Complémentarité = efficacité
Collectivités et agences de développement cherchent ensemble le bon tempo
“La loi NOTRe a permis de mettre en place une articulation plus forte entre différents niveaux d’agences ou de collectivités, ce qui permet une action plus efficace et plus coordonnée”
Éviter le millefeuille. Pour attirer les entreprises, des agences de développement économique et des collectivités territoriales développent des outils et mettent en commun leurs moyens. Objectif : bénéficier d’une force de frappe élargie et faire face à une concurrence internationale de plus en plus forte. Il s’agit également de faciliter l’installation des acteurs en les accompagnant à plusieurs niveaux : trouver des locaux, recruter et accueillir leurs salariés, accéder à des financements, viser l’export…
Dans les territoires, l’heure est au déploiement des atouts pour attirer les entreprises. Chacun a sa carte à jouer. Avec la loi NOTRe du 7 août 2015, seules les régions et les métropoles sont habilitées à disposer d’agences de développement économique, les départements utilisant la carte de l’attractivité. “Le texte a permis de mettre en place une articulation plus forte entre différents niveaux d’agences ou de collectivités, ce qui permet une action plus efficace et plus coordonnée”, observe Antoine Angeard, directeur général du CNER, la Fédération des agences d’attractivité, de développement et d’innovation, qui comptabilise une centaine d’agences sur le territoire, aussi bien au niveau régional, départemental que métropolitain.
Chasser en meute
Cette carte de la complémentarité, Grenoble-Alpes Métropole a décidé de la jouer pleinement. Selon Christophe Ferrari, le président, “tout a démarré par l’élaboration du schéma de développement économique de la région Auvergne Rhône-Alpes, dans lequel nous avons choisi d’inclure notre propre schéma de développement. L’idée est que nous devions être articulés, travailler de concert pour être pertinents grâce à un découpage simple : tout ce qui relève du foncier et de l’implantation est de compétence métropolitaine. Le soutien à l’activité économique et aux entreprises relève de la région et notamment de l’agence de développement économique”.
Une antenne de cette agence, coprésidée par la région et la métropole et vice-présidée par le département, a été ouverte dans l’Isère, qui compte 15 % des entreprises et plus de 15 % des emplois de la région. Une équipe en propre d’Invest in Grenoble-Alpes, sous pavillon métropole, est mise à sa disposition. “La dynamique grenobloise est différente de celle d’Annecy ou de Clermont-Ferrand. Il faut une connaissance fine du territoire et des acteurs locaux, justifie Christophe Ferrari. Avec l’agence régionale, nous portons ensemble la dynamique économique sur l’intelligence artificielle, le numérique, l’université. Le groupe Atos installe ainsi un campus à Échirolles, qui deviendra le deuxième site du groupe en France, dédié notamment à l’IA. Nous avons ajouté 3 millions d’euros aux 4 millions d’euros de financement à l’investissement en R&D données par la région au travers de l’agence de développement.” Même volonté de mise en commun pour Saint-Étienne Métropole. “Nous avons opté pour la collaboration en 2015 avec l’agence de développement lyonnaise, qui existe depuis 1974, en participant notamment à la gouvernance, plutôt que de jouer l’opposition stérile, indique Olivier
Barbé, directeur de la communication. Le lien est permanent entre nos deux métropoles, via le train, l’autoroute et les transferts économiques. Et l’écosystème lyonnais influe sur le territoire, ne serait-ce qu’au niveau de l’emploi salarié ou de la recherche universitaire. L’agence Aderly [Agence pour le développement économique de la région lyonnaise, ndlr] est un outil supplémentaire de la politique de Saint-Étienne avec une vision plus internationale, tandis que la métropole s’occupe du développement économique local.”
La priorité, poursuit le responsable, est “de bénéficier d’une force de frappe élargie lors de déplacements à l’étranger. Lyon peut vanter Saint-Étienne comme une référence avec ses secteurs d’excellence en matière de design ou d’optique, son positionnement comme deuxième réseau de PMI-PME après la région parisienne. L’ensemble du territoire stéphanois est ainsi plus visible au niveau national et international”.
Diffuser les bonnes pratiques
D’autres mouvements sont en cours : dans la Marne par exemple, une agence de développement a été lancée fin novembre à l’initiative de la région Grand Est. Financée également par le département, la CCI et les 14 Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), elle se positionne sur des missions de développement endogène : soutien au développement des entreprises du territoire (animation, foncier/immobilier, etc.), suivi d’entreprises ciblées… Son rôle se veut complémentaire de celui d’Invest in Reims, qui “travaille sur l’exogène, c’est-à-dire la venue d’acteurs extérieurs au territoire, depuis 2003”, rappelle la présidente du Grand Reims, Catherine Vautrin. Soit, selon un récent bilan, 284 entreprises, et 9 730 emplois à l’initiative de la structure cofinancée par la communauté urbaine et la CCI. Tout ne coule pas toujours de source. Selon l’étude ‘Agences de développement et collectivités territoriales : des relations partenariales à conforter’, publiée par le CNER en association avec l’Inet (Institut national des études territoriales), quand les missions ne sont pas clairement définies, les risques de doublons entre agences et collectivités existent. “La collaboration se déroule globalement bien. Un certain flou peut exister car les relations ne sont pas forcément formalisées, indique Antoine Angeard. C’est aussi le propre du développement économique. Il est utopique d’avoir des séparations étanches. Mais il existe des pistes d’amélioration pour mieux se connaître, faire tomber les clichés, collaborer au quotidien, ce que le numérique facilite.”
Des bonnes pratiques peuvent être mises en place pour fluidifier les rapports au niveau gouvernance, contrôle des agences par la collectivité et relations de travail au quotidien. L’étude CNER-Inet liste 16 bonnes pratiques. Outre la formalisation de la répartition des missions, il s’agit de mettre en place des outils pour guider les entreprises au sein de l’écosystème local du développement ; de constituer une assemblée spéciale des EPCI et favoriser leur représentation au conseil d’administration ; d’organiser des revues de projets partenariales au niveau local ; de constituer des binômes chef d’entreprise/élu pour croiser les regards dans la gouvernance ou encore fluidifier les relations par des points de contacts plus lisibles et plus fréquents.
Le renfort de la digitalisation
Connect’up, un portail Internet pour orienter les entreprises, a été lancé en 2017 en concertation avec le conseil régional, les CCI, chambres de métiers et EPCI de la région Centre-Val de Loire. L’agence Dev’Up Centre-Val de Loire en assure l’animation. “Les entreprises sont perdues car différentes structures continuent à intervenir sur le champ du développement économique. Nous nous sommes mis d’accord pour qualifier quel interlocuteur, avec un nom, un numéro de téléphone, un mail, elles pourraient contacter en fonction de leur préoccupation et de leur proximité géographique, explique Jean-Louis Garcia, directeur général de l’agence régionale. Actuellement, leur première préoccupation est de trouver les bonnes personnes à recruter, bien avant l’accès au financement qui était traditionnellement numéro un. Au même niveau, vient le besoin de compétences techniques pointues pour les accompagner dans le montage de leur projet, puis l’aide à l’export.”
La digitalisation des services et un budget plus contraint poussent aux rapprochements. Financée par la CCI de Marseille et la Métropole Aix-MarseilleProvence, l’agence Provence Promotion, qui regroupe 120 communes, partage ainsi ses efforts avec d’autres opérateurs. “En 2019, un programme d’influence internationale a été établi en commun avec le port de Marseille-Fos, l’aéroport Marseille-Provence et l’établissement public d’aménagement Euroméditerranée”, explique Philippe Stefanini, directeur général. Une délégation provençale conduite par l’agence s’est rendue pour la seconde fois en Chine en novembre 2019, dans le but d’attirer des investisseurs. L’objectif ? Attirer des acteurs tels que Quechen, numéro 3 mondial de la production de silice à haute dispersion – utilisée pour la fabrique de pneus verts – et qui construit bientôt son usine européenne à Fos-sur-Mer.
Des bonnes pratiques peuvent être mises en place pour fluidifier les rapports au niveau gouvernance, contrôle des agences par la collectivité et relations de travail au quotidien