Cette drôle de guerre sanitaire
Les États-Unis et la France n’ont pas posé au départ le même diagnostic sur la nature du danger
Quand on vit comme moi entre les États-Unis et la France, on trouve des deux côtés de l’océan des situations semblables mais pas pareilles. Je suis arrivée à Paris il y a une dizaine de jours, au moment où le coronavirus allait mettre le pays au point mort, alors qu’à Washington on commençait à prendre la mesure de sa gravité. Les deux pays n’ont pas mené cette drôle de guerre sanitaire au même rythme.
Le virus est apparu sur leur sol à peu près au même moment, vers le milieu du mois de janvier, dans les deux cas il s’agissait de personnes venues de Chine, mais aux ÉtatsUnis la contagion s’est répandue plus lentement. Le gouvernement américain a pendant tout le début de l’épidémie traité le problème comme un danger extérieur, la première mesure a été de bloquer le trafic en provenance la zone d’origine. Le 31 janvier, Donald Trump a annoncé que les frontières seraient fermées aux étrangers ayant voyagé en Chine pendant les deux semaines précédentes. Il faudra du recul pour mesurer pleinement l’efficacité de cette mesure, mais le fait est qu’il a fallu attendre la fin du mois de février pour que les États-Unis constatent simultanément la mort d’un premier patient atteint du virus et le premier cas d’une personne infectée sans contact avec l’extérieur du pays. L’état actuel de la progression de l’épidémie montre qu’elle touche en priorité les régions tournées vers l’extérieur comme la Californie et l’État de Washington à l’ouest, la région de New York et la Floride à l’est. Le 13 mars, le gouvernement américain a interdit l’accès de son territoire aux étrangers venus de l’Union européenne, une mesure qui a été étendue quatre jours plus tard au Royaume-Uni. Même lorsque le virus a flambé à sa porte, en Italie, la France a choisi de laisser ses frontières ouvertes.
La peur nationale des microbes
La France s’est concentrée sur des mesures de prévention intérieure, une politique qui aux États-Unis a connu des couacs. Dès le 20 janvier, le NIH, l’institut national de la santé, a annoncé qu’il commençait à travailler sur un remède et un vaccin mais, malgré la force de frappe scientifique américaine, ils ne seront disponibles qu’après la bataille. En revanche, la mesure de prévention immédiate, à savoir les tests de dépistage, a fait cruellement défaut jusqu’à maintenant. Le CDC, l’organisme qui contrôle la situation sanitaire, a dû reconnaître que la première fournée de matériel déployée en février était défectueuse. Depuis lors, le marché a été ouvert à des laboratoires privés, mais le retard pris fait qu’à l’heure actuelle, on ne sait pas combien de personnes sont infectées aux États-Unis. En revanche, au moment où j’écris ces lignes, environ 70 morts ont été attribuées au virus.
Avant d’entamer une comparaison de chiffres, il faut se souvenir que les États-Unis sont en fait un continent, dont la superficie est égale à celle de l’Union européenne tout entière, et dont la population est 6 fois supérieure à celle de la France. C’est aussi un État fédéral, ce qui veut dire que les gouverneurs ont une grande latitude pour prendre les mesures sanitaires qu’ils jugent utiles, sans en référer au pouvoir central. C’est ainsi que la région où j’habite est soumise à trois autorités différentes, le Distric of Columbia qui couvre le centre de Washington, la Virginie et le Maryland où se trouvent ses banlieues. Il y a en revanche un dénominateur commun : la population. Le Premier ministre français a déploré l’indiscipline de ses compatriotes face aux mesures sanitaires, c’est un reproche que l’on ne peut pas faire aux Américains. Même en temps normal, la peur nationale des microbes fait qu’ils pratiquent religieusement les mesures recommandées : il est asocial de ne pas se laver longuement les mains, d’embrasser des enfants qui ne vous appartiennent pas où, comme on dit, “d’envahir l’espace personnel de votre voisin”. Si l’on ajoute à cela que la grande majorité de la population habite des maisons individuelles et n’emprunte pas les transports en commun, cela crée une sorte de protection naturelle, qui peut
facilitera cette stabilisation. Dans le scénario retenu, le déficit primaire structurel atteint en 2024 permet de stabiliser la dette audessous de 115 % du PIB. Il est à cet égard très important que les nécessaires mesures de relance de l’activité et de soutien des ménages et entreprises soient temporaires pour que le déficit structurel n’augmente pas.
Les acteurs des marchés financiers pourraient considérer que ce scénario n’est pas réaliste et qu’une dette de 115 % du PIB est excessive, majorer la prime de risque des emprunts de la France et rendre ainsi beaucoup plus difficile le contrôle de l’endettement public. Ce risque est limité du fait de notre appartenance à la zone euro et des possibilités d’achats de titres publics de la BCE, mais cela suppose une solidarité entre les pays financièrement solides et fragiles de la zone, qui n’est pas assurément infinie. L’Italie constitue à cet égard le maillon faible de la zone euro.
Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle.