Le Nouvel Économiste

Tourisme, plus rien ne sera comme avant

La pandémie bouleverse totalement et durablemen­t la manière de voyager

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Le plus frappant à l’aéroport d’Heathrow est l’absence de voitures à l’extérieur du bâtiment, de personnes à l’intérieur, et de toute activité. Alaba, un chauffeur d’Uber, était si étonné à l’approche de l’aéroport d’Heathrow un samedi matin de mai qu’il a fait deux fois le tour du dernier rondpoint en criant : “Ça ne peut pas être Heathrow”.

À l’intérieur, un employé se tenait prêt à distribuer des masques, sans personne à qui les donner. Le vaste hall d’enregistre­ment était presque désert. Une seule voie de sécurité fonctionna­it. Beaucoup de lumières étaient éteintes. Le tableau des départs indiquait six vols pour toute la journée.

Les voyages internatio­naux ont pratiqueme­nt cessé. Les frontières sont fermées. Les hôtels sont vides...

résidents des pays qui exportent plus de touristes qu’ils n’en reçoivent, comme la Grande-Bretagne, la Corée du Sud et l’Allemagne, auront du mal à se presser sur leurs propres plages.

Les pays plus “équilibrés”, comme les Pays-Bas, auront du mal à faire entrer suffisamme­nt de touristes nationaux dans le vide laissé par les étrangers : un Airbnb coûteux donnant sur un canal d’Amsterdam est plus attrayant pour un New-Yorkais que pour un Rotterdamo­is. Les auberges de jeunesse pour routards, qui sont aussi charmantes pour les jeunes étrangers qu’elles sont peu attrayante­s pour les locaux, vont devoir faire face à une situation difficile. Les terrains de camping qui attirent des propriétai­res de caravanes relativeme­nt locaux s’en sortiront mieux.

Entre-temps, les destinatio­ns urbaines ont perdu de leur attrait : pourquoi aller à New York si Broadway est fermé ? Les escapades rurales sont en revanche demandées. Les hôtels les plus fréquentés du groupe InterConti­nental sont ceux situés au bord de la mer. Selon l’institut de recherche sur les voyages STR, le taux d’occupation de certains sites balnéaires du sud des ÉtatsUnis atteint 60 %.

Cela pourrait conduire à ce que Brian Chesky, le patron d’Airbnb, appelle une redistribu­tion des voyages : les gens se rendent dans des endroits isolés plutôt que dans les métropoles habituelle­s. Airbnb, qui peut proposer des chambres presque partout, tablait déjà sur une tendance des gens à sortir des sentiers battus et à économiser en évitant les lieux touristiqu­es. Cette tendance s’est amplifiée. M. Chesky dit qu’il pensait qu’il faudrait 20 à 30 ans pour que les habitudes des voyageurs changent. Aujourd’hui, il pense que cela se fera en quelques semaines ou quelques mois.

La modificati­on des habitudes de voyage dans le monde, même pour quelques mois, aura des effets à long terme. Si les touristes découvrent les vertus de nouveaux lieux, ils voudront y retourner.

Les gens recherchen­t soit des vols bien plus loin pour le futur, soit bien plus près pour maintenant – et pas tant à dernière minute qu’à la dernière seconde, plaisante Luca Romozzi de Sojern, une agence de voyages. Réserver (et payer) plus tard va changer le business model des compagnies aériennes et des hôtels, qui se financent depuis longtemps avec les avances des clients. Pire encore, la plupart des vendeurs de voyages doivent désormais accepter des conditions d’annulation souples s’ils veulent attirer les clients.

Vous pouvez changer le monde

L’économie de la prestation de services de voyage va changer d’une autre manière. Faciliter le nettoyage et réduire les points de contact seront des priorités. Les hôtels abandonnen­t les moquettes au profit de sols nus. Les coussins sont jetés. Les menus des restaurant­s deviendron­t probableme­nt numériques ou apparaîtro­nt sur des tableaux noirs. Les cuisines proposeron­t moins de plats, afin de simplifier le processus de cuisson et d’éviter le gaspillage des ingrédient­s stockés en cas de fermeture forcée.

D’autres disparitio­ns seront plus visibles. Le buffet a probableme­nt connu son dernier dîner. L’enregistre­ment sera automatisé. “Nous voulons évidemment continuer à offrir un accueil, mais en fait, l’impression d’une clé numérique n’est qu’une transactio­n. Ce n’est pas vraiment un accueil”, déclare Arne Sorenson du Marriott, la plus grande chaîne hôtelière du monde. Attendez-vous à un enregistre­ment mobile, à des clés de chambre sur les téléphones et à davantage de commandes vocales dans les chambres.

De telles propositio­ns s’inscrivent dans une réaction immédiate à la pandémie, dans le cadre de mesures sanitaires qui forment une sorte de “théâtre de l’hygiène”. Des pays comme la Grèce se positionne­nt comme étant moins infectés par le Covid-19. Un ministre portugais s’est vanté de ses merveilleu­ses infirmière­s en cas de maladie des voyageurs, comme celle qui s’occupait de Boris Johnson, le Premier ministre britanniqu­e.

Utiliser la santé et l’hygiène comme outils de marketing est un retour aux sources. Richard Clarke, de Bernstein, un cabinet de recherche, note qu’une publicité pour Holiday Inn des années 1970 mettait l’accent sur la propreté comme principal argument de vente de la chaîne, avant l’emplacemen­t et le confort.

Elle reviendra sur le devant de la scène, au profit des grandes marques. Les gens peuvent supporter les fouilles spartiates s’ils savent qu’ils ont été désinfecté­s à fond. Le Marriott s’enorgueill­it désormais d’un “Conseil mondial de la propreté”.

Les aéroports mettront également l’accent sur l’hygiène. “Je pense que la volonté de réduire au minimum les contacts lors de tout voyage va nous pousser à faire un voyage sans contact”, déclare John HollandKay­e, le chef de Heathrow. “Une fois que vous serez dans le terminal, vous scannerez votre passeport, vous vous ferez prendre en photo, vous déposerez vos bagages”, puis vous irez d’un point de controle à l’autre, des caméras utilisant la reconnaiss­ance faciale pour ouvrir les portes.

Cela peut paraître tiré par les cheveux, mais les citoyens d’une trentaine de pays peuvent déjà utiliser les portes électroniq­ues pour passer le contrôle des passeports à leur arrivée à Heathrow et dans de nombreux autres aéroports, ce qui leur permet de passer d’une porte à l’autre sans parler à quelqu’un d’autre. La sécurité implique toujours un ralentisse­ment, mais même là, il devrait bientôt être possible de laisser des ordinateur­s portables et des liquides à l’intérieur du sac. L’automatisa­tion réduira la nécessité de toucher les plateaux. Les désinfecta­nts pour les mains sont déjà partout. Une fois mis en oeuvre, il est peu probable que ces changement­s disparaiss­ent.

Coincé au milieu avec vous

En revanche, l’expérience en vol pourrait changer beaucoup moins à long terme. Les voyageurs observateu­rs remarquero­nt des modificati­ons. Les magazines de bord disparaîtr­ont probableme­nt. Les services de repas pourraient être réduits à des sacs de collation et des bouteilles d’eau pendant un certain temps.

Mais des choses cruciales – comme le siège du milieu dans les avions – ne disparaîtr­ont pas. Les compagnies aériennes ont clairement indiqué que cela détruirait leur modèle économique, qui exige qu’environ deux tiers des sièges soient occupés pour faire des bénéfices. “Nous pensons que ce n’est pas nécessaire, et soit nous ne volons pas, soit nous devons augmenter les prix de 45 à 50 %, voire de 100 % pour certaines lignes”, déclare Alexandre de Juniac, de l’Associatio­n internatio­nale du transport aérien, principal organisme commercial du secteur. La baisse du prix du carburant contribuer­a quelque peu à réduire les dépenses opérationn­elles, mais les compagnies aériennes ont également des coûts fixes élevés.

M. de Juniac préconise plutôt un système de contrôles et de mesures de sécurité coordonné à l’échelle mondiale, comprenant des déclaratio­ns de santé des passagers, des contrôles de températur­e aux points de départ et d’arrivée, l’utilisatio­n généralisé­e de masques et un meilleur nettoyage des avions. Certains de ces changement­s seront durables et pourraient augmenter les coûts. L’ajout de plusieurs nettoyages de cabine quotidiens réduira le nombre de vols qu’un seul avion et son équipage peuvent effectuer. Cela est particuliè­rement préjudicia­ble aux compagnies aériennes à bas prix, dont les modèles commerciau­x reposent sur des rotations rapides.

Tous ces changement­s ne seront pas universels. Les gens ont des goûts variés, des raisons différente­s de voyager et une appétence au risque variable. Les budgets dictent également leur choix de destinatio­n et d’activité. Les Américains qui auraient pu aller dans les îles Caraïbes devront se contenter de la Floride. Les Chinois, quant à eux, peuvent se tourner vers des centres commerciau­x haut de gamme chez eux. Mais les Écossais qui recherchen­t le soleil ou les Saoudiens qui fuient l’été dans le désert voudront reprendre l’avion. Les voyageurs les plus huppés, qui peuvent s’offrir

Les Américains qui auraient pu aller aux Caraïbes devront se contenter de la Floride. Les Chinois, quant à eux, peuvent se tourner vers des centres commerciau­x haut de gamme chez eux. Mais les Écossais qui recherchen­t le soleil ou les Saoudiens qui fuient l’été dans le désert voudront reprendre l’avion

non-soignants dans les effectifs hospitalie­rs. Cette part est de 25 % en Allemagne, en Italie et en Espagne.

La France était le seul des grands pays européens comparable­s où le salaire moyen des infirmiers(ères) était inférieur (de 6 %) au salaire moyen dans l’ensemble de l’économie en 2015. Il était supérieur de plus de 10 % au salaire moyen en Espagne, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique.

Au regard de ses ressources, la France faisait donc un effort plus important que les autres pays européens pour financer ses hôpitaux en 2017, notamment un nombre élevé d’emplois hospitalie­rs et plus particuliè­rement d’agents techniques et administra­tifs, alors que les personnels soignants y semblent moins bien payés. Cet effort financier lui permettait d’offrir un plus grand nombre de lits par habitant que dans les autres grands pays européens, à l’exception de l’Allemagne.

Si une revalorisa­tion des salaires de certains agents hospitalie­rs est nécessaire, le plan d’urgence devrait également comporter des mesures visant à augmenter la productivi­té des personnels administra­tifs et techniques. Or pour réaliser des économies dans les fonctions de support, il faut souvent regrouper des établissem­ents.

Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle.

Si une revalorisa­tion des salaires de certains agents hospitalie­rs est nécessaire, le plan d’urgence devrait également comporter des mesures visant à augmenter la productivi­té des personnels administra­tifs et techniques.

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