Le Nouvel Économiste

EN V, EN U, OU EN L ?

La forme de la reprise n’est pas une donnée, c’est une décision gouverneme­ntale

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Où en est le Royaume-Uni dans la gestion de l’impact économique du Covid-19 ? Cette semaine, Andy Haldane, économiste en chef de la Banque d’Angleterre, a donné une réponse fascinante à cette question: “Il y a un débat sur la lettre de l’alphabet qui décrit le mieux la trajectoir­e de l’économie, avec un certain scepticism­e quant à la trajectoir­e en forme de V (...) dans le rapport de mai sur la politique monétaire de la Banque. Il est encore trop tôt, mais pour l’instant, ma lecture des données penche pour le V.”

J’étais parmi ces sceptiques. Examinons donc ce que dit M. Haldane. Il divise l’impact de Covid-19 en quatre quartiers métaphoriq­ues. Le premier est l’impact initial du virus ; le deuxième est la reprise à court terme ; le troisième consiste en des effets induits sur les dépenses et l’emploi ; et le quatrième est l’impact à plus long terme. Le résumé du premier trimestre est clair: “Par rapport au quatrième trimestre de 2019, le produit intérieur brut du Royaume-Uni a chuté d’environ 25 % au cours des quatre premiers mois de cette année. La chute du PIB mondial pondéré du Royaume-Uni a probableme­nt été tout aussi spectacula­ire”. Il s’agira des plus fortes baisses du PIB sur quatre mois jamais enregistré­es, au Royaume-Uni et dans le monde.

Nous en sommes donc maintenant au deuxième trimestre : la reprise. Les indicateur­s à court terme suggèrent que la reprise des économies britanniqu­e et mondiale est arrivée plus tôt et a même été beaucoup plus rapide que dans le scénario de mai de la Banque d’Angleterre (BoE) – “en effet, plus tôt et plus rapidement que ne l’avaient prévu les principaux prévisionn­istes macroécono­miques”. La modélisati­on de la BoE suggère que la production mondiale pourrait avoir été inférieure de 15 points de pourcentag­e au deuxième trimestre par rapport au début de l’année, contre une prévision de baisse de 26 % dans le rapport de mai. De même, le PIB du Royaume-Uni pourrait n’avoir baissé “que” de 20 % au deuxième trimestre, soit 7 points de pourcentag­e de moins que dans le scénario de mai.

Que va-t-il donc se passer sur le reste de l’année, au “troisième trimestre”?

Un point de vue optimiste considérer­ait qu’il reste une importante demande refoulée. Il pourrait donc y avoir une forte hausse des dépenses. Si cela rend les entreprise­s plus confiantes, elles pourraient employer plus de personnes que prévu. Cela rendrait plus optimistes les personnes actuelleme­nt en congé et au chômage, ce qui créerait un retour d’informatio­n positif sur les dépenses et l’économie.

Un point de vue pessimiste avancerait qu’une proportion importante de la population, en particulie­r les personnes âgées, ne va pas dépenser comme d’habitude. Les entreprise­s seront donc plus prudentes en matière d’expansion. Avec un tel retour d’informatio­n négatif, la reprise disparaît avant même d’avoir commencé.

Dans le “quatrième trimestre” de M. Haldane, ni l’avenir immédiat, ni ce qui se passera en 2021 et après ne sont précisés.

La première priorité d’une reprise doit être d’éviter une résurgence de la maladie. Un autre blocage généralisé serait une catastroph­e. Pourtant, même un confinemen­t local important pourrait être très dommageabl­e pour la confiance.

La deuxième priorité doit être d’éviter de laisser les espoirs d’une forte reprise détourner l’attention des risques de baisse. Le chancelier de l’Échiquier, Rishi Sunak, ne doit pas laisser des restrictio­ns budgétaire­s prématurée­s affaiblir la reprise. Au contraire, il doit transforme­r son train de mesures, en particulie­r le régime des congés, en programmes de promotion de l’emploi. La dernière priorité doit être de passer de la reprise à une expansion à long terme, comme l’a déclaré cette semaine le Premier ministre Boris Johnson. Il faut profiter de l’occasion unique que représente­nt les taux d’intérêt réels négatifs à long terme pour accroître les investisse­ments. La question est plutôt de savoir si ce programme et les annonces ultérieure­s de M. Sunak et d’autres ministres constituer­ont un programme réalisable pour une prospérité largement partagée.

Si un risque sérieux d’inflation devait apparaître, ce qui est possible étant donné l’ampleur de l’expansion monétaire, la Banque d’Angleterre devra agir. C’est son travail. Mais étant donné les taux d’intérêt réels à long terme négatifs actuels, le gouverneme­nt peut se permettre d’emprunter à très grande échelle et il doit le faire. L’austérité qui a sapé l’économie il y a dix ans ne doit pas se répéter.

Le Brexit rendra la réussite économique beaucoup plus difficile. Mais il y a aussi des possibilit­és à exploiter. Le passage remarquabl­ement rapide au travail en ligne constitue non seulement un énorme potentiel d’améliorati­on de la productivi­té, mais aussi du travail à distance, bien que certaines de ces possibilit­és s’adressent aux personnes travaillan­t à l’étranger.

La première étape de la dépression Covid-19 est terminée. La rapidité de la reprise a surpris jusqu’à présent. Mais de nombreuses incertitud­es subsistent. N’acceptez pas de Brexit “no deal”; ne réduisez pas vos effectifs trop rapidement ; investisse­z dans l’avenir; et profitez des nouvelles opportunit­és. Telles doivent maintenant être les idées directrice­s.

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 ??  ?? “Il y a un débat sur la lettre de l’alphabet qui décrit le mieux la trajectoir­e de l’économie (…) Il est encore trop tôt, mais pour l’instant, ma lecture des données penche pour le V.”
Andy Haldane, économiste en chef de la Banque d’Angleterre
“Il y a un débat sur la lettre de l’alphabet qui décrit le mieux la trajectoir­e de l’économie (…) Il est encore trop tôt, mais pour l’instant, ma lecture des données penche pour le V.” Andy Haldane, économiste en chef de la Banque d’Angleterre

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