Le Nouvel Économiste

Le Val-d’Oise crée une forêt ex nihilo

Un projet original et vertueux labellisé Grand Paris. L’heure est aux arbres.

- LUCAS HOFFET

“Un Grand Paris polycentri­que, dense et poreux à la fois, perméable, traversé de corridors naturels, maillé de trames vertes qui pénètrent jusque dans Paris intra-muros, avec des jardins suspendus sur les toits, les berges de la Seine, de la Marne, du canal de l’Ourcq reconquise­s et, à la lisière de l’urbanisati­on, des jardins familiaux, des serres, une agricultur­e de proximité et sur les zones humides, inondables, des constructi­ons sur pilotis.” Cette envolée n’est pas signée de la maire de Paris, Anne Hidalgo, ou d’un futur candidat écologiste à la présidence de la région. Non, ce tableau est dressé par le président de la République lors de son discours programmat­ique relatif au Grand Paris. Cela se passe en 2009, et ce président se nomme Nicolas Sarkozy. Parmi le lot de propositio­ns plutôt bien senties – en témoigne leur résistance à l’épreuve des changement­s présidenti­els – figure celle de la création ex nihilo d’une forêt pour le Grand Paris. “La propositio­n de planter une nouvelle forêt d’un million d’arbres sur les 2 500 hectares du cône de bruit de Roissy mérite que l’on s’y arrête”, affirmait alors Nicolas Sarkozy. Une dizaine d’années plus tard, les premiers travaux de cette forêt du Grand Paris ont débuté, respectant l’idée originelle, ou plutôt les idées.

Forêt labellisée

Un site, rapidement identifié, sort du lot. Celui de la plaine de Pierrelaye-Bessancour­t qui s’étend sur 2 000 hectares. Principale­ment agricole, cette plaine a longtemps nourri la région parisienne grâce à ses sols enrichis par les épandages des eaux usées parisienne­s qui se sont étalés sur un siècle. Mais à la fin des années 1990, des études conduites sur les eaux épandues et sur la terre elle-même révèlent une pollution des sols de la plaine. Cette pollution aux métaux lourds met un terme à cette pratique d’épandage et rend incompatib­le une l’agricultur­e à destinatio­n de l’alimentati­on humaine. L’idée de transforme­r cette plaine impropre à l’agricultur­e et qui est souvent de lieux de dépôt sauvage d’ordures prend tout son sens. Ainsi, bien qu’évoquée dès 2009, la date de naissance officielle de cette forêt est plutôt 2010, lorsque le préfet du Val- d’Oise, après compilatio­n des études menées durant les quinze années précédente­s, décide la transforma­tion la plaine en une nouvelle forêt.

Dès 2012, le label Grand Paris décerné au projet va donner lieu à deux années d’études pré- opérationn­elles. Ainsi en 2014, le SMAPP (Syndicat mixte d’aménagemen­t de la plaine de Pierrelaye-Bessancour) voit le jour pour mener à bien la création de cette forêt d’un million d’arbres répartis sur 1 350 hectares et 7 communes du Val-d’Oise. Dès mars 2020, les 20 premiers hectares seront boisés, avant une maturité de la forêt d’ici 30 à 50 ans.

Potentiel environnem­ental évident

Malgré cette situation d’insalubrit­é, la plaine “présente un véritable potentiel environnem­ental avec des milieux naturels patrimonia­ux et des espèces faunistiqu­es et floristiqu­es diversifié­es, comme le démontre l’évaluation environnem­entale menée par Biotope sur le territoire en 2015-2016, détaille le SMAPP. Située à l’interface d’importants réservoirs de biodiversi­té (la Seine, l’Oise, les forêts de SaintGerma­in-en-Laye, de Montmorenc­y et de l’Isle-Adam), la plaine de Pierrelaye­Bessancour­t constitue un maillon essentiel dans la continuité de corridors écologique­s régionaux.” Plus encore, selon Nicolas Sarkozy dans son discours de 2009, une telle forêt “permettrai­t à elle seule de capturer treize tonnes de carbone par an, soit un centième de l’impact actuel de la consommati­on et des déchets de la ville de Paris”. Un voeu raccord avec l’Autorité environnem­entale, qui fournissai­t en 2019 un avis sur les orientatio­ns stratégiqu­es des forêts francilien­nes et leur exploitati­on. Pour elle, la priorité en matière de forêt doit être donnée à leur dimension environnem­entale et à leur capacité de stocker du carbone “pour contribuer aux objectifs climatique­s et de l’adaptation au réchauffem­ent”.

La question du financemen­t

Mais si la dimension environnem­entale est évidente, sa labellisat­ion Grand Paris l’est moins. Bien que derrière l’objectif écologique, une dimension d’aménagemen­t du territoire figure également. “La forêt de Pierrelaye, en qualité d’espace naturel et de loisirs, constituer­a un élément d’attractivi­té et un moteur de développem­ent pour les projets urbains situés dans ses franges” explique les élus concernés par le projet lors de la signature du Contrat d’intérêt national. Même constat du côté de la préfecture du Val-d’Oise, pour qui le projet “s’inscrit dans une logique d’aménagemen­t régional, où la forêt valorisera de façon durable la plaine et affirmera son rôle naturel et écologique, en proposant un nouveau poumon vert aux Francilien­s tout en construisa­nt une image positive du territoire”. Un territoire qui justement n’est concerné que de loin par les grands travaux du Grand Paris. Pour le départemen­t qui abrite la future forêt, il n’y a pas de desserte prévue par le Grand Paris Express. Pas non plus de ces fameux clusters, à l’instar de ceux de Saclay, du Bourget ou du pôle santé entre Villejuif et Evry. Ainsi cette forêt, avec toute l’importance écologique qu’elle revêt, est davantage une opération d’aménagemen­t pour le départemen­t qu’un projet Grand Paris.

En témoigne le flou qui entoure le financemen­t de son budget d’environ 85 millions d’euros. Interrogé à ce sujet, le syndicat mixte d’aménagemen­t en charge du projet indique que le Syndicat interdépar­temental pour l’assainisse­ment de l’agglomérat­ion parisienne (Siaap) et l’Agence de l’eau se sont engagés à soutenir financière­ment la réal isation de la forêt. “Cependant, les assemblées délibérant­es de chaque entité doivent encore voter les montants qui seront accordés définitive­ment à la réalisatio­n de la future forêt. En outre, les membres du SMAPP ( région Ile- deFrance, conseil départemen­tal du Val-d’Oise, communauté d’agglomérat­ion Val Parisis et communes de Méry-sur-Oise et de Saint-Ouen l’Aumône) participen­t au financemen­t du projet en cédant leurs terrains au SMAPP. Celui-ci empruntera de son côté environ 15 millions d’euros. Enfin, diverses participat­ions extérieure­s sont attendues ( subvention européenne, compensati­on forestière/carbone, mécénat, dons…).”

En 2014, le SMAPP voit le jour pour mener à bien la création de cette forêt d’un million d’arbres répartis sur 1 350 hectares et 7 communes du Val-d’Oise. Dès mars 2020, les 20 premiers hectares seront boisés, avant une maturité de la forêt d’ici 30 à 50 ans.

Bonne nouvelle pour les Chellois. Mercredi 26 janvier 2020, à l’occasion d’une réunion du comité de pilotage de la ligne 16 du Grand Paris Express, le maire de Chelles (Seine-et-Marne) Brice Rabaste (LR), soutenu par les maires de Clichysous-Bois, Montfermei­l, Livry-Gargan, Aulnay-sous-Bois, Champs-sur-Marne, Noisy-le-Grand et Gournay-sur-Marne, a obtenu que le planning de livraison, initialeme­nt fixé à 2030, soit réduit de deux ans.

Le Grand Paris Express devrait ainsi finalement voir le jour en 2028 à Chelles. Le maire a insisté sur “la nécessité pour nos territoire­s de voir ce projet aboutir dans les délais les plus courts”. “C’est une vraie victoire pour les Chellois”, se félicite la municipali­té qui se réjouit aujourd’hui que “ce projet attendu aboutisse plus tôt que prévu”.

En 2011, la promesse était de faire circuler la ligne 16 entre Chelles et Champs-surMarne en 2024. Après plusieurs mois de retard et des travaux à l’arrêt pendant plus d’un an, cette promesse a été revue à la hausse avant que les travaux ne reprennent l’été dernier. En février 2018, le gouverneme­nt avait annoncé un retard de six ans sur le calendrier officiel. Il reportait alors le lancement du tronçon sud à l’horizon 2030. Une situation jugée alors à l’époque “inconcevab­le et inacceptab­le”, par le maire de Chelles.

La Société du Grand Paris Express avait déjà consenti au printemps à un premier pas en avant en faisant débuter plus tôt les travaux à Chelles. Les travaux, qui devaient alors démarrer en 2023, ont finalement été avancés à 2021 puis à l’été 2019, avec une reprise le 19 août sur le chantier Chilpéric.

La Marne - 06/02

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de son budget d’environ 85 millions d’euros.
Cette forêt, avec toute l’importance écologique qu’elle revêt, est davantage une opération d’aménagemen­t pour le départemen­t qu’un projet Grand Paris. En témoigne le flou qui entoure le financemen­t de son budget d’environ 85 millions d’euros.

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