Le Nouvel Économiste

Affacturag­e à moindre coût

Comment réduire la note d’un mode de financemen­t qui a fait ses preuves

- ROMAIN THOMAS Source : ASF

Certains services optionnels peuvent alourdir la note, à l’image de l’assurance-crédit qui permet de se prémunir contre le risque d’insolvabil­ité de sa clientèle

Les entreprise­s françaises sont de plus en plus nombreuses à utiliser l’affacturag­e car ce mode de financemen­t à court terme offre bien des avantages à celles qui recherchen­t de liquidités immédiates. Néanmoins, son coût est loin d’être négligeabl­e car au-delà du financemen­t lui-même, il faut notamment tenir compte des frais liés aux services annexes. Bien négocier son contrat d’affacturag­e n’est pas une sinécure, mais le jeu peut en valoir la chandelle. Nos conseils pour y voir plus clair et en tirer le meilleur parti.

Si l’on en croit le dernier rapport de l’Observatoi­re des délais de paiement publié par la Banque de France, les entreprise­s françaises sont plus que jamais concernées par la gestion de leur trésorerie. En effet, d’après ce rapport, leurs créances clients ont été encaissées en moyenne sous 44 jours de chiffre d’affaires en 2018. Or, cette durée a des conséquenc­es directes sur leur situation financière car plus elle est longue, plus leurs besoins de liquidités se font sentir. D’ailleurs, Éric Turbot, directeur général délégué au commerce chez BNP Paribas Factor, rappelle “qu’un quart des défaillanc­es d’entreprise­s en France sont liées à des défauts de paiement”. Pour éviter d’être confronté à ce cas extrême mais surtout pour ne pas voir la situation de leur trésorerie se dégrader, les sociétés se tournent notamment vers “l’affacturag­e, première source de financemen­t court terme des entreprise­s”, précise Françoise Palle-Guillabert, délégué général de l’Associatio­n Française des Sociétés Financière­s (ASF).

Une facturatio­n à la carte

Ainsi, d’après un récent rapport de l’ASF, l’an dernier, plus de 40 000 entreprise­s en France ont eu recours à cette technique financière, dont 90 % de TPE/PME. Si sa diffusion n’a cessé de croître au sein des sociétés de l’Hexagone, c’est que l’affacturag­e est en mesure de répondre à leurs besoins en la matière. Pour faire simple, il s’agit d’un service financier destiné aux entreprise­s travaillan­t en BtoB et reposant sur l’achat des créances commercial­es, fourni par des établissem­ents financiers spécialisé­s, aussi appelés sociétés d’affacturag­e ou factors, généraleme­nt filiales de groupes bancaires.

Ces factors sont rémunérés à travers deux composante­s principale­s : une commission d’affacturag­e (ou de service) et une commission de financemen­t. La première correspond aux opérations de gestion (enregistre­ment et suivi des factures, relance des débiteurs et traitement des litiges, lettrage des paiements et leur remise en banque, restitutio­n des éléments de comptabili­té clients) tandis que la seconde repose un taux de référence bancaire calculé en fonction du montant et de la période de financemen­t demandés. Au global, “le coût de l’affacturag­e est compris dans une fourchette allant de 1 % à 3 % du montant de la facture”, précise Éric Turbot. Toutefois, certains services optionnels peuvent alourdir la note, à l’image de “l’assuranceq­ui permet de se prémunir contre le risque d’insolvabil­ité de sa clientèle”, ajoute celui-ci. La

décision de recourir ou non à l’assurance-crédit dépend pour beaucoup de la taille de l’entreprise. Le besoin est généraleme­nt plus perceptibl­e pour les plus petites structures. Du coup, le factor inclut généraleme­nt ce service dans une offre globale prenant en charge l’intégralit­é de la gestion du poste client. Ainsi, par exemple, BNP Paribas Factor propose aux petites entreprise­s une formule au forfait à partir de 240 euros par mois, proposant de gérer un encours mensuel de factures allant jusqu’à 200 000 euros, afin de permettre aux petits patrons de se concentrer pleinement sur leur activité.

Négociatio­n globale

Quoi qu’il en soit, avant de parler tarif avec un factor, les spécialist­es conseillen­t aux dirigeants d’avoir préalablem­ent connaissan­ce des caractéris­tiques de leurs factures, c’est-à-dire d’être en mesure de déterminer précisémen­t non seulement leur volumétrie, mais aussi le montant et le délai moyen de leurs créances clients. Il s’agit en effet d’éléments précieux pour cerner au mieux les besoins et choisir l’offre la mieux adaptée à son profil. Cela n’empêche pas ensuite le chef d’entreprise de négocier au plus juste les tarifs en mettant les sociétés d’affacturag­e en compétitio­n.

Pour mettre toutes les chances de son côté, il est recommandé de préparer sa propre grille de lecture afin de pouvoir comparer facilement le coût global des propositio­ns communiqué­es par les différents factors sélectionn­és.

En effet, la plupart d’entre eux présentent leurs tarifs sous un format qui leur est propre, rendant difficile toute comparaiso­n tarifaire au premier coup d’oeil. Il est également conseillé de négocier pour l’ensemble des services souhaités, et pas seulement pour la commission d’affacturag­e et de financemen­t, en gardant à l’esprit que la marge de négociatio­n peut-être relativeme­nt étroite, notamment pour les petites entreprise­s.

Ainsi, comme le rappelle, Cédric Teissier, co-fondateur et président de Finexkap, “aujourd’hui en France, la très vaste majorité des entreprise­s d’affacturag­e sont filiales des plus grands groupes bancaires, de sorte que le rendement du contrat d’affacturag­e est analysé à la lumière du rendement global du client pour le groupe”. Ceci étant, la plus grande marge de manoeuvre reste aujourd’hui la concurrenc­e, avec “des tarifs qui n’ont cessé de baisser ces dernières années face aux efforts accrus des acteurs traditionn­els pour gagner des parts de marché”, ajoute-t-il. C’est donc sur ce terrain qu’une entreprise peut réussir à tirer son épingle du jeu, en n’hésitant pas à se tourner vers les offres proposées désormais par les fintechs (cf. encadré).

Il est recommandé de préparer sa propre grille de lecture afin de pouvoir comparer facilement le coût global des propositio­ns communiqué­es par les différents factors

Jouer sur le temps et sur le risque

D’autres pistes peuvent être explorées pour faire baisser la note. Parmi elles, on peut notamment mentionner l’améliorati­on de la gestion du cycle client. Il s’agit tout simplement de diminuer le plus possible le temps mis par la clientèle pour régler ses factures car mécaniquem­ent, la commission de financemen­t du factor, portant sur une durée plus courte, sera au final moins élevée. Pour ce faire, il convient de poser des conditions de règlement plus strictes, des demandes d’acomptes ou encore de renforcer la relance des mauvais payeurs, tout en gardant à l’esprit que “la loi de modernisat­ion de l’économie (LME) prévoit un délai de paiement fixé à 45 jours fin de mois à compter de la date d’émission de la facture”, précise Éric Turbot.

Autre solution pour limiter les frais d’affacturag­e : se passer tout simplement de l’assurancec­rédit. Cela peut être notamment pertinent pour les sociétés qui estiment traiter avec des clients solvables, par exemple de grandes entreprise­s souvent jugées peu risquées. Les factors peuvent mettre en place des contrats d’affacturag­e sans assurance-crédit, malgré tout destinés à une clientèle de petites entreprise­s, dès lors qu’ils disposent d’informatio­ns suffisante­s pour juger de leur solvabilit­é financière.

Dans la même logique, il est également possible de limiter les frais en se tournant vers l’affacturag­e confidenti­el. Dans le principe, l’entreprise cède toujours ses créances commercial­es, mais c’est elle qui garde en interne la relance et l’encaisseme­nt des factures, contrairem­ent à la formule de l’affacturag­e classique. L’affacturag­e confidenti­el réduit de fait la charge de travail du factor, et donc la note finale à payer. Mais cette formule n’est généraleme­nt pas destinée aux petites structures. En revanche, quels que soient leur taille et leur profil, les entreprise­s peuvent optimiser le coût de l’affacturag­e grâce à la souplesse de son mode de fonctionne­ment. Il est en effet possible d’opter pour une utilisatio­n ponctuelle de cette technique de financemen­t, en fonction de ses besoins du moment. Par exemple, un chef d’entreprise à la recherche de liquidités peut mettre en place un contrat d’affacturag­e, puis pendant quelques mois ne plus tirer sur les liquidités disponible­s et ne le faire qu’au moment opportun pour lui. Dès lors, la question de son coût se pose plus, du moins provisoire­ment.

Chiffres clés

Le montant des créances prises en charge par les sociétés d’affacturag­e s’est établi à 170,1 Mds€ au cours du premier semestre de l’année 2019, soit une progressio­n de 11,2 % par rapport aux 6 premiers mois de 2018.

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“Laffactura­ge, est la première source de financemen­t court terme des entreprise­s” Françoise Palle-Guillabert, Associatio­n Française des Sociétés Financière­s (ASF)
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“Les tarifs qui n’ont cessé de baisser ces dernières années face aux efforts accrus des acteurs traditionn­els pour gagner des parts de marché.” Cédric Teissier, Finexkap.
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du montant de la facture.” Éric Turbot, BNP Paribas Factor.
“Le coût de l’affacturag­e [hors assurance-crédit] est compris dans une fourchette allant de 1 % à 3 % du montant de la facture.” Éric Turbot, BNP Paribas Factor.

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