De patrimoine plus que d’usage
Même s’il ne faut pas espérer vivre dans son propre logement d’une résidence services, la niche fiscale ne fait pas tout
Les dispositifs de défiscalisation ne concernent pas tous les types de résidence services. Le plus adapté et le plus mis en avant auprès du prospect friand de réduction d’impôt à court terme, le CensiBouvard ne concerne plus depuis 2017 les résidences de tourisme
Avec des taux servis longtemps proches de 5 %, les résidences services, tous types confondus, sont présentées aux investisseurs potentiels comme un placement rentable, fiscalement attractif, confortable
– un gérant s’occupe de tout et verse un loyer régulier aux investisseurs – et sûr, du fait de marchés porteurs : le tourisme, le vieillissement, le nombre toujours croissant d’étudiants. Malgré la crise, tout cela reste dans l’ensemble vrai, à condition de respecter un minimum de précautions et de faire preuve de bon sens dans le choix de ce qui reste un investissement immobilier.
Les professionnels de l’immobilier ne manquent pas de le rappeler : les Français ont horreur de l’impôt. C’est donc souvent la défiscalisation qui est mise en avant pour appâter l’investisseur potentiel en résidences services. Mais attention : si la fiscalité de l’investissement dans ce type de logement peut être avantageuse, il faut d’abord qu’une résidence remplisse certains critères permettant à l’administration de la reconnaître comme résidence services : une gestion par un exploitant unique et la fourniture à la clientèle de trois des quatre prestations d’accueil, de petit-déjeuner, de fourniture du linge de maison et de ménage. Certains types de résidence services présentent aussi des contraintes spécifiques. Du fait de la fragilité de leurs résidents, les Ehpad doivent obtenir un agrément préfectoral et la construction de nouveaux établissements est soumise à un “numerus clausus” du fait des implications pour le budget de la sécurité sociale. Une “résidence de tourisme” doit être classée comme telle par Atout France. Une résidence étudiante doit compter au moins 70 % d’étudiants durant une partie de l’année. En outre, tous les types de résidence services ne sont pas concernés par les dispositifs de défiscalisation. Le plus adapté et le plus mis en avant auprès du prospect friand de réduction d’impôt à court terme, le Censi-Bouvard, ne s’adresse plus depuis 2017 aux résidences de tourisme. De plus, Pierre Errera, directeur général d’Ehpad-Invest, ne voit “pas l’intérêt” du Censi-Bouvard dans son domaine, ajoutant que “très peu d’Ehpad y sont éligibles”. Quant au Pinel, il est difficilement applicable et peu utilisé (voir encadré).
En réalité, “la grande majorité des investissements se fait sous le régime de la location meublée ‘classique’, avec le mécanisme de l’amortissement, qui permet de neutraliser la fiscalité sur les loyers perçus et ainsi de générer des revenus complémentaires peu ou pas imposables”, commente Julien Bey, directeur général chez Domitys Invest. “La plupart des épargnants arrivent très motivés par la défiscalisation, mais quand on met les choses à plat avec des études personnalisées, celle-ci n’apparaît pas toujours comme la meilleure solution.”
Peu de chances d’occuper votre propre bien
Le particulier pourra-t-il utiliser le logement acquis en résidence services pour lui-même ou ses proches? Réponse variable et souvent incertaine. Les résidences de tourisme offrent en général cette possibilité – avec des limites imposées par le fisc, notamment quant à la durée de séjour et au loyer. En Ehpad, n’y comptez pas. Quant aux résidences seniors, la réponse semble variable. “Dans les premières résidences, il y avait des propriétaires résidents. Mais on ne le fait plus”, explique Damien Odin, directeur marketing de Vinci Immobilier Résidences gérées, propriétaire des résidences seniors Ovelia. “Domitys et la plupart des acteurs donnent aux investisseurs un droit d’occupation prioritaire pour eux et leurs proches sur l’ensemble du parc de la marque”, nuance toutefois Julien Bey.
En fait, “il est très difficile de combiner les avantages de l’investissement patrimonial et les conditions d’usage pour en profiter soi-même”, note Julien Bey, pour qui “acheter dans ce genre de résidences services est beaucoup plus proche de l’investissement financier”. Surtout, ajoute Olivier Trit, secrétaire général de Consultim, que “l’investissement n’est pas fait pour cela : il faut laisser l’exploitant gérer”, c’est-à-dire notamment trouver des locataires, même si, “pour des raisons de marketing”, l’exploitant peut offrir à l’investisseur une forme de “droit de priorité” sur la location d’un logement dans une résidence seniors du groupe chez lequel il possède un bien. Un “coupefile” pas négligeable sur un marché où la demande de logements excède nettement l’offre et où il existe souvent des listes d’attente. Il y a donc très peu de seniors propriétaires de leur propre logement en résidence – environ 3 % chez Domitys. Les autres y sont locataires, quitte à être propriétaires d’un logement ailleurs.
Les mêmes exigences que tout investissement immobilier
Même si votre investissement n’a pas vocation à vous abriter un jour, n’oubliez pas qu’il agit d’un achat immobilier et qu’il faut donc se préoccuper de sa valeur dans la durée. Outre une bonne gestion par l’exploitant, la résidence doit donc satisfaire aux exigences d’attractivité de tout investissement immobilier : qualité du bâti, mais aussi bonne situation – quartier attractif, proximité des commerces… Une résidence étudiante devra se situer dans une grande ville universitaire et proche des lieux d’enseignement ou de vie favoris des jeunes. L’attractivité s’applique tout autant pour un logement en Ehpad, même si les résidents ne sont souvent plus en état de profiter d’éventuels attraits extérieurs et aspirent surtout à un environnement calme.
“Plutôt le Val-de-Marne que l’Aveyron”, lance Pierre Errera, qui se place dans une perspective de revente du logement, le premier pouvant allier le calme rural de la Brie et la proximité – et la valeur foncière – de l’agglomération parisienne. Sous réserve, comme dit Pierre Errera à propos des Ehpad, de “ne pas regarder seulement la réduction d’impôts et de ne pas se laisser endormir par un avantage fiscal immédiat”, de négocier les prix, notamment dans le neuf, et de “regarder tous les points importants”, l’investissement en résidence “n’a pas de raison de n’être pas rentable”.