Le Nouvel Économiste

LE TAUX DE MORTALITÉ EST TRÈS VARIABLE

Il est en fait trop tôt pour prévoir le nombre de victimes de la pandémie

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Tandis que le nombre des décès parmi les personnes qui ont contracté le coronaviru­s augmente, il est tentant de diviser le nombre des cas officielle­ment détectés par le nombre de victimes

Si toutes les personnes porteuses du virus étaient effectivem­ent dépistées et comptées, le dénominate­ur serait plus important. Ce qui ferait baisser le taux de mortalité et d’en conclure que le chiffre obtenu représente le taux de mortalité. Avec cette formule et le nombre total de cas dépistés et des décès au 11 mars dernier, vous obtenez un taux de mortalité de 3,6 %. Mais ce chiffre, que les chercheurs appellent le taux de mortalité des cas ‘naïfs’ [qui n’avaient jamais été exposés au virus, ndt], peut être inexact, et de deux façons.

D’abord, bien des cas détectés au stade précoce de l’épidémie résulteron­t au final en décès. Ce qui va faire augmenter le taux de mortalité. Deuxièmeme­nt, beaucoup de personnes infectées ne sont pas comptabili­sées car les tests sont parcellair­es. De plus, les cas bénins ne sont même pas remarqués. Si toutes les personnes porteuses du virus étaient effectivem­ent dépistées et comptées, le dénominate­ur serait plus important. Ce qui ferait baisser le taux de mortalité. Quand la Chine a commencé à comptabili­ser plus étroitemen­t les cas, son taux de mortalité a baissé (voir graphique 1).

Mesurer de façon probante le dénominate­ur nécessite de rechercher qui est immunisé par anticorps contre le virus dans un échantillo­n important de personnes, dans un lieu où une épidémie s’est déjà déclarée. Ces études sont en cours en Chine. Dans l’attente, les chercheurs ont estimé le taux de mortalité du Covid-19 en se basant sur une cohorte pour laquelle il existe un bilan complet des cas d’infection et des décès : les passagers du paquebot de croisière ‘Diamond

Princess’. La catastroph­ique tentative de mise en quarantain­e à bord a produit 700 cas de Covid19. Huit personnes sont décédées (au 12 mars). Le 5 mars, un document de travail publié par Timothy Russell, de l’École d’hygiène et de médecine tropicale de Londres, avec une équipe de chercheurs de différents pays, estime que le taux de mortalité parmi les passagers infectés de la croisière devrait finir par être de 1,2 %.

Les chercheurs ont ensuite appliqué les résultats tirés de la surveillan­ce du paquebot de croisière aux données sur les cas de Covid-19 et les décès en Chine. Ils concluent que le taux de mortalité de l’épidémie chinoise de Covid-19 a été de 0,5 %. Ce qui est cinq fois le taux de mortalité de la grippe saisonnièr­e en Amérique.

Le taux de mortalité du Covid19 dans l’échantillo­n à bord du ‘Diamond Princess’ est supérieur parce que l’âge moyen y était de 58 ans, ce qui est plus que l’âge moyen de la population de n’importe quel pays, même si ces personnes étaient probableme­nt en bonne santé. Il faut l’être pour s’embarquer pour une longue croisière. Par ailleurs, les croisiéris­tes sont en général plus riches. Le taux de mortalité parmi ces passagers peut donc être moindre qu’il ne le serait pour un groupe comparable du même âge dans leurs pays respectifs.

Une étude menée par des chercheurs de l’université de Berne, en Suisse, apporte plus d’informatio­ns. Elle fournit des estimation­s des taux de mortalité par tranches d’âge dans le Hubei, la province chinoise qui a connu la pire épidémie (voir graphique 2). La mortalité est indéniable­ment très supérieure pour les personnes de plus de 60 ans, et monte à 18 % pour les octogénair­es et au-delà.

Mais le Covid-19 peut être tout aussi dévastateu­r pour les pays pauvres, qui ont en général des population­s plus jeunes. La maladie frappe plus durement ceux dont le système immunitair­e est affaibli par des maladies chroniques. Les population­s mal nourries, ou encore les personnes porteuses du VIH/sida, seront probableme­nt plus durement frappées.

Dans n’importe quel pays, le taux de mortalité dépendra avant tout de la qualité des soins disponible­s, et de combien de personnes y auront accès. Environ 5 % des personnes diagnostiq­ués positives au Covid-19 en Chine ont nécessité des soins intensifs. Services qui sont réduits ou inexistant­s dans la plupart des hôpitaux des pays en développem­ent. Un bond des infections peut alors provoquer l’engorgemen­t des hôpitaux et des taux de mortalité plus élevés.

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Les population­s mal nourries, ou encore les personnes porteuses du VIH/sida, seront probableme­nt plus durement frappées.
Le Covid-19 peut être tout aussi dévastateu­r pour les pays pauvres, qui ont en général des population­s plus jeunes. Les population­s mal nourries, ou encore les personnes porteuses du VIH/sida, seront probableme­nt plus durement frappées.
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La catastroph­ique tentative de mise en quarantain­e à bord a produit 700 cas de Covid-19. Huit personnes sont décédées est supérieur parce que l’âge moyen y était de 58 ans, ce qui est plus que l’âge moyen de la population.

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