Devenir une entreprise handi-accueillante
Conseils et retours d’expériences pour intégrer au mieux un travailleur handicapé
Concrètement, les entreprises doivent dorénavant atteindre 6 % de travailleurs handicapés en emploi direct dans leurs effectifs. Pour l’heure, les entreprises privées n’en emploient que 3,7 %.
“Il faut se focaliser sur le potentiel, le savoir-être et les aptitudes professionnelles, pas seulement sur les compétences. Ils sont là pour apprendre.”
Aurélie Hallouin, ADP.
Le recrutement des personnes handicapées constitue toujours un paradoxe. D’un côté, les personnes en situation de handicap, qui sont deux fois plus touchées par le chômage car confrontées à des ruptures de parcours, des manques de formation et des difficultés d’accès aux études supérieures. De l’autre, des recruteurs qui recherchent des profils diplômés – bac +2 à Bac +5, voire élitistes. Une dichotomie insurmontable ? Pas tant que ça. Il suffit de changer de regard sur le handicap et de miser sur la formation.
La réforme de la loi sur le handicap, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, renforce les obligations d’emploi de travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 20 salariés. L’obligation, qui existe depuis 1987, avait déjà été renforcée en 2005. Concrètement, les entreprises doivent dorénavant atteindre 6 % de travailleurs handicapés en emploi direct dans leurs effectifs. Il n’est plus possible de tenir compte de la sous-traitance aux Esat, entreprises adaptées ou travailleurs indépendants handicapés pour atteindre ce taux. Pour l’heure, les entreprises privées n’en emploient que 3,7 %. Pourtant le prix à payer est cher : les entreprises qui ne se plieraient pas à cette nouvelle obligation encourent une pénalité financière de 400 à 600 fois le Smic horaire par an et par personne manquante en fonction de l’effectif de l’entreprise (20 à 199 ; 200 à 749 ; 750 et plus). L’esprit de la loi ? Faire baisser le taux de chômage de ce public qui reste deux fois plus élevé que la moyenne nationale – on compte 515 531 demandeurs d’emploi handicapés fin 2018 avec 18 % de taux de chômage, vs 9 % pour l’ensemble de la population (source Insee et Pôle emploi).
Passer la barrière des mots
D’abord, il y a le poids des mots. La dénomination “handicap” renvoie invariablement à “une impossibilité de…”. “Le handicap fait peur, les entreprises pensent qu’elles vont perdre du temps ou que les travailleurs qui souffrent d’un handicap ne seront pas aptes à remplir leur mission” regrette Sylvain Couthier, dont l’entreprise ATF, spécialisée dans la gestion du cycle de vie des matériels informatiques et de téléphonie mobile professionnels, emploie 80 personnes handicapées sur un effectif de 145 salariés. Pour casser clichés et barrières, il n’hésite pas à envoyer ses techniciens informatiques qui ont un handicap chez ses clients. Les entreprises doivent elles aussi changer de regard et ne pas voir le handicap comme une contrainte mais comme une possibilité. “Les préjugés, comme ‘ça va être compliqué’ ou ‘il va être moins efficace’ sont tenaces. Or une personne handicapée a les mêmes compétences que ses voisins valides”, confirme Anne Pelletret, chef de projet chez Mission Handicap Assurance. Le handicap n’exclut ni le talent, ni la motivation. “Les entreprises doivent recruter sur la base de compétences plutôt que sur un niveau de formation ou de diplôme”, soutient Marlène Cappelle, déléguée générale de Cheops, réseau qui représente les Cap Emploi au niveau national.
La plupart des personnes handicapées sont en reconversion suite à un accident ou à une maladie survenus en cours de vie. Seuls 20 % des handicaps sont liés à la naissance. De fait, la définition est très large, et toute personne connaissant une difficulté à obtenir ou conserver un emploi en raison de l’altération d’une de ses fonctions motrice, sensorielle, cognitive, psychique ou d’une maladie chronique ou évolutive peut bénéficier du statut de travailleur handicapé. Cela peut prendre de multiples formes. Enfin, il faut savoir que 80 % des handicaps restent invisibles – troubles psychiques, reconnus comme handicap en 2005, maladies invalidantes, allergies… Ainsi, une personne ayant des problèmes de dos, du diabète, des difficultés auditives, une maladie chronique ou évolutive, peut être reconnue travailleur handicapé.
Il est utile de sensibiliser les équipes dans les entreprises, recruteurs, managers et salariés, à ces différents handicaps. Chaque candidat étant libre d’évoquer son handicap, la question ne peut être posée lors de l’entretien. En revanche, lorsque celui-ci est visible, il est toujours possible d’aborder