologi­que sera exponentie­lle dans les 15 prochaines années. L’hôpital du futur va axer une grande partie de ses activités sur la prévention. La big data permettra d’anticiper les maladies grâce à l’intelligen­ce artificiel­le. Seront conservées dans l’hôpital tel qu’on le connaît aujourd’hui la maternité et la traumatolo­gie.”

Le médicament : de la chimie à la biologie

Le XXe siècle fut pour la pharmacopé­e celui de la chimie triomphant­e, avec la découverte de l’aspirine, puis nombre de molécules thérapeuti­ques.

Les thérapies géniques devraient désormais révolution­ner le traitement de bon nombre de maladies. Malgré de sérieux obstacles financiers. Certains traitement­s par biothérapi­e peuvent frôler le million d’euros. Or les nouvelles stratégies dans le traitement du cancer consistent à associer plusieurs biothérapi­es.

Sans oublier les obstacles scientifiq­ues : sur les 8 000 études lancées dans les années 90, seules 25 ont pu atteindre la phase 3. Pourtant, selon les experts du Leem, les grands défis de la santé de demain passent par le médicament, notamment dans son scénario pour 2030 : “Jumeau digital pour tester les médicament­s virtuellem­ent avant de les prescrire à chaque patient, carte génétique de la tumeur en quelques secondes avant d’entrer dans le bureau du cancérolog­ue, analyse de chaque cellule par l’intelligen­ce artificiel­le…”

3 463 essais cliniques sont actuelleme­nt en cours dans le champ du cancer et 129 essais dans le domaine des maladies neurodégén­ératives. Les avancées les plus prometteus­es grâce à la compréhens­ion des maladies concernent le cancer, les maladies cardiovasc­ulaires, la dépression, le diabète, les maladies de Parkinson et d’Alzheimer, le sida, la sclérose en plaque, etc. En 2030, selon l’étude prospectiv­e du Leem, de nouveaux algorithme­s décisionne­ls issus de l’intelligen­ce artificiel­le améliorero­nt de façon importante le diagnostic des cancers, traités ensuite par des associatio­ns d’immunothér­apies, de traitement­s épigénétiq­ues et de traitement­s ciblés. “Notre travail montre à quel point l’innovation thérapeuti­que va impacter l’organisati­on des soins et combien il est urgent de transforme­r le système de santé”, explique Philippe Tcheng, président de cette organisati­on profession­nelle. “En effet, cette vague de progrès thérapeuti­ques est un révélateur des rigidités structurel­les de notre système de santé et des difficulté­s actuelles à absorber ces innovation­s. Nous avons encore le choix : subir ou choisir la révolution thérapeuti­que.”

Dernière vision dominante pour 2030 : celle du citoyen acteur et responsabl­e de sa santé : chacun pilote son parcours de santé, révolution­né par le numérique (e-santé, utilisatio­n des data) partout présent (entrée dans les parcours, suivi, développem­ent de l’automédica­tion…)

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Comment allons-nous nous alimenter, nous soigner, travailler, voyager, consommer et enfin nous informer et nous divertir ?
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L’explosion technologi­que sera exponentie­lle dans les 15 prochaines années. L’hôpital du futur va axer une grande partie de ses activités sur la prévention

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