Formation continue, place aux certifications
Objectif : développer l’employabilité des salariés et augmenter la compétitivité des entreprises
Point majeur de la réforme : seules les formations certifiantes pourront être financées par le compte personnel de formation (CPF)
Depuis l’adoption de la loi “Avenir professionnel” du 5 septembre 2018, les formations continues doivent déboucher sur un diplôme ou une certification. L’objectif est de développer et adapter les compétences des actifs au nouveau marché du travail en constante évolution, mais aussi de faire de la formation un levier majeur de compétitivité et de transformation des entreprises. Une réforme ambitieuse, favorable aux salariés comme aux entreprises, mais qui peine à se concrétiser en raison d’obstacles culturels et économiques.
Apprendre, apprendre, toujours apprendre”, conseillait Lénine. C’est également la volonté de la loi Avenir professionnel du 5 septembre 2018 : “permettre à tous les actifs de se former de façon autonome et de décider de l’orientation de leur vie professionnelle, tout au long de leur carrière”, pour reprendre les termes du ministère du Travail. Dit autrement, les actifs deviendront acteurs de leur destin professionnel. Parmi les nombreux points inclus dans la loi figure l’obligation pour les formations continues de déboucher sur un diplôme ou une certification. Un défi dans un pays où c’était loin d’être la règle jusqu’à présent. Une nécessité dans un
Un nouvel élan pour les collaborateurs
monde où les métiers et compétences demandés changent de manière accélérée.
Désormais, les personnes auront accès, aux côtés des diplômes d’État, à deux grandes catégories de certifications établies et actualisées par France compétences : les certifications professionnelles, enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) permettant une validation des compétences et des connaissances acquises nécessaires à l’exercice d’activités professionnelles, et les certifications et habilitations enregistrées au répertoire spécifique (RS), complémentaires aux certifications professionnelles. Autre point majeur de la réforme : seules les formations certifiantes pourront être financées par le compte personnel de formation (CPF). Une manière d’inciter les salariés à choisir ces formations. Une réforme saluée par les organismes de formation (OF) publics comme privés. “La loi Avenir professionnel donne un nouvel élan à la formation continue et a le mérite de relancer tous les modèles de formation, hors formations initiales”, estime Laurent Prével, directeur de l’école d’ingénieurs informatiques Ensiie.
“La formation continue certifiante est une réelle réussite du gouvernement : cela permet aux personnes de procéder à une mise à jour de leurs compétences”, commente Benoît Jaffeux, Pdg de la start-up Neobridge, spécialisée dans les formations linguistiques et digitales. “Tout ce qui contribue à la formation tout au long de la vie est primordial. Le salarié doit témoigner d’une capacité à apprendre et à développer ses compétences. La loi Avenir professionnel renforce cet intérêt à faire de l’apprentissage tout au long de la vie”, juge
le professeur Bertrand Moingeon, DGA Executive Education et Corporate Initiatives de l’ESCP Business School.
Des formations certifiantes perçues comme un gage de qualité.
“Ces dernières ont désormais une valeur au niveau national ; les stagiaires qui les auront suivies pourront l’indiquer sur leur CV”, note Aurélie Bligoux, responsable projets, direction de la coordination des opérations du pôle formation de Lefebvre-Sarrut. “De même que la formation initiale, la formation continue donne des informations aux recruteurs”, indique le Pr. Moingeon. Signe des temps, certaines annonces d’emploi demandent aux candidats de justifier d’une certification de leurs compétences. Une qualité qui devra s’étendre également aux prestataires de formation qui, à compter du 1er janvier 2021, devront être certifiés “Qualiopi”.
Un levier de compétitivité
Pour les entreprises, le but des formations certifiantes est de constituer un levier de compétitivité dans un monde loin d’être immuable. “Faites de la formation certifiante et diplômante un outil de fidélisation et de renforcement des compétences, mais surtout pensez à l’intégrer à la gestion des carrières, afin d’en tirer un vrai bénéfice. C’est un bon investissement”, recommande Bertrand Moingeon. “Les formations certifi ou diplômantes sont une manière pour les entreprises de développer leur marque employeur et d’attirer les talents, car elles démontrent ainsi leur volonté de gérer le parcours professionnel de leurs salariés”, renchérit Aurélie Bligoux, qui ajoute : “les entreprises peuvent financer ces formations par le biais de leur plan de développement des compétences ou en abondant, si elles le souhaitent, le CPF de leurs collaborateurs”. Parfois, une formation certifiante s’impose. “Certaines entreprises nous consultent pour des formations diplômantes afin de pouvoir répondre à des appels d’offres internationaux qui doivent être portés par une personne ayant un diplôme d’ingénieur. Dans ce cas, la formation diplômante a un double intérêt : pour l’entreprise et pour le salarié” note Armel Guillet, directeur dcu Cnam Entreprises. “La formation continue repose sur un accord entre l’entreprise et le salarié, qui sont tous les deux gagnants : le salarié peut ainsi compléter son bagage professionnel et l’entreprise dispose d’un niveau de qualification supérieure. Pour l’entreprise, c’est un gage de confiance supplémentaire et cela lui permet d’apporter un plus à la carrière de ses salariés”, résume le directeur de l’Ensiie.
Le diplôme ou la certification ne suffisent pas toujours à l’employabilité d’un actif. “Il arrive que certains diplômes ne répondent pas aux qualités demandées sur le marché du travail. En outre, certaines formations ne préparent pas forcément à un métier. Il est donc essentiel d’ajuster la formation et de la faire évoluer”, estime le directeur de Cnam Entreprises.
Une lente mise en oeuvre
La mise en place de ces formations s’effectue avec lenteur. Elles sont onéreuses pour les sociétés, qui ont le plus souvent un budget formation limité, comme pour les salariés, dont le compte personnel de formation (CPF) ne permet pas encore de financer des formations longues. En outre, les entreprises n’ont pas forcément envie d’y recourir, par peur de voir leurs collaborateurs les quitter pour d’autres horizons ou pour des raisons de productivité. “La loi Avenir professionnel est paradoxale : elle vise à promouvoir les formations certifiantes, mais celles-ci sont longues et posent le problème de l’absence du salarié en formation, et donc de la productivité de l’entreprise. Cela montre les limites de la loi ; il est donc important de réfléchir au coût et à l’investissement pour l’entreprise”, souligne Armel Guillet.
Sensible à cet argument, la loi permet que les certifications soient constituées de blocs de compétence. “La réforme oblige les établissements à développer pour leurs diplômes une approche par compétences et blocs de compétences. Les formations certifiantes construites sur ces blocs permettent de mieux répondre au marché du travail. Les entreprises, toujours en recherche de compétences, font plus naturellement la liaison entre les compétences recherchées et les formations qui les y préparent”, fait valoir François Velu, directeur formation continue de l’Université de technologie de Compiègne (UTC), qui poursuit : “l’UTC travaille actuellement sur l’élaboration de certificats fondés sur des formations de courtes durées – entre 1 et 5 jours – en vue de les déposer au RS. Ces certificats seront ensuite consolidés en titres et déposés au RNCP. Un salarié pourra ainsi construire son parcours diplômant dans le temps en capitalisant, certificat après certificat.”
“Ces blocs de compétences doivent être intéressants et perçus comme un certificat à part entière, ce qui n’est pas encore le cas”, tempère Armel Guillet. “Le diplôme en formation continue est une composante importante du retour à l’emploi, mais ce retour repose sur plusieurs autres facteurs, tels que la réputation de l’établissement de formation ou encore la valeur ajoutée des formations proposées et le niveau d’expertise de ses intervenants”, concède François Velu.
D’autres solutions existent pour avoir accès à ces formations. C’est le cas de la validation des acquis de l’expérience (VAE) ou de l’alternance. “L’alternance a un impact très positif sur l’employabilité des personnes suivant une formation continue : très souvent, elles seront recrutées par les entreprises où elles auront effectué leur alternance”, fait remarquer François Velu. Et Laurent Prével de noter : “la campagne de recrutement de l’Ensiie cette année a montré que davantage de salariés mais aussi d’entreprises étaient intéressés par l’alternance que l’an passé”. “En simplifiant l’accès aux formations, en développant l’alternance, en remobilisant les financements de la formation continue sur les formations concourant à l’obtention d’un diplôme ou d’une certification professionnelle, l’État crée des conditions favorables à la formation des individus tout au long de leur vie professionnelle et à leur employabilité”, résume François Velu. Une analyse partagée par d’autres experts, mais qui risque de tarder à se mettre en place dans le contexte actuel. “La réforme de la formation professionnelle est ambitieuse, mais elle prendra du temps avant de porter ses fruits”, confirme Armel Guillet.
Signe des temps, certaines annonces d’emploi demandent aux candidats de justifier d’une certification de leurs compétences