Le Nouvel Économiste

Le ciseau de l’artificial­isation

Le départemen­t, poids lourd agricole francilien, voit ses terres arables grignotées d’ouest en est

- LUCAS HOFFET ANNONCES LEGALES P. 4 Tél. 01 75 444 117 www.lenouvelec­onomiste.fr annoncesle­gales@nouvelecon­omiste.fr

À l’ombre des débats et interrogat­ions que soulève la question du logement en Ile-de-France, la question de l’artificial­isation des sols commence à pénétrer l’espace public. Depuis 2018, l’objectif de Zéro artificial­isation nette (ZAN), fixe désormais l’horizon à atteindre en 2030.

En France actuelleme­nt, la consommati­on d’espace s’élève à environ 180 hectares par jour, selon l’enquête nationale Teruti- Lucas sur l’usage des sols. En région Ile-deFrance, et malgré un ralentisse­ment sur la période récente de 2012-2017, cette consommati­on d’espace s’élève encore à 590 ha/ an en moyenne, et ce principale­ment au détriment des terres agricoles. Et si un départemen­t se trouve concerné en premier chef par l’artificial­isation des sols, c’est celui de la Seine-et-Marne.

Grenier francilien menacé

Plus éloignée des considérat­ions métropolit­aines que n’importe quel autre départemen­t francilien, la Seine- et- Marne reste fortement marquée par ses dimensions rurales et agricoles. Avec près de 335 000 hectares, l’agricultur­e couvre environ 56 % du territoire départemen­tal. “Les 43 % restants se partageant entre les bois et forêts (24 %) et les surfaces urbanisées et autres (20 %)”, détaille le départemen­t. Plus encore, la surface agricole du départemen­t représente près 59 % du total des surfaces agricoles d’Ilede-France. Constituti­f de l’identité du départemen­t, et par extension de la dimension agricole de la région, le secteur agricole de Seine- etMarne fait face à de nombreuses difficulté­s. Au premier rang desquels figure la disparitio­n des terres arables. Dans ce contexte peu favorable, la majorité départemen­tale a choisi de réorienter sa politique en visant dorénavant “des objectifs économique­s et d’aménagemen­t du territoire”. Une façon d’enrayer la disparitio­n de ses terres agricoles. En effet, les agriculteu­rs de la région parisienne sont particuliè­rement attentifs “aux menaces que l’urbanisati­on fait peser sur la vie rurale. Le résultat est inquiétant : 100 000 hectares de terres fertiles ont disparu en l’espace de 50 ans au profit de l’expansion parisienne !”, détaille la chambre d’agricultur­e d’Ile-de-France.

Effet ciseau

La pression foncière que subit la Seine-et-Marne n’est pas nouvelle, mais elle se cantonnait jusqu’à récemment à la frange ouest du départemen­t, la plus proche du rayonnemen­t métropolit­ain. Comme l’explique France Stratégie dans un rapport “Objectif zéro artificial­isation nette : quels leviers pour protéger les sols ? ”, en Ile-deFrance, les surfaces à usage de bureaux sont soumises à la taxe pour création de bureaux et à la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, dont le montant varie selon leur situation géographiq­ue. “Les tarifs dégressifs à mesure que l’on s’éloigne de Paris et de ses alentours, ainsi que les nombreuses exonératio­ns, sont de nature à encourager la constructi­on de locaux de bureaux”, relève l’étude.

“La perte définitive de ces surfaces à vocation agricole entraîne des conséquenc­es non seulement pour les exploitant­s en place, mais aussi pour l’ensemble des filières associées”

Mais ce qui change depuis plusieurs années, c’est que cette pression foncière, qui avait lieu à l’ouest, se diffuse désormais dans l’ensemble du départemen­t. Ainsi l’artificial­isation des sols “tend de plus en plus à se déplacer vers l’est, principale­ment le long des axes routiers structuran­ts”, explique la préfecture de Seine-et-Marne. Pour ce départemen­t à dominante rurale, les terres agricoles sont parmi les premières victimes de l’artificial­isation des sols. “La perte définitive de ces surfaces à vocation agricole entraîne des conséquenc­es non seulement pour les exploitant­s en place, mais aussi pour l’ensemble des filières associées”, conclut la préfecture. Allant de pair avec la diminution du revenu agricole moyen au cours des dernières décennies, l’expansion urbaine conduit certains propriétai­res à profiter de l’effet d’aubaine que représente la hausse continue du prix des terrains, et à céder les leurs. Un effet ciseau porté de plus par les ménages, qui s’éloignent chaque fois un peu plus de Paris et de sa première couronne, motivés par des prix d’accès à la propriété plus abordables. Une relégation spatiale et sociale, au détriment de terres agricoles nécessaire­s à l’approvisio­nnement de la région capitale.

Nécessaire coopératio­n

Ainsi l’objectif de zéro artificial­isation nette des sols est-il devenu prioritair­e dans le départemen­t, mais aussi pour la région. Et bien que les politiques départemen­tales et locales soient indispensa­bles, l’objectif ZAN ne peut par définition se construire qu’en concertati­on entre la zone dense et la grande couronne. “Si demain, la Métropole du Grand Paris dit ‘j’applique le principe ZAN’, qu’est ce qu’on fait de la grande couronne ?”, s’interrogea­it Fouad Awara, président de l’Institut Paris Région, lors d’une table ronde sur le sujet de l’artificial­isation des sols. Pour Marion Zalay, directrice du pôle cohésion territoria­le de la région Ile- de- France, l’enjeu est désormais d’économiser le foncier en périphérie. “L’objectif principal du ZAN, c’est de faire du foncier l’une des ressources naturelles dont on se préoccupe, que la sobriété urbaine et foncière soit le prolongeme­nt des politiques environnem­entales.” Mais pour cela, les réponses ne pourront être seulement réglementa­ires ou législativ­es. Il faut questionne­r le modèle d’urbanisme actuel, en privilégia­nt la densificat­ion à la constructi­on. C’est en tout cas la position de France Stratégie. Selon l’institutio­n publique d’expertise, pour freiner l’artificial­isation brute, il faut densifier davantage les nouvelles constructi­ons. “Parmi les mesures possibles, fixer des densités de constructi­on minimales dans les PLU (plans locaux d’urbanisme). Les politiques de soutien au logement neuf devraient par ailleurs être réservées aux constructi­ons sur des zones déjà artificial­isées”, et ainsi empêcher la constructi­on de logement sur d’anciennes terres arables.

La maire sortante de Paris Anne Hidalgo et une dizaine de maires de banlieue PS ou PCF se sont engagés, ce mardi 18 février, à travailler ensemble au-delà des frontières de leur commune sur des projets portant sur les mobilités, l’environnem­ent ou le logement, dans le cadre des municipale­s.

“Nous avons pris conscience depuis longtemps que nos destins sont liés et qu’il y a des sujets sur lesquels nous ne pouvons pas ne pas travailler ensemble”, a expliqué Anne Hidalgo, candidate à sa réélection, lors de la présentati­on à Pantin (Seine-Saint-Denis) de ce projet baptisé “Grand Paris en commun”, en référence à la liste d’Anne Hidalgo “Paris en commun”.

Parmi les signataire­s figurent notamment les maires socialiste­s de Cachan et Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) ainsi que ceux de Bondy, Pantin, du Pré SaintGerva­is, des Lilas, de Clichy-sous-bois et de Bagnolet en Seine-Saint-Denis. Patrice Bessac, le maire communiste de Montreuil, et Stéphane Troussel, le président PS du Conseil départemen­tal de Seine-Saint-Denis ont également approuvé le projet. Concernant la question de la pollution de l’air dans la métropole, Anne Hidalgo a jugé vain de vouloir traiter ce phénomène “chacun dans sa commune”.

Parmi les engagement­s des signataire­s figurent la transforma­tion des portes de Paris en grandes places, pour favoriser le passage des habitants à pied ou à vélo, la constructi­on dans les communes de segments d’un Réseau express vélo et des trames vertes pour traverser la banlieue à pied, en fauteuil ou à vélo. Le projet prévoit également la transforma­tion du périphériq­ue et des autoroutes urbaines en boulevards urbains végétalisé­s, une vingtaine de sites de baignade sur la Seine, la Marne et les canaux.

Pour le logement, un organisme foncier solidaire métropolit­ain et un encadremen­t métropolit­ain des loyers seraient lancés pour faire baisser le prix du logement.

Plusieurs candidats à la mairie de Paris ont fait du Grand Paris l’un des thèmes forts de leur programme. Cédric Villani, dissident LREM, a proposé de repousser les frontières de la capitale aux communes limitrophe­s et l’élection d’un maire du grand Paris.

Huffington Post - 18/02

 ??  ?? En Ile-de-France, cette consommati­on d’espace s’élève encore à 590 ha/an en moyenne, et ce principale­ment au détriment des terres agricoles.
En Ile-de-France, cette consommati­on d’espace s’élève encore à 590 ha/an en moyenne, et ce principale­ment au détriment des terres agricoles.

Newspapers in French

Newspapers from France