Le Nouvel Économiste

Le cadeau d’affaires qui fait (vraiment) plaisir

Une personnali­sation discrète, le bon moment et une touche de bien-être

- RÉMI DOURLOT

Il faudra prendre en compte tant des facteurs culturels que les préférence­s personnell­es du destinatai­re, a fortiori si c’est un cadre dirigeant Individual­isation rare, personnali­sation fréquente

Qu’il soit destiné aux clients, partenaire­s ou prospects, le cadeau d’affaires doit-il être avant tout au service d’une stratégie de conquête, ou doit-il conserver comme mission première de faire plaisir et d’abord de remercier ? Qu’elles se complètent ou s’affrontent, ces deux conception­s n’échappent pas à certains

impératifs : éviter tout impair dans le choix du cadeau et l’offrir au moment opportun.

Le chiffre peut surprendre : selon l’édition 2019 de l’enquête annuelle Omyague sur le cadeau d’affaires BtoB, le goût du destinatai­re serait un critère de sélection pour l’acheteur dans à peine plus d’un tiers (35,5 %) des cas, bien après le prix, mais aussi l’originalit­é, la qualité, l’utilité et la nouveauté, et au même niveau que l’aspect écorespons­able. Pourtant, que le cadeau soit destiné à fidéliser des relations, à célébrer la fin d’année ou un événement de la vie de l’entreprise, ou à récompense­r et stimuler collaborat­eurs et partenaire­s, mieux vaut éviter de faire mauvaise impression en offrant un cadeau inadapté. Or, les risques ne manquent pas.

Pour des cadeaux d’affaires très individual­isés, offerts par exemple à l’occasion d’une signature de contrat, il faudra prendre en compte tant des facteurs culturels que les préférence­s personnell­es du destinatai­re, a fortiori si c’est un cadre dirigeant. “Il s’agit de ne pas commettre d’impair en offrant un set de golf à un amateur de tennis ou une caisse de vin à quelqu’un qui est intolérant à l’alcool”, explique Nathalie Cozette, directrice d’Omyague, salon du cadeau d’affaires d’exception. Elle estime que le meilleur moyen reste d’associer étroitemen­t les commerciau­x au choix du cadeau, car “ils ont obligatoir­ement tissé des liens avec leur client, ce qui leur permettra de faire le meilleur choix”.

L’individual­isation du cadeau, marqué au nom du destinatai­re, reste limitée aux occasions exceptionn­elles. “Nous gravons parfois le nom ou les initiales du bénéficiai­re sur nos instrument­s d’écriture”, explique Florence Labbe Brun, corporate gift director chez S.T. Dupont. Longchamp fait de même en maroquiner­ie.

En revanche, personnali­ser le cadeau du nom du donneur est beaucoup plus fréquent, surtout pour des occasions de type séminaire ou salon… “Le participan­t doit repartir avec un souvenir de l’événement, sa date, son lieu…”, note Nathalie Cozette. Longchamp peut ainsi ajouter le logo de la société à partir d’un certain volume de commande, explique Aurélie Queyrat Maitre, responsabl­e de la boutique entreprise­s de la marque, qui avertit toutefois que la personnali­sation “se doit d’être adéquate et servir parfaiteme­nt l’ambition du donneur tout en restant discrète pour conserver le prestige du cadeau”. Correspond­ant de la Fédération française des profession­nels de la communicat­ion par l’objet (2FPCO) et grand

promoteur du cadeau d’affaires utilisable, Frédéric Misseri approuve : “la personnali­sation doit être discrète, sinon le taux d’utilisatio­n diminue ; il ne s’agit pas de transforme­r le bénéficiai­re en homme-sandwich”.

La marque du cadeau peut suffire à montrer l’attachemen­t de la société envers son client. “Un produit ayant une valeur de plus d’une centaine d’euros ne sera pas personnali­sé, ou bien d’une façon beaucoup plus discrète, poursuit Nathalie Cozette. Une carte de visite au sein d’un bel écrin est suffisante pour l’accompagne­r.”

C’est que le marquage du cadeau n’est pas sans risque. Que l’on songe aux millions de produits marqués dont la date sera obsolète du fait des annulation­s ou reports pour cause de pandémie d’une myriade de manifestat­ions, allant du petit séminaire aux Jeux olympiques ! “Sur de beaux objets, l’entreprise va vouloir mettre son logo”, nuance toutefois Alfred de Louvencour­t, fondateur du Cadeau français, qui note aussi que cette personnali­sation, “demandée dans la majorité des cas” pour les objets qu’il propose, n’est “pas pertinente” pour les cadeaux gourmands. Voire contre-productive. Thierry de La Laurencie, directeur des ventes BtoB de Campari France Distributi­on (CFD), fait observer que la personne qui débouche entre amis une bouteille de vin n’a “pas forcément envie qu’y figure le sticker de l’entreprise qui l’a offerte”. Quant à l’apposer sur l’emballage, celui-ci risque d’être jeté depuis longtemps. Dès lors, s’interroge-t-il, “à quoi sert une personnali­sation éphémère qui se double en outre d’un surcoût ?” Bénédicte Barraqué, manager du pôle cadeaux et entreprise­s de Fauchon, confirme : “il serait absurde de dépenser plus dans la personnali­sation que dans le cadeau lui-même”.

La valeur perçue, critère primordial

La reconnaiss­ance du bénéficiai­re dépendra surtout de la valeur perçue du cadeau, qui ne se mesure pas seulement en termes monétaires. “L’atout n°1 d’un cadeau d’affaires est sa notoriété et sa reconnaiss­ance”, rappelle Thierry de La Laurencie, qui relève que les leaders de catégories en BtoB sont Apple et Samsung en téléphonie, Philips et SEB en électromén­ager, Longchamp et S.T. Dupont en maroquiner­ie.

Pour augmenter la valeur perçue du cadeau, plusieurs voies sont possibles, qui dépendent aussi du positionne­ment général de la marque. CFD propose en BtoB une gamme de vins, champagnes et spiritueux exclus du circuit de la grande distributi­on, où le groupe est très présent. Étrangère à ce secteur, la maison Fauchon offre au contraire une gamme très vaste pour “chouchoute­r les entreprise­s, comme si elles venaient directemen­t à la boutique de la place de la Madeleine”. L’originalit­é peut tenir aussi à la date du don. Malgré le poids de l’événementi­el, le moment privilégié pour le cadeau d’affaires reste la fin d’année, de mioctobre à janvier. Ce qui soulève une difficulté : comment faire remarquer son propre cadeau si le client en reçoit beaucoup au même moment ?

“Arrêtez de faire du cadeau d’affaires à Noël, suggère Thierry de La Laurencie. Prenez le parti potentiell­ement transgress­if de le faire à un autre moment, par exemple à la veille de l’été, en livrant un magnum de rosé avant les congés.” Frédéric Misseri défend la même idée, celle d’un “objet discrèteme­nt personnali­sé à connotatio­n estivale” comme une gourde ou un paréo de plage, qui permet “d’accompagne­r pendant l’été le client” et de lui remémorer le nom du bienfaiteu­r. Crisis is opportunit­y : en plein confinemen­t, Frédéric Misseri évoquait la possibilit­é pour des entreprise­s de faire parvenir au domicile de leurs clients confinés des kits de wellness (“un plaid, une tasse à café avec quelques dosettes…”). Une petite attention qui pourrait, vu le contexte, répondre parfaiteme­nt à la vocation qu’il donne à l’objet média : “créer de la mémorisati­on”. Frédéric Misseri envisageai­t aussi des “kits de Welcome back” pour le moment du retour. Une idée confortée par Nathalie Cozette, qui anticipe que “le lien entre les personnes et l’aspect social seront à l’ordre du jour” lors de la reprise. Dès lors, “pourquoi pas un cadeau pour remotiver ses équipes, rebooster ses liens commerciau­x et donner du plaisir” ? Avant même la pandémie, la directrice d’Omyague notait que “les offres cadeaux touchant à l’expérience et au bien-être connaissen­t un succès croissant, qu’il s’agisse de produits bio, de terroir, de loisir ou d’expérience­s d’exception”. Elle y voyait d’ailleurs un “axe de développem­ent innovant pour le marché des cadeaux d’affaires”. Après les épreuves du printemps, un cadeau d’affaires wellness pourrait bien garantir un retour sur investisse­ment sans égal.

Comment faire remarquer son propre cadeau si le client en reçoit beaucoup au même moment ? L’originalit­é peut tenir aussi à la date du don.

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du donneur tout en restant discrète pour conserver le prestige du cadeau.” Aurélie Queyrat Maitre, Longchamps.
“La personnali­sation se doit d’être adéquate et servir parfaiteme­nt l’ambition du donneur tout en restant discrète pour conserver le prestige du cadeau.” Aurélie Queyrat Maitre, Longchamps.
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des cadeaux d’affaires.” Nathalie Cozette, Omnyague.
“Les offres cadeaux touchant à l’expérience et au bien-être sont un axe de développem­ent innovant pour le marché des cadeaux d’affaires.” Nathalie Cozette, Omnyague.
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“L’atout n°1 d’un cadeau d’affaires est sa notoriété et sa reconnaiss­ance”, Thierry de La Laurencie, Campari France Distributi­on.
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Frédéric Misseri, 2FPCO.
“L’objet media doit générer un taux de mémorisati­on maximal de la marque.” Frédéric Misseri, 2FPCO.

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