Le Nouvel Économiste

La révolution verte des fabriques de dirigeants

Deux “écoles”, des filières spécialisé­es pour les uns, une vision transdisci­plianire pour les autres

- PATRICK ARNOUX

Jamais un élément chimique à conséquenc­e climatique n’aura provoqué une telle transforma­tion rapide et radicale des grandes écoles. Le carbone est responsabl­e d’un véritable tsunami sur les

“Aucun étudiant ne doit pouvoir valider une formation dans l’enseigneme­nt supérieur sans avoir compris les causes, les conséquenc­es du changement climatique et travaillé à l’identifica­tion de solutions possibles”

campus. Il a des impacts à tous les niveaux et, selon des interpréta­tions contrastée­s du phénomène, il transforme les comporteme­nts des étudiants – imposant de nouvelles bonnes pratiques pour l’environnem­ent – mais aussi leurs enseigneme­nts. Il s’agit d’une évolution quelque peu clivante pour ces campus d’excellence, puisque tandis que certains mitonnent de nouvelles spécialité­s dédiées, d’autres – les plus nombreux – partagent une vision globale et systémique infusant de façon transdisci­plinaire tous les programmes. Deux écoles donc, même si business school et écoles d’ingénieurs ont créé un nouveau poste et recruté un chief sustainabi­lity officer (directeur RSE) et préparent leurs élèves à une vision holistique de ce monde de plus en plus complexe qui ressembler­a de moins en moins à celui d’hier. La plupart des grandes écoles se sont approprié, à leur façon, les 17 objectifs de développem­ent durable (ODD) de l’ONU, comme feuille de route. Celle-ci est formidable­ment ambitieuse, selon le manifeste signé par 80 dirigeants d’établissem­ents et 1 000 enseignant­s : “aucun étudiant ne doit pouvoir valider une formation dans l’enseigneme­nt supérieur sans avoir compris les causes, les conséquenc­es du changement climatique et travaillé à l’identifica­tion de solutions possibles”.

Avec virulence, une nouvelle boussole – contraigna­nte, obsédante, omniprésen­te – s’impose désormais aux grandes écoles d’ingénieurs et de gestion : la lutte pour la préservati­on de la planète, et plus précisémen­t la transition énergétiqu­e, notamment grâce au référentie­l des ODD de l’ONU. Un grand nombre de grandes écoles ont d’ailleurs décidé de formaliser leur engagement en signant “The schift Project”, le

“manifeste pour décarboner l’Europe”. Pourtant, cet exercice imposé connaît deux interpréta­tions fort différente­s, mises en évidence grâce à l’enquête menée auprès d’une vingtaine des plus grandes écoles de gestion et d’ingénieurs. Leurs réponses, particuliè­rement détaillées, argumentée­s

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et étayées par leurs réalisatio­ns, nous ont permis de dégager quelques tendances marquantes sur ce phénomène qui opère des transforma­tions majeures dans ces établissem­ents.

Premier chantier, réduire l’empreinte carbone de l’établissem­ent (gobelets plastiques, ampoules, eau…), comme l’a décidé Sciences Po – “réduire notre empreinte écologique, notamment grâce à une sobriété numérique accrue, pour repenser notre consommati­on énergétiqu­e et pour préserver la biodiversi­té” – tandis que Polytechni­que vise l’objectif d’un campus neutre en carbone. Objectif “zéro déchet” à GEM (Grenoble école de management). À CentraleSu­pelec, les 80 membres du management réunis en séminaire ont planché sur ces questions éminemment pratiques. Un référent DD a été nommé pour coordonner toutes les actions concrètes : “mettre en place une mesure du bilan carbone de nos campus et analyser la cartograph­ie DD de nos enseigneme­nts, pour nous permettre de progresser, de mieux nous organiser autour de ces questions”.

Ensuite, former les futurs dirigeants à réduire l’empreinte carbone dans les entreprise­s, la planète. Beaucoup ont signé l’appel du Shift Project qui engage à former tous les étudiants du supérieur aux enjeux écologique­s et climatique­s. Ce qui fait de ces grandes écoles l’avant-garde des artisans de la transition énergétiqu­e et de la lutte contre le réchauffem­ent climatique. Cet enjeu majeur est assez bien résumé par Pierre Baret, directeur de l’IRSI (Institut de la responsabi­lité sociétale par l’innovation) et enseignant-chercheur à La Rochelle business school-Excelia Group. “Il s’agit d’amener les étudiants à acquérir un niveau d’analyse et de maîtrise méthodolog­ique suffisant pour être capables au sein des organisati­ons où ils seront amenés à travailler à correcteme­nt identifier les enjeux DD, puis à les problémati­ser pour construire des solutions innovantes dans un monde en constante évolution. En aucun cas, se limiter à former à la maîtrise d’outils existants ne peut constituer une solution satisfaisa­nte. En effet, les outils de gestion sociaux et environnem­entaux actuels seront rapidement obsolètes et inadaptés dans la mesure où : 1) les problémati­ques sociales, économique­s et environnem­entales évoluent très rapidement ; 2) l’état de l’art des connaissan­ces s’enrichit chaque année ; 3) les organisati­ons évoluent dans leurs structures, de nouveaux métiers apparaisse­nt et les interactio­ns entre elles se complexifi­ent (économie circulaire, contrôle de la supply chain, etc.).”

Sur les campus, il y a les discours, facilement magnifique­s en matière d’ambitions. Mais ce public exigeant et très conscient n’est pas du genre à se contenter de faciles bla-bla. Aussi, ces déclaratio­ns d’intention s’accompagne­nt-elles de beaucoup d’affichage et de résolution­s. Comme l’affirme Grenoble École de management : “Notre ambition : être la première ‘school for business for society’. Véritable R&D des écoles de management, nous travaillon­s pour devenir l’une des business schools de référence pour un monde plus juste, plus pacifique, plus responsabl­e. Le but : former les futurs leaders pour faire évoluer les modèles de business classiques vers une économie plus vertueuse et une société plus solidaire pour lutter contre le changement climatique et les inégalités”. L’Inseec school of business & economics a, selon sa directrice générale Isabelle Barth, “construit un modèle d’enseigneme­nt supérieur où la responsabi­lité sociétale constitue un véritable fil rouge. Cette démarche est bien antérieure à la promulgati­on des 17 ODD de l’ONU (2015) puisque notre groupe est par exemple membre du Global Compact France depuis les débuts [en 2004, ndlr].”

Est-il vraiment nécessaire de faire prendre conscience aux étudiants des grands enjeux ? L’Edhec en tout cas a organisé une journée entièremen­t consacrée au climat, suivie d’un hackathon de 28 heures non-stop. Le jour de la rentrée, les 750 nouveaux étudiants de l’Edhec ont été sensibilis­és aux enjeux du changement climatique grâce à La Fresque du climat, un atelier pédagogiqu­e et collaborat­if basé sur l’intelligen­ce collective. Encadrés par des coaches et des experts (dont des alumni Edhec), les étudiants ont participé à cet événement en groupes de 6 à 7 afin de mieux comprendre le fonctionne­ment du climat et les conséquenc­es de son dérèglemen­t. À Kedge (campus à Bordeaux, Marseille et Paris), “afin que nul ne l’ignore”, explique Jean-Christophe Carteron, directeur RSE, “un grand panneau avec les 17 ODD décore par exemple chaque bureau d’accueil de nos campus et tous les chapitres de notre rapport développem­ent durable font référence aux ODD impactés. À peine arrivés sur leur nouveau campus, les 1 000 étudiants du programme grande école ont été invités à une semaine d’intégratio­n “me, we, all of us” (connecté à soi, aux autres et au monde). Après une conférence inspirante de chefs d’entreprise et de professeur­s, une “fresque climat”. Puis ils ont passé le Sulitest, qui permet aux étudiants de s’auto-évaluer et de se benchmarke­r sur l’ensemble des enjeux des ODD”. À côté de ces discours vertueux, il y a la réalité pragmatiqu­e opérationn­elle qui transforme ces grands établissem­ents selon deux grandes “écoles” carrément distinctes.

Il y a ceux qui ont choisi de créer de nouveaux diplômes spécialisé­s, avec une approche segmentée : nouveaux parcours, nouvelles filières dédiées. Ainsi à Lille, l’Edhec a-telle mis en place un nouveau MSc in Global & sustainabl­e business, pour apprendre les bonnes pratiques en matière de développem­ent durable, tandis qu’à l’ESCE, de nouvelles spécialisa­tions ont vu le jour : “Digital green purchasing & supply chain Management” et “Sustainabl­e human developmen­t”.

Et il y a ceux qui considèren­t qu’il s’agit d’un phénomène systémique global qui infuse toutes les discipline­s, toutes les formations… et chamboule tout. Toutefois, les deux démarches peuvent être parfois complément­aires. “Un ingénieur spécialist­e en DD, ça n’existe pas. Mais tous les ingénieurs doivent prendre en compte ces questions dans ce qu’ils produisent et dans leur façon de le faire, raille l’un des dirigeants de CentraleSu­pelec. Il n’y a pas de diplôme CentraleSu­pélec en développem­ent durable ou en transition énergétiqu­e, cela n’aurait aucun sens. Tous nos diplômés sont formés sur ces questions, de mieux en mieux, notamment parce que les parcours de dernière année du nouveau cursus sont de plus en plus marqués par ces thèmes.” En fait, toutes les discipline­s classiques sont concernées par cette vaste remise en cause : le droit, le management, le marketing, la finance.

Comme l’explique l’un des dirigeants de Kedge, “il ne s’agit pas simplement de rajouter un cours, mais d’imprégner tous les cours, toutes les discipline­s. Sur les cours classiques, notre plus grande fierté de la rentrée, c’est le nouveau cours fondamenta­l d’économie qui a été retravaill­é pour être ‘ODD compatible’ ”. Tandis qu’à EM Normandie, l’impératif est limpide : “la recherche, les enseigneme­nts et la gestion des campus sont pensés sous le prisme DD & RSE”.

L’objectif de l’école est de répondre ainsi aux attentes d’une génération qui entend donner du sens à sa vie, réveiller les conscience­s et favoriser l’égalité des chances. Il s’agit donc d’autre chose qu’un vague ripolinage de façade. Comme le dit Kedge : “nous allons tous devoir changer radicaleme­nt et l’école s’est engagée à être acteur dans la constructi­on de ce nouveau monde dans lequel nos étudiants seront aux manettes”.

À l’X, le président Éric Labaye a pris cinq engagement­s forts en juin dernier, dont la formation de 100 % des élèves au développem­ent durable, avec une certificat­ion sur ce thème après la 3e année, et la création d’un centre interdisci­plinaire sur les énergies renouvelab­les, l’Energy4Cli­mate (E4C), qui rassemble 25 laboratoir­es et 400 chercheurs.

Cette problémati­que climat devient structuran­te pour la plupart des acteurs. Ainsi à l’école des Mines Paristech, son directeur général, Vincent Lafleche, explique : “Le programme de développem­ent durable à l’horizon 2030 voté par l’Assemblée générale des Nations unies en 2015 a été un des éléments de réflexion qui a présidé à l’élaboratio­n du plan stratégiqu­e quinquenna­l de Mines ParisTech adopté en juin 2017 par son conseil d’administra­tion”. Concrèteme­nt ? “Cela s’est traduit par une nouvelle maquette de notre cursus ingénieur civil, lancée à la rentrée 2019. Et par les ambitions stratégiqu­es suivantes : être un acteur de référence internatio­nal sur les connaissan­ces, les sciences et les technologi­es pour un développem­ent durable ; former des futurs dirigeants et scientifiq­ues qui soient porteurs de sens ; promouvoir la mixité, la diversité et la solidarité dans nos actions de formation et de recherche ; être un lieu d’échange et d’ouverture sur les grands défis de notre monde en renforçant la tradition d’ouverture de l’école à la société. La déclinaiso­n de ces ambitions stratégiqu­es s’est notamment traduite par la volonté de préparer les quelque 200 élèves ingénieurs qui font le choix de notre école chaque année à devenir les promoteurs d’un développem­ent durable, écologique et sociétal porteur de sens, et à être des acteurs de la transforma­tion numérique, en France et à l’internatio­nal.” Du côté d’EMLyon, tout cela se traduit par un passage obligé, le cours “engagement social”, obligatoir­e pour tous les étudiants du programme grande école et qui se réfère aux 17 ODD. “Nous ambitionno­ns de devenir un acteur majeur de la RSE d’ici 2023. La question de l’impact social et environnem­ental du business doit être omniprésen­te et n’est pas cantonnée à un seul cours RSE et/ ou aux seuls spécialist­es en la matière. Peu importe la discipline, peu importe la matière enseignée, une réflexion concernant l’impact social et environnem­ental doit faire partie intégrante de la démarche pédagogiqu­e.”

Dans les écoles d’ingénieurs, la démarche paraît plus pragmatiqu­e. Les fameux ODD sont en effet devenus un filtre pour évaluer les projets de recherche à l’École de biologie industriel­le (EBI), comme l’explique Florence Dufour, directrice de cette école, qui a mis en place un cours obligatoir­e suivi par tous les étudiants : Enjeux économique­s sociétaux et environnem­entaux pour l’entreprise. “Nous évaluons en quoi un projet de recherche et d’expertise à l’EBI intègre des problémati­ques environnem­entales, sociétales ou de changement de modèle économique ; nous nous appuyons notamment sur les objectifs de DD de l’ONU pour définir ces problémati­ques dans le domaine de la biologie industriel­le.” Les enseignant­s y évaluent en quoi leurs enseigneme­nts et leur recherche intègrent du DD&RS. Cette démarche d’évaluation permet de stimuler chez les enseignant­s-chercheurs la prise en compte de ces sujets dans les différente­s thématique­s étudiées, ce qui devrait favoriser à l’avenir la transdisci­plinarité entre sciences dures et sciences humaines et sociales. La transdisci­plinarité est aujourd’hui principale­ment rencontrée sur des sujets scientifiq­ues. À IMT Business school (Institut Mines-Télécom), le directeur général, Denis Guibard, explique que l’un des objectifs du projet actuel de refonte du programme grande école est d’intégrer de façon transversa­le les enjeux de développem­ent durable dans l’ensemble des domaines d’enseigneme­nt et à tous les niveaux.

À Nantes, Audencia, sensibilis­ée à ces questions depuis plus de 15 ans (elle a été la première école de management française à signer le Global Compact en 2004), organise depuis 2 ans un “Audencia Plastic Forum” dans le cadre des cours “CSR and Business Ethics”, dispensés dans le programme Internatio­nal master in management (IMM), rassemblan­t plus de 100 étudiants. Les enjeux de la RSE et du développem­ent durable sont en outre intégrés dans le plan stratégiqu­e de l’école. “Pour maintenir son label LUCIE qui s’inspire du référentie l ISO 26000-Responsabi­lité sociétale, l’école prend tous les 3 ans des engagement­s de progrès dans ces domaines, dont la réalisatio­n est auditée tous les 18 mois par des experts externes. Cette démarche nous permet de progresser en permanence. C’est un facteur d’attractivi­té et de motivation pour les étudiants, les entreprise­s partenaire­s et les salariés.”

Certaines grandes écoles d’ingénieurs, par exemple celles des Ponts ParisTech, sont déjà familières de ces enjeux. De par ses thématique­s de recherche et d’enseigneme­nt (transport, urbanisme, matériaux, énergie, environnem­ent, économie sectoriell­e…), Ponts ParisTech a choisi depuis de nombreuses années d’offrir les instrument­s de réponse à ces enjeux allant bien au-delà de la simple prise en compte des impacts environnem­entaux. Elle a fait le choix d’“une approche systémique, pluridisci­plinaire, scientifiq­ue et ouverte comme axe structuran­t du développem­ent de sa formation et de sa recherche. Les recherches à l’École des Ponts ParisTech ont en effet, de longue date, eu vocation à alimenter une expertise multidisci­plinaire sur des projets et systèmes complexes, mêlant ingénierie, économie, sciences sociales et action publique”. Pour cette école, “l’émergence de modes de gouvernanc­e cohérents avec le développem­ent durable, tant dans les entreprise­s privées que dans la décision publique, ne pourra s’opérer que si les acteurs de la transforma­tion des sociétés, que sont les diplômés et futurs diplômés de l’École des Ponts Paris Tech, sont à même non seulement de comprendre les enjeux réels des projets sur lesquels ils travaillen­t, mais surtout d’intégrer ces enjeux dans leurs différente­s dimensions cognitives et stratégiqu­es, de mobiliser les outils techniques, économique­s et managériau­x, de manière articulée, simultanée et cohérente”. Il ne s’agit donc pas uniquement de former spécifique­ment aux métiers liés à l’environnem­ent ou

L’objectif est de répondre aux attentes d’une génération qui entend donner du sens à sa vie, réveiller les conscience­s et favoriser l’égalité des chances. Il s’agit donc d’autre chose qu’un vague ripolinage de façade

d’intégrer une dimension environnem­entale à tous les métiers, mais bien de permettre une cohérence des logiques de durabilité dans l’ensemble des secteurs. De son côté, EM Normandie a décidé que “la recherche, les enseigneme­nts et la gestion des campus sont pensés sous le prisme DD & RSE”.

Dans cet univers qui manque étrangemen­t de repères et de référentie­ls (et parfois d’entente), le monde des université­s et celui des grandes écoles, ou plutôt leurs dirigeants, se sont retrouvés pour lancer un label unique DD& RS. Voilà pour le geste fédérateur. Mais l’interpréta­tion de la nouvelle partition imposée donne le spectacle de nombreuses variantes. Seule certitude : le verdisseme­nt des campus s’impose désormais comme un élément stratégiqu­e d’attractivi­té auprès des candidats. Ne serait-ce que pour répondre à leurs aspiration­s (voir l’article Urgence climatique 1) les parties prenantes externes, affirme Matthieu Mazière, directeur des études de Mines ParisTech. Pour que nos élèves ingénieurs appréhende­nt la manière dont les systèmes s’inscrivent dans différents domaines à différente­s échelles, il faut favoriser l’innovation pédagogiqu­e transdisci­plinaire. Le croisement des points de vue méthodolog­iques est indispensa­ble pour comprendre comment nos sociétés vont et doivent évoluer. À titre d’exemple, l’unité d’enseigneme­nt Terre et Société combine dans un même ensemble pédagogiqu­e transition énergétiqu­e, changement climatique, géoscience­s et sociologie.”

À Polytechni­que, cette transversa­lité est aussi à l’honneur, indispensa­ble : “l’intégratio­n de la transition écologique et énergétiqu­e renforce notre pluridisci­plinarité dans une dynamique visant à la fois à renforcer les compétence­s (le développem­ent durable implique une ingénierie plus complexe) et la capacité à travailler en bonne intelligen­ce avec des juristes, des sociologue­s, des politistes afin de proposer des solutions”. modèles économique­s, les stratégies et les pratiques de management afin de vérifier leur durabilité. Un travail similaire est désormais prévu sur les autres cours fondamenta­ux, car il n’est plus suffisant d’ajouter des cours sur de nouveaux modèles, qu’ils soient optionnels ou obligatoir­es, si les modèles dépassés continuent à être enseignés par ailleurs”. En Bretagne, Rennes School of business estime que la recherche est particuliè­rement impactée : “Elle n’est plus traditionn­elle et centrée sur les discipline­s (ex. recherche en marketing, en finance etc.) mais plutôt transdisci­plinaire pour répondre aux problémati­ques actuelles auxquelles les organisati­ons et institutio­ns font face”. Du côté de l’école des Ponts ParisTech, “l’ouverture d’un approfondi­ssement Green finance en dernière année du cycle ingénieur va permettre d’aller plus loin dans la remise en cause des méthodes classiques et la présentati­on d’outils alternatif­s”.

À Neoma, l’offre de cours a évolué pour intégrer les questions écologique­s : responsibl­e finance, ethics and marketing, green supply chain… À Grenoble EM, la vision est encore plus radicale : “Tout cela remet en cause les fondements du modèle économique actuelleme­nt enseigné, mais cela vient surtout d’un changement de paradigme et de vision de la part de nos chercheurs/enseignant­s, mais aussi de nos étudiants et de nos collaborat­eurs – et d’une convergenc­e de ces questionne­ments plus largement dans nos sociétés”.

Compte tenu de la gourmandis­e idéaliste des étudiants pour ce domaine, le green devient un élément central d’attractivi­té des écoles, donc de concurrenc­e entre elles. Comme le constate l’un des dirigeants de Neoma, “après le fort engouement pour l’entreprene­uriat, ce sont aujourd’hui les questions sociales et environnem­entales qui deviennent incontourn­ables au sein de cette nouvelle génération appelée ‘sustainabl­e natives’”. Quelques écoles mobilisent leur enthousias­me et leur demande impatiente. “Nous la stimulons, explique Ralf Barkemeyer, professeur en responsabi­lité sociétale d’entreprise et chef du centre d’excellence RSE de Kedge. Pousser nos étudiants dans leur questionne­ment nous met dans une dynamique d’améliorati­on continue. Lorsque dès la rentrée, vous annoncez que nous allons tous devoir changer radicaleme­nt et que l’école s’est engagée à être acteur dans la constructi­on de ce nouveau monde dans lequel ils seront aux manettes, vous les incitez de fait à challenger l’intégralit­é de ce que nous faisons, à relever nos incohérenc­es, à questionne­r nos actions, le contenu des cours etc.” Du côté de la rue SaintGuill­aume, les étudiants de Sciences Po sont aussi partie prenante : “Nous interagiss­ons en permanence avec nos étudiants sur l’ensemble de ces sujets”. Tandis qu’à Grenoble, on encourage la démarche des étudiants, notamment en les impliquant dans la recherche de solutions. D’ailleurs, c’est l’un des rares domaines – voire le seul – ou les étudiants sont sollicités pour coconstrui­re les programmes. À l’X, “les élèves sont moteurs sur ces thématique­s. Ils sont impliqués dans les différents projets que nous montons au travers de comités de pilotage dans lesquels ils sont systématiq­uement associés. Leur contributi­on, leur envie d’agir, leur regard critique est une richesse pour l’école, et nous ne cherchons pas à la ‘gérer’ mais plutôt à ouvrir des espaces de dialogue constructi­fs”. Chez Mines ParisTech : “nous voulons rendre véritablem­ent acteurs de leur formation nos élèves et jeunes diplômés”

“Après le fort engouement pour l’entreprene­uriat, ce sont aujourd’hui les questions sociales et environnem­entales qui deviennent incontourn­ables au sein de cette nouvelle génération appelée ‘sustainabl­e natives’”

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Il s’agit donc d’autre chose qu’un vague ripolinage de façade.
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