Le Nouvel Économiste

LE JUGE BREYER SE CONFIE AU NOUVEL ECONOMISTE

Au moment où la Cour suprême est au centre de l’actualité américaine, un entretien exclusif avec l’un de ses plus anciens membres, le juge Stephen Breyer

- INTERVIEW RÉALISÉE PAR ANNE TOULOUSE

L’entretien avec le juge Breyer, que vous pouvez lire ci-dessous, aurait dû être publié dans deux semaines, lorsque s’ouvrira la prochaine session de la Cour suprême des États-Unis. Mais entre-temps est intervenu un séisme politique : la mort de Ruth Bader Ginsburg, l’une des neuf membres de la Cour. Oui, un séisme, car si on mesure mal l’importance de la Cour à l’extérieur des États- Unis, les Américains savent qu’elle gouverne leur quotidien. Toutes les grandes décisions qui affectent la société sont passées par elle : la fin de la ségrégatio­n, la répartitio­n du pouvoir entre l’État fédéral et les États, entre l’exécutif et le législatif, le mariage homosexuel, l’avortement etc. De manière plus anecdotiqu­e, elle a décidé du résultat de l’élection présidenti­elle de l’an 2000, en statuant que la méthode de décompte des voix favorable à George W. Bush était la plus constituti­onnelle. Car les juges, nommés à vie et choisis parmi les plus éminents magistrats du pays, sont les gardiens de la Constituti­on, un texte aussi vieux que le pays lui-même, et qui n’avait pas idée d’une grande partie des problèmes qui arrivent aujourd’hui devant la Cour. Les juges peuvent faire et défaire les décisions de l’exécutif et du législatif, et ils ne s’en privent pas. La Cour a annulé une partie des lois du New Deal de Franklin Roosevelt, et Donald Trump y a également expériment­é les limites de son pouvoir. Il y a aussi puisé une partie de sa victoire lors de l’élection de 2016, en promettant de choisir les nomination­s qu’il aurait à effectuer parmi une liste de 100 juges à l’impeccable pedigree conservate­ur, une promesse qu’il a eu l’occasion de remplir à deux reprises. Aujourd’hui, la mort de Ruth Bader Ginsburg est survenue au moment le plus dramatique, à 46 jours d’une élection tendue et à moins de 4 mois du moment où s’installera un nouveau Sénat. Techniquem­ent, Donald Trump peut, comme il l’a promis, faire passer en force une nomination, même s’il n’est pas réélu, mais ce sera un combat de titans. C’est la chambre haute qui ratifie le choix d’un juge par le président, c’est donc un énorme enjeu électoral, à la fois pour les élections présidenti­elles et sénatorial­es, qui va galvaniser deux blocs décisifs : les chrétiens conservate­urs dans le camp républicai­n et l’aile gauche des démocrates.

Même à une époque plus sereine, le remplaceme­nt de Ruth Bader Ginsburg aurait été hautement symbolique. Elle n’était pas la première femme à siéger à la Cour (Sandra Day O’Connor y a été nommée 12 ans avant elle), mais elle était sans conteste la plus connue des juges, en partie grâce au film biographiq­ue qui a été consacré à sa vie de militante pour le statut des femmes et pour les droits civiques. Signe de sa notoriété, elle était désignée par ses initiales, RBG. Elle a représenté de façon constante l’aile gauche de la Cour, mais ses juges, qui constituen­t le club le plus fermé du pays, créent des relations personnell­es qui transcende­nt les familles de pensée auxquelles ils appartienn­ent. Ils sont huit à rendre un hommage unanime à celle que John Roberts, le chef de la Cour, décrit comme “une juriste à la stature historique”. L’hommage le plus émouvant est celui du juge Breyer qui était sans doute le plus proche de Ruth Bader Ginsburg – il a siégé 26 ans à ses côtés. Pour elle, il a écrit un hommage en forme de poème “Un grand juge ; une femme de valeur ; un roc d’intégrité ; et ma très, très grande amie ; par sa vie elle a rendu le monde meilleur”.

Comme Ruth Bader Ginsburg, Stephen Breyer a été nommé par Bill Clinton en 1994. Âgé de 82 ans, il est désormais le plus vieux, sinon le plus ancien, juge de la Cour et le plus cosmopolit­e. Son regard sur la loi va au-delà des frontières des États- Unis, comme en témoigne cet entretien exclusif, réalisé avant la mort de Ruth Bader Ginsburg.

Juge Breyer, avant une élection présidenti­elle, comme c’est le cas actuelleme­nt, l’un des arguments majeurs des candidats est qu’il peut y avoir un ou plusieurs postes à pourvoir à la Cour suprême, comme lors de l’élection précédente. C’est une démarche éminemment politique. Comment réconcilie­z-vous la démarche politique de la nomination et l’impartiali­té de la loi une fois que le juge est en fonction ?

J’ai travaillé au Sénat des États-Unis avec le sénateur Kennedy, donc j’ai quelques connaissan­ces de la politique. Lorsqu’il s’agit de la vraie politique, vous êtes républicai­n ou démocrate, vous êtes populaire ou pas.Tout cela n’existe pas à la Cour suprême. Je fais souvent remarquer que dans une année typique, sur 70 à 80 jugements, près de la moitié sont unanimes. Mais la presse adore dire qu’il y a d’un côté les libéraux et de l’autre les conservate­urs. Ça, c’est la façon dont la presse présente les choses. Mais ce n’est pas comme cela que la Cour suprême fonctionne. Il y a des philosophi­es différente­s, il y a des différence­s d’interpréta­tion de la jurisprude­nce, que la presse associe avec les conservate­urs et les libéraux. C’est en partie vrai, mais il y a d’excellents arguments des deux côtés. Est-ce qu’il y a de l’idéologie, est-ce que vous êtes “Adam Smith free entreprise” ou est-ce que vous êtes marxiste ? Si je me rends compte que j’obéis à l’idéologie au lieu du droit, je saurais parfaiteme­nt que j’ai tort, que j’ai fait quelque chose que je n’aurais pas dû faire. En dehors de la politique et de l’idéologie, il y a un troisième facteur : votre histoire personnell­e. Par exemple, je suis né à San Francisco, j’ai été éduqué dans les écoles de cette ville, puis à Harvard, je suis allé en Europe, la vie que j’ai vécue a une influence sur les grandes questions que j’examine et c’est la même chose pour tout le monde. Qu’est-ce que le droit ? Quel est le rôle du droit dans les États-Unis,

qu’est-ce que cette Constituti­on, comment s’applique-t-elle ? Sur des grandes questions comme cela, on a des points de vue très généraux, mais c’est naturel que cela dépende aussi de l’histoire de chacun. Est-ce une mauvaise chose? Non, cela fait partie de la condition humaine. Au fil du temps, les présidents nomment des personnes différente­s et la Cour change peu à peu, est-ce que c’est mauvais ? Pas nécessaire­ment. Dans un pays de 325 millions d’habitants, de races, de religions et d’origines différente­s, qui pensent différemme­nt mais ont appris comment vivre ensemble, ce n’est pas une mauvaise chose qu’il y ait des juges qui ont une histoire et des points de vue divers sur la jurisprude­nce. Et si le président pense que la personne qu’il nomme à la Cour suprême va décider de tout dans son sens, il se trompe. Le juge peut avoir une philosophi­e proche de la sienne, mais cela ne va pas au-delà d’une approche générale des problèmes.

Cela veut dire que la Cour est plus puissante que le président? Vous pouvez confirmer ou défaire ses décisions, donc qu’en quelque sorte vous avez plus de pouvoir que le président ?

Ce que nous pouvons faire, c’est dire si ce que le président fait est conforme à la loi. Un juge est un personnage qui a un pouvoir considérab­le dans un domaine très étroit. Un juge, qu’il soit dans une cour locale ou à la Cour suprême, n’est pas assis là à se dire “oh qu’est-ce que ce serait bien si je pouvais faire ceci, ou cela, ou le contraire !”. Un grand juge a dit: “vous êtes liés à la loi”. La loi, ce n’est pas la science des ordinateur­s, ce n’est pas seulement une affaire de déduction, la loi a une approche, un périmètre, des limites. Ce que vous comprenez quand vous devenez avocat, juge ou que vous accédez à la Cour suprême, c’est que votre vision n’est que l’un des aspects du problème.Vous découvrez qu’il y a deux ou trois aspects, chacun avec de bons arguments, et cela demande des compétence­s, de la jugeote et une bonne dose de sens commun, selon moi.

On dit que vous êtes le juge le plus cosmopolit­e de la Cour. D’ailleurs dans votre livre

‘The court and the world’ (La Cour et le monde), vous expliquez que la Cour ne plus ignorer ce qui se passe ailleurs. Quelles sortes de relations les juges peuvent-ils avoir avec leurs homologues étrangers ?

Nous vivons dans un monde où les gens voyagent relativeme­nt facilement, grâce à Internet ils savent immédiatem­ent ce qui se passe ailleurs, ils sont connectés d’innombrabl­es façons. Nous pouvons le constater en ce moment dans des domaines comme l’environnem­ent ou les mouvements de personnes du nord au sud, qui génèrent des problèmes universels. Donc, bien que le rôle de la Cour suprême soit d’appliquer les lois locales en fonction de la Constituti­on, il n’y a rien de surprenant à ce qu’elle soit affectée par ce qui se passe aux au-delà de nos rivages. C’est une chose à laquelle nous assistons constammen­t et j’en donne d e multiples exemples dans mon livre.

Comment cela se passe-t-il sur le plan pratique ?

Les juristes lisent et si dans un pays comme la France, qui est comme nous une démocratie, comme nous un État de droit et qui a des problèmes similaires aux nôtres, un juge rédige une opinion, nous pouvons la consulter et, pourquoi pas, en apprendre quelque chose. Cela se fera de plus en plus au fur et à mesure que les juristes comprendro­nt mieux ce qui se passe dans les autres pays. Si je me reporte à une vingtaine d’années en arrière, en considéran­t les cas où il était utile de savoir ce qui se passait ailleurs dans le monde du droit, je dirais que cela en est venu à représente­r 15 à 20 % de nos dossiers.Vous avez les lois anti-trust, les lois sur la sécurité, l’Union européenne a ses règles, nous avons les nôtres. Comment pouvons-nous faire en sorte que ces règles s’harmonisen­t ? Eh bien, nous le ferons comme toute chose en réfléchiss­ant, en lisant et regardant comment cela se passe ailleurs. Nous ne voulons pas créer des situations conflictue­lles ou ingérables.

Nous pourrions citer un exemple actuel : la Cour a l’habitude de jjugerg des conflits fiscaux entre les États américains, mais que faire lorsqu’il s’agit de conflits entre différente­s nations ou entités, comme nous le voyons en ce moment entre les Européens et ce que l’on appelle les Gafa (Google, Amazon, Facebook, Apple) ?

Les problèmes fiscaux internatio­naux sont extrêmemen­t complexes et relèvent plutôt de la branche exécutive. Il y a des accords ou des documents de travail qui stipulent comment les lois fiscales des différents pays peuvent s’appliquer, ce que nous faisons à la Cour c’est d’interpréte­r ces traités ou ces documents de travail en fonction de la loi américaine.

La Constituti­on américaine donne beaucoup de pouvoir à la branche exécutive en matière de politique internatio­nale. Le président peut se retirer d’un traité, ou mettre en place des restrictio­ns des libertés civiles pour des raisons de sécurité. La Cour suprême peut-elle intervenir dans les affaires internatio­nales et comment ?

Aujourd’hui, de nombreux cas concernent l’applicatio­n des traités. Je citerais un cas au Texas, qui était très important puisqu’il mettait en jeu l’applicatio­n de la peine de mort. Il s’agissait d’un citoyen d’un autre pays et selon le traité (la convention de Vienne), on aurait dû lui dire qu’il avait le droit de recevoir l’assistance de son consulat, mais on ne lui a pas dit. L’argument du plaignant était qu’on ne pouvait pas le condamner si on ne l’avait pas averti de ses droits et que cela avait des répercussi­ons sur le procès. Le président (des États-Unis) et le gouverneur du Texas étaient en désaccord sur le fait que les clauses de ce traité puissent s’appliquer en interne, et la Cour a finalement tranché en statuant qu’effectivem­ent, le traité ne s’appliquait pas sur le territoire des ÉtatsUnis – moi je n’étais pas d’accord. Nous avons aussi eu plusieurs cas qui relevaient de la convention de La Haye, lorsque des parents divorcent et que l’un d’eux enlève l’enfant pour l’emmener aux États- Unis. Normalemen­t, l’enfant doit être restitué immédiatem­ent, mais après quelles procédures et qu’en est-il de l’intérêt de l’enfant ? Généraleme­nt, les cours fédérales ne sont pas compétente­s pour ce genre de cas, mais nous, nous le sommes car cela met en jeu un traité. Dans certains cas, l’enfant a été enlevé parce que lui ou sa mère étaient maltraités, alors que sommes-nous censés faire ? Devons-nous rendre cet enfant à un pays où lui-même ou sa mère pourraient être soumis à de mauvais traitement­s ? Ce sont les cas les plus difficiles du droit familial. De manière soudaine, pendant la dernière décennie, ces cas sont arrivés à la Cour suprême qui n’était pas familière avec ce genre de choses, et nous avons été contraints de nous plonger dedans. Vous découvrez que localement, il y a des groupes qui s’intéressen­t à la protection des femmes et des enfants et qu’il y a des traces de leur action légale. Dans le dernier cas que nous avons eu à traiter, il y avait des documents de France, d’Allemagne je crois, et de Grande- Bretagne, mais je me souviens surtout de l’opinion très bien écrite par la chef juge britanniqu­e, qui donnait d’excellente­s lignes de conduite sur l’applicatio­n de ce traité, et nous avons pu nous en inspirer.Vous ne pouvez pas réduire ce genre d’affaires à des règles strictes, c’est une question de bon sens, de compréhens­ion de ce qui se passe ailleurs, c’est très utile pour les États-Unis et j’espère que cela fonctionne­ra dans les deux sens.

C’est la beauté de la Cour suprême, on imagine à l’extérieur que vous faites un travail abstrait et solennel mais vous allez droit au côté personnel de la loi…

Oui, c’est vrai, car les personnes sont au coeur de la loi. Les juges fédéraux sont des personnage­s officiels de très haut rang, pas aussi haut que le président mais néanmoins très haut, et ces personnage­s vont passer autant de temps qu’il le faut sur votre cas, que vous soyez le plus riche ou le plus pauvre, le plus populaire ou le moins populaire. Chaque personne est traitée comme un individu. Cela peut être un cas mineur, mais c’est important pour cette personne-là et elle sera traitée comme si elle était le personnage le plus important du pays. Par exemple, nous avons récemment statué que le président des États- Unis lui- même pouvait recevoir une assignatio­n, qu’il ne bénéficiai­t pas d’une immunité particuliè­re.

Dans un pays de 325 millions d’habitants, de races, de religions et d’origines différente­s, qui pensent différemme­nt mais ont appris comment vivre ensemble, ce n’est pas une mauvaise chose qu’il y ait des juges qui ont une histoire et des points de vue divers sur la jurisprude­nce”

On a vu récemment des manifestat­ions contre les injustices raciales, mais il se trouve tout de même que la Cour a rendu de nombreux jugements contre la discrimina­tion. Comment expliquez-vous que ce qui se trouve dans la loi ne se traduise pas toujours dans les faits ?

Il faut lire l’autobiogra­phie de Frederic Douglas écrite vers 1880. Il est né en esclavage, s’est échappé et a combattu dans la guerre civile avant de devenir un personnage de premier plan dans la lutte pour les droits civiques. Il dit clairement qu’il y a une différence entre la discrimina­tion légale et la discrimina­tion sociale. Frederic Douglas explique que même dans le nord des ÉtatsUnis, bien que la population ait combattu l’esclavage, il a trouvé une discrimina­tion sociale. Elle s’est améliorée mais elle existe encore. Il faut se souvenir que jusqu’en 1954, il y avait aux États-Unis une discrimina­tion légale et la lutte pour les droits civiques a duré plusieurs décennies. En 1954, la Cour suprême a statué que la discrimina­tion raciale était contraire à la Constituti­on des États- Unis, mais il a fallu 30 ou 40 ans pour mettre un terme à cette discrimina­tion légale. Nous avons maintenant une société plus mélangée, mais il faut conquérir la vraie égalité et ce n’est pas chose de facile.

Oui, mais pourquoi ce qui figure dans la loi est-il si difficile à se traduire dans les faits ?

Ah c’est une excellente question mais je n’ai pas la réponse ! Il faut lire les dernières pages de ‘ La peste’ d’Albert Camus. Il dit : “Je vous ai écrit cette histoire parce que le virus de la peste ne meurt jamais, il reste avec nous, et il envoie ses rats dans une cité heureuse”. Vous voyez, le point de vue de Camus est encore d’actualité et il le restera.

Il y a un autre débat aux États-Unis, surtout dans le monde universita­ire, qui suggère que la liberté d’expression inscrite dans le 1er amendement de la Constituti­on s’arrête là où elle pourrait heurter la sensibilit­é de quelqu’un d’autre. Est-ce que vous pensez qu’on est en train de redéfinir ce premier amendement ?

Au coeur de la liberté d’expression il y a cette phrase que l’on prête à Voltaire – je ne sais pas s’il l’a dite vraiment : “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai pour que vous puissiez le dire”. J’explique toujours que dans une démocratie, la liberté de parole et la liberté de la presse ne sont pas là pour les personnes avec qui vous êtes d’accord, mais elles sont là pour les personnes avec qui vous n’êtes pas d’accord ou qui disent des choses qui ne sont pas populaires. Ce que pensent les autres alimente un marché aux idées, celles avec lesquelles on est d’accord, celles avec lesquelles on n’est pas d’accord. Dans une démocratie, les gens ont des pensées, des idées, des opinions diverses, et ils peuvent les exprimer en élisant des représenta­nts qui sont étroitemen­t liés à ce que leurs électeurs pensent. Rien ne pourrait être plus important dans un système de gouverneme­nt démocratiq­ue. Je me suis récemment référé au livre de Pierre- Henri Tavoillot ‘ Comment gouverner un peuple roi’. Il y explique qu’il doit y avoir un espace où les gens peuvent transmettr­e à ceux qui les représente­nt ce que sont leurs idéaux et comment les mettre en pratique. C’est cela qu’exprime le 1er amendement de la Constituti­on des États-Unis

La Constituti­on a été ratifiée en 1788, c’est un texte très court, 32 026 signes exactement. Elle ne comportait pas de mot comme “esclavage” ou “peine de mort”. Comment faites-vous pour l’adapter aux problèmes actuels ?

Comment ce grand document s’applique-t-il aujourd’hui ? Je dirais que c’est une merveille, c’est stupéfiant. Il y a deux lectures de la Constituti­on, par exemple elle dit “il y aura deux sénateurs” et ce “deux” veut dire deux, cela ne fera jamais trois. Mais il y a un bon nombre de questions plus générales, par exemple la liberté de la presse, ou la régulation du commerce par le Congrès. Le commerce ? Du temps de George Washington, on ne connaissai­t ni l’Internet, ni la voiture, mais derrière les mots il y a des valeurs et les valeurs ne changent pas beaucoup. Les règles peuvent changer, leur applicatio­n peut changer, mais les valeurs elles ne changent pas. Donc la difficulté des cas complexes est de savoir comment interpréte­r les valeurs originales et ce qu’elles veulent accomplir pour les appliquer à des règles qui ont changé radicaleme­nt. Pour ce faire, les juges évaluent le poids des mots, l’Histoire, les traditions, les précédents, ils prennent en compte les conséquenc­es de l’applicatio­n de ces principes. Tous les juges se réfèrent à ces critères, plus ou moins en fonction des cas qu’ils ont à traiter, mais ils les appliquent tous. C’est un miracle que cette Constituti­on ait réussi à maintenir la cohésion d’un peuple, même après une guerre civile, c’est un miracle que 325 millions de personnes aient réussi à rester unies sous l’égide cette Constituti­on. Je vois tous les jours des manifestat­ions de ce miracle dans notre Cour et je suis sûr qu’aucun de nous ne veut le voir disparaîtr­e.

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choses. Mais ce n’est pas comme cela que la Cour suprême fonctionne.”
“Dans une année typique, sur 70 à 80 jugements, près de la moitié sont unanimes. Mais la presse adore dire qu’il y a d’un côté les libéraux et de l’autre les conservate­urs. Ça, c’est la façon dont la presse présente les choses. Mais ce n’est pas comme cela que la Cour suprême fonctionne.”

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