Les musées cherchent la sortie de crise
Des usages numériques aux nouveaux modes de financement, le Covid aura été un puissant moteur d’innovation
L’impact du Covid a été marqué pour les musées et lieux d’exposition, obligés de fermer durant près de 3 mois, puis et de réguler, depuis leur réouverture, le nombre de leurs visiteurs. Prisé des touristes étrangers, le musée du Louvre a reçu environ 550 000 visiteurs en juillet et août 2020, soit une baisse de 75 % par rapport à 2019 pour le premier mois, et de 60 % pour le second mois. Même constat pour le centre Pompidou qui estime ses pertes financières à plus de 12 millions d’euros, incluant la baisse des recettes liées aux privatisations, mécénat et ventes de produits. “Elles sont compensées en partie par l’aide reçue de la part du gouvernement et pour l’heure, sur l’année 2020, par les économies que l’on a pu réaliser, la plupart mécaniquement induites par le report des expositions et événements. Mais le déficit restera important”, souligne le centre culturel.
L’art plus accessible en ligne
Mais dans la foulée, la crise sanitaire a accéléré l’investissement numérique. “Elle a confirmé des tendances existantes, avec la formidable audience des contenus vidéos sur les sites et les réseaux sociaux des musées. Des nouveautés sont apparues comme les visites virtuelles en 3D des expos permanentes et temporaires, et l’utilisation de la vidéo en live pour créer un événement, développer la spontanéité et, du même coup, désacraliser l’institution. Dans ce cas, le contenu était réalisé très simplement dans l’esprit ‘do it yourself’ ”, observe Pierre Lochon, fondateur- coordinateur du Club Innovation & Culture France, qui réunit les lieux de culture sensibilisés aux nouvelles technologies. Le Musée Jacquemart a par exemple fait intervenir des artistes et invité des navigateurs comme Isabelle Autissier et Titouan Lamazou pour créer un voyage autour de son exposition ‘Turner intime’, en attendant la réouverture au public le 26 mai. Universcience (la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte) a étoffé son offre en ligne avec une série sur les data sciences, ou des propositions inédites comme le programme “La science est là” pour apprendre de façon ludique.
Une politique culturelle plus engagée
Reste la question épineuse du financement. Les recettes ont chuté avec la fermeture des lieux et les règles sanitaires de l’après-confinement imposent une limitation du nombre de visiteurs au mètre carré. Universcience, qui veut développer des jumeaux numériques de ses expositions, réfléchit aux moyens de monétiser ses contenus virtuels entièrement gratuits pour l’instant.“L’époque nous invite à une fréquentation plus raisonnée et au développement de ressources propres”, observe Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou qui cherche à réinventer le mécénat. “Comment le transformer en une nouvelle relation avec les entreprises, afin qu’elle débouche sur des engagements partagés autour de thématiques fortes ? Une contrepartie au mécénat pourrait consister à proposer aux salariés d’avoir un contact direct avec les oeuvres et les artistes au sein même de l’entreprise.”
L’heure est à la réflexion. “La science n’a jamais été aussi centrale dans nos sociétés. La crise a validé l’intérêt et l’urgence des grandes thématiques sur lesquelles nos établissements se développent, comme l’innovation, la durabilité, le développement de l’esprit critique”, se réjouit Bruno Maquart, président d’Universcience. Le Centre Pompidou veut quant à lui mettre en relief ses engagements. “Avec notre programme d’expositions, de rencontres, de théâtre, nous parlerons du monde d’après, d’écologie, de développement durable, de discrimination, de genre, ajoute Serge Lasvignes. Et nous mettrons aussi en évidence les préoccupations spécifiques du Centre, c’est-à-dire la lutte contre l’enfermement des disciplines.”