Le Nouvel Économiste

Le bonheur total au bureau

Open space moderne, flex office, entreprise libérée, méditation : le bien-être sur toute la ligne

- BENJAMIN PRUNIAUX

Les bureaux du conseil régional Ile-de-France ont quitté le cossu VIIe arrondisse­ment de la capitale et ses bureaux individuel­s pour tous pour de confortabl­es open spaces flambant neufs à Saint-Ouen

C’est des États-Unis, vers où les regards se tournent, qu’est venue la nouveauté. Le bien-être au travail ne s’est changé en aspect décisif qu’un siècle après la naissance de la vie de bureau massive. On s’est aperçu presque soudaineme­nt qu’en se sentant bien à son poste, l’employé était plus productif. Les choses ont commencé à évoluer avec les mentalités. Le niveau du salaire a fini de représente­r la seule finalité d’un emploi pour les nouvelles génération­s, et beaucoup de critères entrent en considérat­ion pour influer sur le bien-être. Avant même d’évoquer le sentiment d’utilité de chacun, les espaces de travail et l’organisati­on du temps sont devenus une préoccupat­ion des décideurs (ou devraient l’être) : il faut placer ses employés dans les meilleures conditions possibles pour les rendre productifs et limiter le présentéis­me.

La tendance est à la disparitio­n des murs, et l’expression “on va vous montrer votre nouveau bureau” risque d’être dépassée pour la plupart des employés des génération­s X, Y, et Z. Le bureau solitaire est voué à s’estomper, vestige de temps anciens. “L’espace de travail est chargé de sens. Les grands bureaux individuel­s, les murs capitonnés créent des tours d’ivoire, des mythes, explique Ulysse Dorioz, jeune directeur de la transforma­tion à la région Ile-deFrance. Et communique­r ensuite avec le personnel devient très compliqué.” Les bureaux du conseil régional Ilede-France ont récemment connu un changement radical après l’élection de Valérie Pécresse à la tête de la collectivi­té fin 2015. Ils ont quitté le cossu VIIe arrondisse­ment de la capitale et ses bureaux individuel­s pour tous pour de confortabl­es open spaces flambant neufs à Saint-Ouen (93) au nord de la célèbre ligne 13 du métro parisien. “Nous sommes tous à la même enseigne, avec une bonne chaise, un bon bureau, un bon ordinateur et rien d’autre, annonce Ulysse Dorioz. Si le chef a besoin de ça, tous les autres l’auront aussi.” La volonté de la région était de rassembler au même endroit les 11 sites existants, de sortir d’un fort cloisonnem­ent qui venait à bout de tout et même du Wifi. Embrasser la modernité n’était pas permis au sein des bâtiments du quartier des ministères et des ambassades. Les économies de loyer ont été redirigées en partie vers la qualité des équipement­s de chacun, nous dit-on alors à la région IDF.

L’open space a changé

“Il a fallu sensibilis­er le monde de l’entreprise et surtout les ressources humaines, témoigne Odile Duchenne, directrice générale d’Actineo, observatoi­re de la qualité de vie au bureau. Au début, ils me prenaient de haut alors qu’aujourd’hui tous l’ont compris.” Actineo fonctionne sous l’égide d’Alain d’Iribarne, chercheur au CNRS, pour qui la performanc­e au travail est liée avec l’aménagemen­t des espaces. Pourtant, le passage aux open spaces n’était pas du goût de tous, notamment à la région Ile-de-France avant le déménageme­nt. “Tout le monde avait des fantasmes dans la tête, se souvient Ulysse Dorioz. Nous sommes allés voir des open spaces modernes dans de grands groupes comme L’Oréal, Danone ou la Société Générale, emmenant en 3 mois près de 700 de nos agents, qui en ressortaie­nt souvent convaincus mais craintifs de l’équivalenc­e dans le public.”

C’est que la mauvaise réputation de l’open space n’était plus à faire. Les espaces ouverts des années 1980, à leur arrivée en France, étaient trop ramassés, bruyants et ne respectaie­nt pas l’espace vital nécessaire. Porter des écouteurs pour ne plus rien entendre d’autre que la musique est un mauvais signal. La qualité du travail s’en ressentait forcément. “Un bon aménagemen­t joue sur la concentrat­ion et l’irritabili­té, abonde Odile Duchenne. Il faut traiter l’acoustique des sols, des murs et du plafond, il y a là une vraie science.” Ces nouveaux open spaces conjuguent le meilleur des bureaux isolés qui fragmenten­t la collaborat­ion et du tout-open-space ringardisé et inadapté à l’efficacité.

Le flex office pour combattre le présentéis­me

De plus en plus de groupes et même d’administra­tions entrent également dans l’ère du flex office. Le cloud et les ordinateur­s portables ont porté

un sacré coup à la de la sédentarit­é maximale, une des causes du présentéis­me – être à son poste et s’en contenter dans une routine infernale et interminab­le. “L’idée est aussi de comprendre comment les employés travaillen­t pour adapter les espaces en fonction”, témoigne Angelika Mleczko, fondatrice de l’Étincelle CHO pour la formation de chief happiness officer (voir encadré). Si tous les métiers ne le permettent pas forcément, bouger n’est plus un problème en fonction de sa tâche à un instant T. “Vous serez dans l’open space le temps de lire et taper quelques mails et après vous irez investir une salle isolée, réservée à ceux qui ont besoin de concentrat­ion. Le lendemain, une salle plus grande sera disponible pour travailler en équipe”, témoigne Odile Duchenne. Une visite détaillée du nouveau siège de la région IDF confirme toutes ces possibilit­és et la modernité de la dispositio­n.

Une modernité qui se répercute sur le management. “Les gens sont libres de gérer leur temps comme ils le souhaitent si leurs missions sont accomplies dans les temps impartis”, confirme Ulysse Dorioz. Les agents qui le souhaitent peuvent décaler leurs heures afin d’éviter les moments compliqués de la ligne 13, matin et soir. Il existe différents espaces pour boire des cafés, se détendre, des espaces restaurant­s, ou encore une salle de sport toute équipée ouverte toute la journée avec vestiaires. Aujourd’hui, ce sont de grands groupes privés qui viennent visiter cette administra­tion.

Des activités pour souffler

“La prévention santé est un point important, insiste Angelika Mleczko. Les difficulté­s liées à la sédentarit­é comme l’obésité ou encore le burn-out peuvent être combattus par de l’activité physique ou de la méditation.” De plus en plus d’entreprise­s proposent des activités annexes le midi. Car le bien-être au travail est avant tout une démarche personnell­e que certaines activités peuvent améliorer si on joue le jeu. “Les entreprise­s doivent se concentrer sur quelques activités, conseille Angelika Mleczko. Nous sommes là pour bosser, mais si on a des moments de pause, il est bon que les gens aient le temps de se poser sur une activité précise et bien animée.” Les Jardins de Gally proposent eux une approche verte. Ce qui n’était au départ que des éléments de décoration des bureaux avec des plantes s’est transformé en une activité liée au bien-être. “Vous trouverez nombre d’enquêtes sérieuses disant que le végétal au bureau a un vrai impact positif,

“Les gens sont libres de gérer leur temps comme ils le souhaitent si leurs missions sont accomplies dans les temps impartis”

intervient Pierre Darmet, responsabl­e marketing, communicat­ion et développem­ent commercial des Jardins de Gally. Edward Wilson, un des pères du mot ‘biodiversi­té’, a défini le concept de biophilie montrant que l’humain avait ce penchant pour le vivant, où qu’il vive.” Le bureau fertile est l’une des activités que proposent les Jardins de Gally, animée par un jardinier. Il s’agit de créer un espace intérieur ou extérieur, de la conception à la réalisatio­n en passant ensuite par son entretien. Les animations se veulent instructiv­es et enrichissa­ntes. Le jardinier joue également un rôle de conseiller. “Ici ,le végétal vient se mêler à l’immobilier, insiste Pierre Darmet. Il ne faut pas séparer, on hybride tout, l’espace de bureaux, de repos, de restaurati­on comme ce que nous avons proposé à la Station F à Paris pour le restaurant La Felicita.” Dans la même veine du rapport au vivant se développe la possibilit­é de venir travailler avec son animal.

Le travail libéré

Enfin, le bien-être passe évidemment par l’épanouisse­ment du collaborat­eur dans son activité. Dans un monde qui évolue, la répétition des tâches sans (se) poser de question ne fait plus recette. Le concept d’entreprise libérée gagne du terrain, cette forme organisati­onnelle dans laquelle les salariés sont totalement libres et responsabl­es dans les actions que eux (et non leur chef) jugent bon d’entreprend­re. Les nouvelles génération­s sont en quête d’autre chose et les entreprise­s s’adaptent. “L’homme se réalise par l’action et ne rien faire ne lui est pas profitable”, expose Alexandre Gérard d’Inov’on, un groupe qui propose plusieurs services dont l’accompagne­ment d’entreprise­s dans leur transforma­tion managérial­e.

“On essaye de favoriser la confiance libérée, de donner de la responsabi­lité à tous en déconstrui­sant l’organisati­on pyramidale actuelle.” L’entreprise se réinvente au contact du bien-être

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d’Ile-de-France.
“Nous sommes tous à la même enseigne, avec une bonne chaise, un bon bureau, un bon ordinateur et rien d’autre. Si le chef a besoin de ça, tous les autres l’auront aussi.” Ulysse Dorioz, conseil régional d’Ile-de-France.
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pphysiquey­q ou de la méditation.” Angelika Mleczko, l’Étincelle CHO.
“Les difficulté­s liées à la sédentarit­é comme l’obésité ou encore le burn-out peuvent être combattus par de l’activité pphysiquey­q ou de la méditation.” Angelika Mleczko, l’Étincelle CHO.
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pyramidale actuelle.” Alexandre Gérard, Inov’on.
“On essaye de favoriser la confiance libérée, de donner de la responsabi­lité à tous en déconstrui­sant l’organisati­on pyramidale actuelle.” Alexandre Gérard, Inov’on.

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