Le Nouvel Économiste

‘JE GOÛTE PEU LE SECTARISME’

Entretien avec le candidat Ensemble pour Paris aux municipale­s du XVIIIe arrondisse­ment. Extrait du podcast “Dans l’oreille de Charles”

- PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS ESCHEWEGE ( AVANT LE 1ER TOUR DES MUNICIPALE­S)

Une question sur la campagne municipale actuelle. Comment la qualifieri­ez-vous en un mot ?

Je la qualifiera­is de très différente de celles que nous avons connues par le passé. J’espère simplement qu’elle s’achèvera sur une note heureuse !

Parlez-nous votre enfance.

Originaire du Cantal, mon enfance a été marquée par l’identité de ma région : sa nature, ses paysages, son histoire. J’étais un garçon curieux, avec un goût prononcé pour l’Histoire. Je me souviens de mon grandpère, blessé pendant la guerre de 1940, me racontant ce qu’il avait vécu. Je m’intéressai­s aussi à la géographie, à un point tel que ma connaissan­ce des capitales du monde et des préfecture­s de France était certaineme­nt meilleure à l’époque qu’aujourd’hui.

C’est aussi pendant mon enfance que m’est venu le goût de la politique, bien que ma famille n’était pas du tout politisée. J’avais pour habitude de regarder les émissions politiques, à l’instar de ‘L’Heure de vérité’, et de suivre les débats. Je me rappelle notamment du débat présidenti­el de 1988, qui avait vu s’affronter Chirac et Mitterrand. Étant corrézien [ Pierre- Yves Bournazel a grandi à Tulles, en Corrèze, ndlr], je soutenais évidemment Chirac. J’avais l’habitude de suivre l’actualité avec des journaux comme ‘ Le Monde’, ‘ Le Nouvel Observateu­r’, ‘L’Express’, etc.

De mon enfance, j’ai gardé une grande tolérance et une soif de connaître le monde. J’écoute d’ailleurs régulièrem­ent des podcasts de France Culture, sur l’histoire et la philosophi­e.

J’en suis venu à faire mes études à Sciences Po, ce qui est assez logique quand on s’intéresse à la politique, à l’histoire, à la géographie, à la sociologie. Je rêvais alors de liberté, y goûtant une première fois en étudiant à l’IEP de Toulouse, ville dont je retiens la conviviali­té, puis en étudiant à Paris, où j’allais développer une passion pour la ville, et pour laquelle j’allais m’engager en politique.

Dans un itinéraire politique, il y a des rencontres qui marquent. Dans le vôtre, il y a eu celle du sénateur Pierre Charon, qui a joué pour vous un rôle de parrain. Comment qualifier vous votre relation avec lui ?

Pierre est un ami. C’est un homme à la fois cultivé et drôle, avec qui je prends beaucoup de plaisir à échanger. J’aime aussi son côté frondeur ; en 2011, au Sénat, il n’a pas hésité à se présenter contre son propre parti. Il est vrai que nous ne sommes pas issus de la même génération, que nous avons des parcours divergents et que nous ne partageons pas les mêmes conviction­s ; lui est un sarkozyste, tandis que je suis un ami d’Alain Juppé.

Mais cela ne change rien à mon amitié avec Pierre. J’ai toujours veillé à rester ouvert sur les autres, et notamment sur des sensibilit­és politiques différente­s. Je goûte peu le sectarisme. Toute ma vie, j’ai eu des amis plus à droite ou plus à gauche que moi, avec qui je me retrouve, avec qui j’aime partager. Un ami communiste m’a d’ailleurs écrit récemment pour m’encourager dans ma campagne pour le XVIIIe arrondisse­ment. Je n’ai aucune limite, mis à part les extrêmes.

Parlez-nous un peu du XVIIIe, votre arrondisse­ment.

Je suis profondéme­nt attaché au XVIIIe, qui a véritablem­ent changé ma vie. Depuis que j’y vis, j’ai appris beaucoup de choses et je comprends mieux la société. Le XVIIIe arrondisse­ment est un petit Paris de la diversité, à la fois sociale, génération­nelle et d’origine. J’y ai acquis des conviction­s extrêmemen­t fortes, développan­t très vite une conscience écologique. J’ai notamment soutenu des projets créatifs portés par Bertrand Delanoë, comme le tramway, le Vélib ou l’Autolib. Il faut toujours rester ouvert aux idées des autres.

Peut-on exister à Paris quand on est un candidat indépendan­t ?

Il me semble que l’essentiel est d’être libre, de ne pas rester enfermé dans un carcan dogmatique, afin de construire un projet cohérent avec les attentes des citoyens. C’est dans cet esprit que j’ai mené ma propre initiative dans la campagne municipale ; je suis fier que des gens de toutes tendances politiques y aient participé, du centre comme de la gauche et de la droite.

J’ai par la suite estimé que ma candidatur­e n’était pas la meilleure pour rassembler. C’est pourquoi j’ai décidé, librement, de la retirer pour rejoindre une liste centrale. Quand on fait de la politique, il faut savoir faire preuve de lucidité et avoir l’intelligen­ce des situations. Il n’y a rien de pire que ceux qui s’enferrent dans leurs erreurs. Désormais, je souhaite que nous proposions une alternativ­e pour la mairie de Paris, autour d’un projet et d’une équipe de tendance modérée.

Depuis plusieurs années, on observe un désintérêt croissant des citoyens à l’égard de la politique. Comment l’expliquez-vous ?

La responsabi­lité de ce phénomène est partagée. D’un côté, notre système politique souffre d’être trop vertical. Les politiques

en place croient trop souvent avoir raison sur tout, et pouvoir tout faire pendant leur mandat. Pour eux, pas de compte à rendre jusqu’à la prochaine élection. Ce système ne correspond plus à la démocratie du XXIe siècle. Il serait bon, pour l’améliorer, d’associer davantage les citoyens à la prise de décision. Le dialogue ne doit pas être épisodique, mais permanent. Il faut sensibilis­er les citoyens à la complexité des décisions.

D’un autre côté, ils doivent s’intéresser au fond des choses, afin de comprendre la complexité des problèmes et être en mesure de participer aux débats. Par exemple, le projet de constructi­on de six tours à Bercy-Charenton devrait faire l’objet d’un débat avec les citoyens. La tendance est à l’horizontal­ité, il faut donc aller dans ce sens si l’on veut que les citoyens continuent de s’impliquer dans la vie de la cité.

Si vous aviez la possibilit­é de changer quelque chose à la politique, qu’est-ce que ce serait ?

Probableme­nt son organisati­on. Les choses vont aujourd’hui très vite, en partie à cause des réseaux sociaux. Lorsque vous êtes un homme politique, on vous demande un avis sur tout, même sur les sujets sur lesquels vous ne savez rien. Or la politique réclame du temps pour se poser et réfléchir. Le métier du politique ne consiste pas à commenter, mais à fixer un cap, à donner une vision, à emmener les citoyens et les fédérer autour d’un projet. Il faut qu’il ait une bonne méthode de travail pour aller chercher les bonnes idées et les mettre au service de la collectivi­té, il doit définir un intérêt général. La politique ne doit pas être l’esclave de l’actualité, au risque de se discrédite­r.

Pensez-vous que le clivage droite-gauche existe toujours ?

Une chose est certaine : le clivage PS-UMP que l’on a pu connaître depuis les années 1960 jusqu’aux années 2000 ne reviendra plus. Les clivages changent avec le monde. On ne peut pas regarder le monde d’aujourd’hui avec les lunettes du passé. Le cours de l’histoire évolue à une vitesse grandV. Regardez ce qu’il se passe aux États-Unis avec Trump, au Brésil avec

Bolsonaro, en Hongrie avec Orban, ou même en Italie avec Salvini. N’est-ce pas un retour évident à une forme de nationalis­me ?

Il y aura toujours des clivages, puisqu’ils sont constituti­fs de la démocratie. Mais il ne faut pas être prisonnier de ces clivages, mais au contraire savoir les dépasser. J’admire des personnage­s historique­s comme De Gaulle ou MendèsFran­ce qui, chacun à leur manière, ont su proposer une vision et fédérer autour d’eux. Ce n’étaient pas des hommes de partis, mais des hommes de rassemblem­ent. L’important est aussi de renouer le dialogue avec les citoyens. Nous vivons aujourd’hui dans une société violente, où l’on se laisse facilement aller à la haine, où l’on ne s’écoute plus. C’est un péril grave pour nos démocratie­s.

Évoquons brièvement l’affaire Griveaux. Pensez-vous qu’il soit encore possible de maintenir une frontière entre vie privée et vie publique ?

La vie privée est l’un des fondamenta­ux de la démocratie. Il faut donc continuer à la défendre, sans quoi on prendrait le risque de laisser s’installer une nouvelle forme de régime autoritair­e. Quand les libertés se déconstrui­sent, il peut se développer des formes de peurs, d’angoisses. L’histoire montre que ce sont souvent des extrémiste­s qui arrivent au pouvoir pendant les périodes de peur. Ma conviction est donc que la démocratie doit absolument défendre ses libertés fondamenta­les.

Passons au questionna­ire de “Charles à la mode Proust”. Quelle figure politique vous a le plus inspirée en 1995 ?

Évidemment Jacques Chirac ! Un Corrézien ne peut rester insensible à l’élection d’un autre Corrézien.

Qu’est-ce qui vous fera toujours rire ?

Le rire des autres me fait beaucoup rire. J’aime aussi les jeux de mots, et je regarde souvent des spectacles d’humoristes, surtout ceux des anciens comme Coluche, qui m’amuse beaucoup. J’aime aussi Michaël Gregorio, et irai bientôt voir le spectacle de Max Boublil.

Au début de notre entretien, vous parliez de votre amour de la géographie. Quel pays aimeriez-vous découvrir ?

Il y en a beaucoup, mais je répondrais un pays de l’Afrique noire, comme le Cameroun. C’est une région que je connais peu.

Quelle est la devise qui vous caractéris­e le mieux ?

“Fluctuat Nec Mergitur”, la devise de Paris. Ayant connu des victoires et des défaites et étant toujours resté fidèle au XVIIIe arrondisse­ment, je trouve qu’elle reflète bien mon parcours.

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Notre système politique souffre d’être trop vertical. Les politiques en place croient trop souvent avoir raison sur tout, et pouvoir tout faire pendant leur mandat. La tendance est à l’horizontal­ité, il faut donc aller dans ce sens si l’on veut que les citoyens continuent de s’impliquer dans la vie de la cité.
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Une chose est certaine : le clivage PS-UMP que l’on a pu connaître depuis les années 1960 jusqu’aux années 2000 ne reviendra plus. Il y aura toujours des clivages, puisqu’ils sont constituti­fs de la démocratie. Mais il ne faut pas être prisonnier de ces clivages, mais au contraire savoir les dépasser.

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