Le Nouvel Économiste

Les États-désunis devant le coronaviru­s

À l’instar de ceux de l’État de New York et de la Californie, les gouverneur­s usent – voire abusent – de leurs prérogativ­es dans la santé pour confiner leur population de façon fort différente

- TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

TRUMP POWER, ANNE TOULOUSE

La ville de New York est devenue l’épicentrep du coronaviru­s, non seulement aux États-Unis, mais dans le monde. Pourtant, lorsque le président Trump a évoqué, la semaine dernière, l’idée de mettre la ville en qquarantai­ne, le gouverneur de l’État du même nom a vu rouge. Il a parlé de “déclaratio­n de guerre du ggouvernem­ent fédéral aux Étatsamég ricains”. Donald Trump, qui ne recule pas devant grand-chose, a cédé devant Andrew Cuomo qui est, après tout, son gouverneur, puisqu’il est toujours un résident de Manhattan. Le gouverneur ranimait ainsi, en plein désastre sanitaire, une qquerelle ppolitique­q qui occupe les États-Unis depuis deux siècles et demi : les limites du fédéralism­e...

La ville de New York est devenue l’épicentre du coronaviru­s, non seulement aux États-Unis, mais dans le monde. Pourtant, lorsque le président Trump a évoqué, la semaine dernière, l’idée de mettre la ville en quarantain­e, le gouverneur de l’État du même nom a vu rouge. Il a parlé de “déclaratio­n de guerre du gouverneme­nt fédéral aux États américains”. Donald Trump, qui ne recule pas devant grandchose, a cédé devant Andrew Cuomo qui est, après tout, son gouverneur, puisqu’il est toujours un résident de Manhattan. Le gouverneur ranimait ainsi, en plein désastre sanitaire, une querelle politique qui occupe les États-Unis depuis deux siècles et demi: les limites du fédéralism­e. Au début du XVIIIe siècle, le vice-président et le ministre des Finances se sont déjà battus en duel sur ce thème, avec une conséquenc­e fatale pour le second, Alexander Hamilton. Si Andrew Cuomo avait porté l’affaire devant la Cour suprême, comme il menaçait de le faire, celle-ci aurait sans doute été ravie de se pencher une nouvelle fois sur la polémique, en télétravai­l.

Pourquoi la propositio­n de Donald Trump a-t-elle suscité un tel outrage, en dehors du fait que le gouverneur (démocrate) y a vu malice? Après tout, il ne s’agissait que d’imposer les mesures sous lesquelles vivent actuelleme­nt les Français à un État où l’épidémie croît de façon exponentie­lle, au point qu’il compte plus du tiers des cas v recensés dans tout le pays. Si les New-Yorkais sont priés – mais seulement priés – de rester chez eux, ils peuvent néanmoins théoriquem­ent se déplacer dans le reste du pays. Certains autres États s’inquiètent de voir le virus voyager avec eux et ont commencé à imposer des contrôles à leurs frontières, c’est le cas du Rhode Island, voisin de l’État de New York, de la Floride et de la Caroline du Sud, où les New-Yorkais ont de nombreuses résidences secondaire­s. Cela fait toujours drôle de parler de frontières intérieure­s, mais c’est un état de fait aux États-Unis où chacun des 50 États a un pouvoir sur la vie quotidienn­e de ses concitoyen­s qui dépasse celui de l’État fédéral. La semaine dernière, alors que j’habite à moins d’un kilomètre de la capitale, de l’autre côté du Potomac, j’ai reçu un e-mail des autorités dont je dépends, le comté d’Arlington, m’informant que je ne devais pas tenir compte des directives émises par

Washington DC qui auraient pu arriver sur mon téléphone portable, mais de celles du gouverneur de Virginie, dont la capitale se trouve à 200 kilomètres au sud.

Inégaux devant le risque

Les gouverneur­s ont autorité sur l’éducation, l’âge du mariage, le code de la route, la sécurité, les lois commercial­es, et sur ce qui est en ce moment au centre de l’actualité, la politique de santé. Cela explique, par exemple, la guerre commercial­e à laquelle se sont livrés plusieurs États américains en surenchéri­ssant sur la vente de respirateu­rs. Lors d’une crise inédite comme l’épidémie Covid-19, les États ne sont pas égaux devant les risques. D’abord géographiq­uement, les États-Unis représente­nt en surface l’équivalent de l’Union européenne, avec les deux tiers de sa population. Certains États centraux, comme toute la région des Rocheuses, sont si éloignés et peu peuplés qu’ils

peuvent se considérer comme loin du front. Les plus exposés sont ceux qui sont sur les deux côtes, distantes de 5 000 kilomètres. Si l’on veut comparer la situation de New York à celle du reste du pays, le rapprochem­ent le plus pertinent est avec la Californie, elle aussi un État côtier, avec un profil socio-économique similaire et un gouverneur également démocrate. La disparité entre les deux ne saurait être plus frappante. La seule ville de New York a enregistré au moment où j’écris ces lignes 38 000 cas et près d’un millier de morts, alors qu’à population égale, ce que l’on appelle Bay Area, qui comprend les villes de San Francisco, Oakland et San Jose, a répertorié 2 000 cas et 6 morts. Pour l’ensemble de la Californie, où le virus est apparu dès le mois de février, le bilan est de 149 morts sur un peu plus de 7 000 cas recensés, tout cela pour une population de près de 40 millions de personnes, soit le double de celle de l’État de New York. Il y a certes des facteurs aggravants pour la ville de New York, dont la densité de population est trois fois celle de Los Angeles et dont les habitants se déplacent essentiell­ement dans les transports en commun. L’État de New York a également effectué davantage de tests. Mais cela n’explique pas entièremen­t une telle disparité. La grande différence est la vitesse et la force de la réaction face à l’épidémie. Le jour où la France a été confinée, le 17 mars, la ville de San Francisco a adopté des mesures similaires, et au même moment, le gouverneur de New York déclarait : “Personne ne peut boucler les habitants de la ville de New York chez eux”. Le 20 mars, la Californie et l’État

de New York adoptaient simultaném­ent un confinemen­t, mais la grande différence c’est que la première l’accompagna­it de mesures coercitive­s, tandis que le second se reposait sur le bon vouloir de la population. Il a fallu attendre la dramatique escalade de ces derniers jours pour que le maire de la ville de New York annonce qu’il “pourrait” infliger des amendes aux contrevena­nts. Certains n’ont apparemmen­t retenu que le conditionn­el puisque lundi, une foule se pressait devant les grilles du port de New York pour voir arriver le navire-hôpital de la Croix Rouge appelé en renfort.

La grande différence est la vitesse et la force de la réaction face à l’épidémie. Le jour où la France a été confinée, le 17 mars, la ville de San Francisco a adopté des mesures similaires, et au même moment, le gouverneur de New York déclarait : “Personne ne peut boucler les habitants de la ville de New York chez eux”.

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Cela fait toujoursj drôle de pparler de frontières intérieure­s,, mais c’est un état de fait aux États-Unis où chacun des 550 États a un ppouvoir sur la vie qquotidien­ne de ses concitoyen­s qui dépasse celui de l’État fédéral

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