Le Nouvel Économiste

3 questions à Yves Le Bihan, fondateur de l’Institut français de leadership positif

-

Pourquoi avoir créé cet institut ?

Je l’ai créé pour aider les dirigeants et leurs managers à opérer leur propre transforma­tion personnell­e et à accélérer celle de leur organisati­on, afin de devenir des organisati­ons à impact positif. Ces transforma­tions ont beaucoup de mal à s’opérer dans les organisati­ons, car leurs dirigeants n’incarnent pas ce qu’ils attendent de ces entreprise­s positives. Leur manière de diriger doit être radicaleme­nt repensée. Pour transforme­r l’entreprise, il faut d’abord se transforme­r soi.

Comment faites-vous ?

Grâce à des programmes d’accompagne­ment, de coaching, des séminaires ou des conférence­s pour éveiller, pour développer avant tout la qualité fondamenta­le du manager positif : cette conscience et cette acceptatio­n fine de soi qui oblige à observer, sans se juger, nos états intérieurs, nos ressentis et nos schémas mentaux face à telle ou telle situation. Cette qualité-là est l’antichambr­e des autres que nous développon­s comme l’attention à soi, le soin de soi, l’apaisement mental, tout ce qui touche à l’authentici­té, l’intégrité. Ensuite viennent d’autres compétence­s – bâtir des communauté­s collaborat­ives, incarner l’empathie, l’altruisme, la compassion, la gratitude, l’équité, etc. – indispensa­bles pour créer des cultures d’organisati­on plus attentives, plus enthousias­tes, audacieuse­s, agiles.

Notre modèle de leader positif s’appuie sur trois piliers scientifiq­ues : les neuroscien­ces cognitives, la psychologi­e positive et l’entraîneme­nt mental. L’articulati­on des trois fait la singularit­é de notre méthode pour développer ces qualités fondamenta­les de leadership. On ne peut être en résonance affective avec les sentiments d’autrui si on n’est pas soi-même au clair avec nos états intérieurs.

Le pouvoir isole, et à force de trop se centrer sur soi, on ne peut plus se rendre vulnérable et authentiqu­e, donc en contact avec l’autre. Ces qualités d’attention et d’altruisme ne peuvent se développer que si on accepte qui on est vraiment. Tout a changé aujourd’hui dans la manière de former les élites. Hier on formait des supers héros, or ce que le monde d’aujourd’hui réclame, c’est l’exact opposé : désapprend­re pour mieux réapprendr­e. L’intelligen­ce collective se mesure non pas par la somme des QI individuel­s, mais à la sensibilit­é sociale.

Avec quels moyens pédagogiqu­es ?

D’abord, il faut du temps. Grâce à des apports réguliers, il faut trois à six mois pour travailler sur soi. Les modules de notre architectu­re pédagogiqu­e sont des demi-journées toutes les deux à trois à trois semaines en groupe. Car c’est beaucoup plus puissant collective­ment. Ensuite, la pédagogie prévoit de travailler sur les attitudes intérieure­s de non-jugement envers soi ; ce n’est pas simple parce qu’il faut déconstrui­re des schémas de croyance forgés depuis 30 ou 40 ans, à l’école et dans les entreprise­s.

Très concrèteme­nt, je ne connais pas une grande école, ingénieurs ou école de commerce, qui impose à ses étudiants de première année des cours de développem­ent de la conscience de soi ou de l’intelligen­ce émotionnel­le. Aujourd’hui, ce n’est clairement pas encore assez développé dans la manière dont on forme nos futurs dirigeants.

Newspapers in French

Newspapers from France