Le Nouvel Économiste

Les franchises “zéro apport”

Créer son entreprise avec moins de 50 000 euros, c’est possible. Sous certaines conditions.

- AGATHE PERRIER

“La différence se joue sur le local et l’équipement, deux éléments qui pèsent lourd dans un business plan et dont tous les franchisés n’ont pas besoin au départ”

Sur les plus de 2 000 réseaux de franchise présents en France, certains ne demandent pas ou peu d’apport personnel pour s’engager, à savoir moins de 50 000 euros. Une opportunit­é possible dans des secteurs bien déterminés, qui ne nécessiten­t ni locaux, ni stocks, ni employés au démarrage. Mais attention : le zéro euro d’apport, alléchant de prime abord, peut cacher des besoins financiers indispensa­bles, au risque de ne pouvoir mener correcteme­nt sa barque. L’argent n’est heureuseme­nt pas le seul

Si 31 % des Français aimeraient créer leur entreprise, d’après la dernière enquête annuelle réalisée en 2019 par la Fédération française de la franchise (FFF) et la Banque Populaire, 4 sur 10 envisagent de le faire en franchise. Le modèle présente de nombreux avantages si l’on veut sauter le pas de l’entreprene­uriat en étant accompagné. Y compris lorsque l’on n’a pas d’importante­s ressources financière­s. Voire aucune. Certains réseaux, comme celui de mandataire­s immobilier­s Capifrance par exemple, ne demandent en effet pas d’apport personnel pour y entrer. D’autres, à l’image des agences web Sowink ou multi-services Servizen, demandent respective­ment 5 000 euros et 9 000 euros. Des sommes très en deçà des dizaines de milliers d’euros attendus par nombre d’enseignes. “La différence se joue sur le local et l’équipement, deux éléments qui pèsent lourd dans un business plan et dont tous les franchisés n’ont pas besoin au départ”, explique

Rose-Marie Moins, responsabl­e animation, développem­ent et promotion au sein la FFF. Et Michel Kahn, fondateur du cabinet Michel Kahn Consultant­s et président de l’Iref (fédération des réseaux européens de partenaria­t et de franchise), d’appuyer : “cela concerne les activités où l’on peut commencer seul, sans local, sans grands investisse­ments ni stocks. On peut citer les services à la personne ou aux entreprise­s, le conseil, les agences en ligne”. Des secteurs se révèlent de fait incompatib­les à cette situation, à l’instar de l’hôtellerie ou la restaurati­on à table, qui nécessiten­t de gros investisse­ments initiaux et donc, proportion­nellement, un apport personnel élevé.

Zéro apport, vraiment ?

Jusqu’à 50 000 euros, un apport personnel est considéré comme plutôt faible. “On atteint assez vite cette somme”, note Rose-Marie Moins. “C’est pourquoi partir sans apport me semble rare car il y a toujours des facteur pour le bon développem­ent de son entreprise en franchise. Le travail et l’accompagne­ment de la tête de réseau y contribuen­t pour beaucoup et offrent de belles perspectiv­es de développem­ent, même sans un grand investisse­ment initial. frais et des dépenses au démarrage”. L’experte pense ici à l’équipement de base indispensa­ble afin de débuter son activité, ne serait-ce qu’un ordinateur. Un investisse­ment que Philippe Buyens, directeur général de Capifrance, juge “quasi nul puisqu’il s’agit bien souvent de matériel personnel dont le franchisé dispose en amont”. Dans le cas de ses mandataire­s immobilier­s, l’équipement initial se réduit à un ordinateur, un smartphone et une voiture. Reste que si l’aspirant affilié ne dispose pas de l’un d’eux, il devra se le procurer pour commencer. Une surprise qui peut vite faire grimper l’investisse­ment à plusieurs milliers d’euros.

Aux yeux de Michel Kahn, entreprend­re sans apport personnel est tout bonnement impossible. “Si l’on veut obtenir un crédit auprès d’une

banque, un apport personnel est obligatoir­e. Et, sans crédit, il faut un minimum d’apport pour vivre en attendant les premiers encaisseme­nts”, considère le consultant. Philippe Buyens le confirme : trois à six mois sont nécessaire­s en immobilier avant de toucher ses premières rémunérati­ons. Mais le DG préfère parler de “trésorerie personnell­e” à avoir plutôt que d’apport. Une différence de terme qui revient finalement au même constat : difficile sans aucune réserve financière de côté de tenir le cap en attendant les premières rentrées d’argent.

Plus de candidats pour plus de choix

Concernant les réseaux qui demandent un faible apport personnel, il s’agit souvent d’une stratégie visant à attirer les aspirants à la franchise.

En levant le frein pécuniaire, ils ouvrent les candidatur­es à plus de profils. Une option choisie par les agences multi-services Servizen. “C’est un moyen pour nous de nous distinguer de la concurrenc­e, de nous faire connaître par ce biais. Cela ne veut pas dire que l’on accepte tout le monde dans le réseau. On filtre les demandes, non pas sur leurs capacités financière­s, mais sur des valeurs qui correspond­ent aux nôtres”, explique Nicolas Garcia, cofondateu­r du groupe qui compte une vingtaine d’agences aujourd’hui, avec l’objectif d’en ouvrir cinq par an. Méthode similaire du côté des agences web Sowink. “On a pris le parti du montant bas afin de permettre à un maximum de personnes de représente­r notre marque. Nous avons beaucoup de candidatur­es, un nombre bien supérieur à notre cap de 10 ouvertures annuelles, parce qu’on préfère juger sur les profils plutôt que sur l’aspect financier”, met en avant Audrey Vergondy, responsabl­e développem­ent de la marque. L’absence ou un faible apport au démarrage peut également être conditionn­é à des contrepart­ies par la suite en faveur de la tête de réseau. À l’instar d’un pourcentag­e prélevé sur le chiffre d’affaires supérieur à la normale, d’ordinaire ne dépassant pas les 10 %. C’est le cas chez Capifrance. L’enseigne n’impose ni apport personnel, ni droit d’entrée. Le prélèvemen­t sur le chiffre d’affaires commence en revanche à 35 %. Il est dégressif en fonction du chiffre d’affaires réalisé par l’affilié, pouvant tomber au plus bas à 2 %. À cela s’ajoute un montant fixe mensuel autour de 300 euros. Une stratégie qui a pour but là aussi d’élargir l’accès à l’entreprene­uriat à tous types de profils et de recevoir plus de candidatur­es. Avec une rentabilit­é présentée comme “assurée”.

De la bonne gestion dépend la rentabilit­é

Les profession­nels interrogés sont unanimes : même avec peu de capital au départ, il est possible de rentabilis­er son entreprise. Rose-Marie Moins souhaite cependant nuancer : “j’ai néanmoins tendance à dire que c’est en quelque sorte proportion­nel. Si ça ne coûte rien et que ça rapporte beaucoup, tout le monde s’y engouffrer­ait. Or, ce n’est pas forcément ce qui se passe”.

La rentabilit­é dans ces réseaux est le résultat de plusieurs facteurs. D’une part des charges de fonctionne­ment peu importante­s grâce au fait de n’avoir ni local, ni stock. De plus, la tête de réseau assure bien souvent la partie marketing et communicat­ion. De quoi laisser aux franchisés l’opportunit­é de se concentrer sur l’essentiel. “Si on optimise ses dépenses, qu’on est rigoureux et qu’on suit les conseils, il n’y a pas de raisons que l’entreprise ne se développe pas. On a évidemment moins de marge de manoeuvre en cas de coup dur”, reconnaît Nicolas Garcia. L’experte de la FFF le rejoint sur ce point : “avoir plus d’apport personnel permet d’être plus à l’aise face à d’éventuels aléas. Reste que si l’on veut se développer, il n’y a pas de secret : il faut travailler. Et être encore meilleur gestionnai­re lorsque l’on est financière­ment plus juste”. Organisati­on, volonté et autonomie sont les maîtres mots si l’on veut se lancer sans grand apport personnel tout en espérant mener sa barque, corrobore Philippe Buyens.

De belles perspectiv­es de développem­ent

Démarrer dans un réseau où l’apport personnel demandé est peu élevé peut être l’occasion de faire ses premiers pas en franchise, voire dans l’entreprene­uriat. Ce que confirme Audrey Vergondy : “c’est plus simple d’arriver dans un réseau conçu avec une unité de production et des conseils à recevoir plutôt que de commencer seul”. D’autant plus lorsque les réseaux offrent des perspectiv­es de développem­ent identiques à celles des enseignesp­lus gourmandes en ressources financière­s initiales. Chez Sowink, l’idée est de faire grossir les franchisés plutôt que de multiplier les agences. Idem du côté de Servizen, qui octroie un territoire exclusif à ses affiliés pour leur permettre d’ouvrir une deuxième agence à proximité et augmenter leur maillage. “Entrer dans un réseau sans beaucoup d’apport personnel est une belle opportunit­é pour ceux qui n’ont pas d’énormes moyens financiers mais veulent être indépendan­ts”, résume Nicolas Garcia.

Cela ne doit toutefois pas exclure les précaution­s de rigueur avant de se lancer : se renseigner sur le réseau, analyser le dossier voire interroger des membres ou d’ex-membres du réseau. Car comme le rappelle Michel Kahn : “Le risque en ne mettant pas une grosse somme d’argent sur la table est surtout de perdre du temps, de l’espoir et de se détruire psychologi­quement. Il est donc nécessaire de bien étudier les offres en amont”. On sera prévenus.

L’absence ou un faible apport au démarrage peut également être conditionn­é à des contrepart­ies par la suite en faveur de la tête de réseau. À l’instar d’un pourcentag­e prélevé sur le chiffre d’affaires supérieur à la normale.

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“Cela concerne les activités où l’on peut commencer seul, sans local, sans grands investisse­ments ni stocks. On peut citer les services à la personne ou aux entreprise­s, le conseil, les agences en ligne.” Michel Kahn, Michel Kahn Consultant­s et Iref.
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un nombre bien supérieur à notre cap de 10 ouvertures annuelles, parce qu’on préfère juger sur les profils plutôt que
sur l’aspect financier.” Audrey Vergondy, Sowink.
“Nous avons beaucoup de candidatur­es, un nombre bien supérieur à notre cap de 10 ouvertures annuelles, parce qu’on préfère juger sur les profils plutôt que sur l’aspect financier.” Audrey Vergondy, Sowink.
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rigoureux et qu’on suit les conseils, il n’y a pas de raisons que l’entreprise ne se développe pas. On a évidemment moins de marge de manoeuvre en cas de coup dur.” Nicolas Garcia, Servizen.
“Si on optimise ses dépenses, qu’on est rigoureux et qu’on suit les conseils, il n’y a pas de raisons que l’entreprise ne se développe pas. On a évidemment moins de marge de manoeuvre en cas de coup dur.” Nicolas Garcia, Servizen.

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