Affacturage à moindre coût
Comment réduire la note d’un mode de financement qui a fait ses preuves
Certains services optionnels peuvent alourdir la note, à l’image de l’assurance-crédit qui permet de se prémunir contre le risque d’insolvabilité de sa clientèle
Les entreprises françaises sont de plus en plus nombreuses à utiliser l’affacturage car ce mode de financement à court terme offre bien des avantages à celles qui recherchent de liquidités immédiates. Néanmoins, son coût est loin d’être négligeable car au-delà du financement lui-même, il faut notamment tenir compte des frais liés aux services annexes. Bien négocier son contrat d’affacturage n’est pas une sinécure, mais le jeu peut en valoir la chandelle. Nos conseils pour y voir plus clair et en tirer le meilleur parti.
Si l’on en croit le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement publié par la Banque de France, les entreprises françaises sont plus que jamais concernées par la gestion de leur trésorerie. En effet, d’après ce rapport, leurs créances clients ont été encaissées en moyenne sous 44 jours de chiffre d’affaires en 2018. Or, cette durée a des conséquences directes sur leur situation financière car plus elle est longue, plus leurs besoins de liquidités se font sentir. D’ailleurs, Éric Turbot, directeur général délégué au commerce chez BNP Paribas Factor, rappelle “qu’un quart des défaillances d’entreprises en France sont liées à des défauts de paiement”. Pour éviter d’être confronté à ce cas extrême mais surtout pour ne pas voir la situation de leur trésorerie se dégrader, les sociétés se tournent notamment vers “l’affacturage, première source de financement court terme des entreprises”, précise Françoise Palle-Guillabert, délégué général de l’Association Française des Sociétés Financières (ASF).
Une facturation à la carte
Ainsi, d’après un récent rapport de l’ASF, l’an dernier, plus de 40 000 entreprises en France ont eu recours à cette technique financière, dont 90 % de TPE/PME. Si sa diffusion n’a cessé de croître au sein des sociétés de l’Hexagone, c’est que l’affacturage est en mesure de répondre à leurs besoins en la matière. Pour faire simple, il s’agit d’un service financier destiné aux entreprises travaillant en BtoB et reposant sur l’achat des créances commerciales, fourni par des établissements financiers spécialisés, aussi appelés sociétés d’affacturage ou factors, généralement filiales de groupes bancaires.
Ces factors sont rémunérés à travers deux composantes principales : une commission d’affacturage (ou de service) et une commission de financement. La première correspond aux opérations de gestion (enregistrement et suivi des factures, relance des débiteurs et traitement des litiges, lettrage des paiements et leur remise en banque, restitution des éléments de comptabilité clients) tandis que la seconde repose un taux de référence bancaire calculé en fonction du montant et de la période de financement demandés. Au global, “le coût de l’affacturage est compris dans une fourchette allant de 1 % à 3 % du montant de la facture”, précise Éric Turbot. Toutefois, certains services optionnels peuvent alourdir la note, à l’image de “l’assurancequi permet de se prémunir contre le risque d’insolvabilité de sa clientèle”, ajoute celui-ci. La
décision de recourir ou non à l’assurance-crédit dépend pour beaucoup de la taille de l’entreprise. Le besoin est généralement plus perceptible pour les plus petites structures. Du coup, le factor inclut généralement ce service dans une offre globale prenant en charge l’intégralité de la gestion du poste client. Ainsi, par exemple, BNP Paribas Factor propose aux petites entreprises une formule au forfait à partir de 240 euros par mois, proposant de gérer un encours mensuel de factures allant jusqu’à 200 000 euros, afin de permettre aux petits patrons de se concentrer pleinement sur leur activité.
Négociation globale
Quoi qu’il en soit, avant de parler tarif avec un factor, les spécialistes conseillent aux dirigeants d’avoir préalablement connaissance des caractéristiques de leurs factures, c’est-à-dire d’être en mesure de déterminer précisément non seulement leur volumétrie, mais aussi le montant et le délai moyen de leurs créances clients. Il s’agit en effet d’éléments précieux pour cerner au mieux les besoins et choisir l’offre la mieux adaptée à son profil. Cela n’empêche pas ensuite le chef d’entreprise de négocier au plus juste les tarifs en mettant les sociétés d’affacturage en compétition.
Pour mettre toutes les chances de son côté, il est recommandé de préparer sa propre grille de lecture afin de pouvoir comparer facilement le coût global des propositions communiquées par les différents factors sélectionnés.
En effet, la plupart d’entre eux présentent leurs tarifs sous un format qui leur est propre, rendant difficile toute comparaison tarifaire au premier coup d’oeil. Il est également conseillé de négocier pour l’ensemble des services souhaités, et pas seulement pour la commission d’affacturage et de financement, en gardant à l’esprit que la marge de négociation peut-être relativement étroite, notamment pour les petites entreprises.
Ainsi, comme le rappelle, Cédric Teissier, co-fondateur et président de Finexkap, “aujourd’hui en France, la très vaste majorité des entreprises d’affacturage sont filiales des plus grands groupes bancaires, de sorte que le rendement du contrat d’affacturage est analysé à la lumière du rendement global du client pour le groupe”. Ceci étant, la plus grande marge de manoeuvre reste aujourd’hui la concurrence, avec “des tarifs qui n’ont cessé de baisser ces dernières années face aux efforts accrus des acteurs traditionnels pour gagner des parts de marché”, ajoute-t-il. C’est donc sur ce terrain qu’une entreprise peut réussir à tirer son épingle du jeu, en n’hésitant pas à se tourner vers les offres proposées désormais par les fintechs (cf. encadré).
Il est recommandé de préparer sa propre grille de lecture afin de pouvoir comparer facilement le coût global des propositions communiquées par les différents factors
Jouer sur le temps et sur le risque
D’autres pistes peuvent être explorées pour faire baisser la note. Parmi elles, on peut notamment mentionner l’amélioration de la gestion du cycle client. Il s’agit tout simplement de diminuer le plus possible le temps mis par la clientèle pour régler ses factures car mécaniquement, la commission de financement du factor, portant sur une durée plus courte, sera au final moins élevée. Pour ce faire, il convient de poser des conditions de règlement plus strictes, des demandes d’acomptes ou encore de renforcer la relance des mauvais payeurs, tout en gardant à l’esprit que “la loi de modernisation de l’économie (LME) prévoit un délai de paiement fixé à 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture”, précise Éric Turbot.
Autre solution pour limiter les frais d’affacturage : se passer tout simplement de l’assurancecrédit. Cela peut être notamment pertinent pour les sociétés qui estiment traiter avec des clients solvables, par exemple de grandes entreprises souvent jugées peu risquées. Les factors peuvent mettre en place des contrats d’affacturage sans assurance-crédit, malgré tout destinés à une clientèle de petites entreprises, dès lors qu’ils disposent d’informations suffisantes pour juger de leur solvabilité financière.
Dans la même logique, il est également possible de limiter les frais en se tournant vers l’affacturage confidentiel. Dans le principe, l’entreprise cède toujours ses créances commerciales, mais c’est elle qui garde en interne la relance et l’encaissement des factures, contrairement à la formule de l’affacturage classique. L’affacturage confidentiel réduit de fait la charge de travail du factor, et donc la note finale à payer. Mais cette formule n’est généralement pas destinée aux petites structures. En revanche, quels que soient leur taille et leur profil, les entreprises peuvent optimiser le coût de l’affacturage grâce à la souplesse de son mode de fonctionnement. Il est en effet possible d’opter pour une utilisation ponctuelle de cette technique de financement, en fonction de ses besoins du moment. Par exemple, un chef d’entreprise à la recherche de liquidités peut mettre en place un contrat d’affacturage, puis pendant quelques mois ne plus tirer sur les liquidités disponibles et ne le faire qu’au moment opportun pour lui. Dès lors, la question de son coût se pose plus, du moins provisoirement.
Chiffres clés
Le montant des créances prises en charge par les sociétés d’affacturage s’est établi à 170,1 Mds€ au cours du premier semestre de l’année 2019, soit une progression de 11,2 % par rapport aux 6 premiers mois de 2018.