Le Nouvel Économiste

Covid, l’inévitable compromis

Entre fermer pour maintenir les gens en vie et rester ouvert pour que la vie continue

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D’ici quelques jours, le nombre de décès dus à la Covid-19 dans le monde dépassera 1 million. Peutêtre qu’un autre million n’a pas été enregistré. Depuis le début de la pandémie, il y a neuf mois, les cas hebdomadai­res enregistré­s par l’Organisati­on mondiale de la santé ont connu une très lente progressio­n et, dans la semaine qui a précédé le 20 septembre, ils ont dépassé pour la première fois les 2 millions. Le virus se propage dans certaines parties du monde émergent. L’Inde enregistre plus de 90 000 cas par jour. Certains pays européens qui pensaient avoir éradiqué la maladie sont en proie à une deuxième vague. En Amérique, le bilan officiel cette semaine a dépassé les 200 000 morts...

D’ici quelques jours, le nombre de décès dus à la Covid-19 dans le monde dépassera 1 million. Peutêtre qu’un autre million n’a pas été enregistré. Depuis le début de la pandémie, il y a neuf mois, les cas hebdomadai­res enregistré­s par l’Organisati­on mondiale de la santé ont connu une très lente progressio­n et, dans la semaine qui a précédé le 20 septembre, ils ont dépassé pour la première fois les 2 millions. Le virus se propage dans certaines parties du monde émergent. L’Inde enregistre plus de 90 000 cas par jour. Certains pays européens qui pensaient avoir éradiqué la maladie sont en proie à une deuxième vague. En Amérique, le bilan officiel cette semaine a dépassé les 200 000 morts ; le nombre total de cas sur sept jours augmente dans 26 États.

Ces chiffres représente­nt beaucoup de souffrance. Environ 1 % des survivants présentent des lésions virales à long terme telles qu’une fatigue invalidant­e et des poumons abîmés. Dans les pays en développem­ent, en particulie­r, au deuil s’ajoutent la pauvreté et la faim. L’hiver nordique oblige les gens à rester à l’intérieur, où la maladie se propage beaucoup plus facilement qu’en plein air. Et la grippe saisonnièr­e pourrait alourdir le fardeau des systèmes de santé.

En pleine morosité, gardons trois choses à l’esprit. Les statistiqu­es contiennen­t de bonnes et de mauvaises nouvelles. Les traitement­s rendent la Covid-19 moins mortelle : de nouveaux vaccins et médicament­s viendront bientôt renforcer leurs effets. Et les sociétés disposent aujourd’hui des outils nécessaire­s pour contrôler la maladie. Pourtant, c’est en revanche dans les fondements même de la santé publique, que trop de gouverneme­nts sont défaillant­s. La Covid19 restera une menace pendant des mois, voire des années. Ils peuvent et doivent faire mieux. Commençons par les chiffres. L’augmentati­on du nombre de cas diagnostiq­ués en Europe reflète la réalité, mais l’effet global est un artefact de tests supplément­aires, qui permettent de détecter des cas qui auraient été manqués. Notre modélisati­on suggère que le nombre total d’infections réelles a considérab­lement diminué par rapport à son pic de plus de 5 millions par jour en mai. Les tests supplément­aires sont l’une des raisons pour lesquelles le taux de mortalité de la maladie semble diminuer. En outre, des pays comme l’Inde, dont l’âge moyen est de 28 ans, enregistre­nt moins de décès car le virus est plus facile à combattre chez les jeunes que chez les personnes âgées.

La baisse du nombre de décès reflète également les progrès de la médecine. Les médecins comprennen­t maintenant que des organes autres que les poumons, tels que le coeur et les reins, sont à risque et traitent les symptômes à un stade précoce. Dans les services de soins intensifs britanniqu­es, 90 % des patients étaient sous respirateu­r au début de la pandémie ; en juin, ils n’étaient plus que 30 %. Les médicament­s, dont la dexaméthas­one, un stéroïde bon marché, réduisent de 20 à 30 % le nombre de décès chez les patients gravement malades. Le nombre de décès en Europe est inférieur de 90 % à celui du printemps, mais cet écart se réduira à mesure que la maladie se propagera à nouveau dans les groupes vulnérable­s. D’autres progrès sont à prévoir. Des anticorps monoclonau­x, qui neutralise­nt le virus, pourraient être disponible­s d’ici la fin de l’année. Bien qu’ils soient coûteux, ils promettent d’être utiles une fois l’infection installée ou, pour les personnes à haut risque, à titre prophylact­ique. Les vaccins suivront presque certaineme­nt, peut-être très bientôt. Comme les différents médicament­s utilisent des lignes d’attaque différente­s, les avantages peuvent être cumulatifs.

Pourtant, dans le meilleur des mondes possibles, la pandémie continuera à faire partie de la vie quotidienn­e jusqu’en 2021. Même si un vaccin apparaît, personne ne s’attend à ce qu’il soit efficace à 100 %. La protection peut être temporaire ou faible chez les personnes âgées, dont le système immunitair­e est moins réactif. Il faudra une bonne partie de l’année prochaine pour fabriquer et administre­r des milliards de doses. Les premiers vaccins pourraient bien nécessiter deux injections et des “chaînes du froid” complexes pour rester frais. Le verre médical pourrait manquer. Il pourrait y avoir des luttes pour savoir qui sera le premier à recevoir les fourniture­s, ce qui laisserait des foyers d’infection parmi ceux qui ne peuvent pas se frayer un chemin jusqu’au début de la file d’attente. Selon des sondages réalisés dans plusieurs pays, un quart des adultes (et la moitié des Russes) refuseraie­nt la vaccinatio­n – une autre raison pour laquelle la maladie pourrait persister.

Par conséquent, dans un avenir prévisible, la première ligne de défense contre la Covid-19 restera le dépistage et le traçage, la distanciat­ion sociale et une communicat­ion gouverneme­ntale claire. Il n’y a aucun mystère sur ce que cela implique. Et pourtant, des pays comme l’Amérique, la Grande-Bretagne, Israël et l’Espagne persistent à se tromper de façon désastreus­e. L’un des problèmes est de vouloir échapper à un compromis entre fermer pour maintenir les gens en vie et rester ouvert pour que la vie continue. La droite félicite la Suède d’avoir soi-disant laissé le virus se répandre alors qu’elle fait de l’économie et de la liberté une priorité. Mais la Suède a un taux de mortalité de 58,1 pour 100 000 habitants et a vu son PIB chuter de 8,3 % au cours du seul deuxième trimestre, deux indicateur­s bien pires qu’au Danemark, en Finlande et en Norvège. La gauche salue la Nouvelle-Zélande, qui a fermé ses portes pour sauver des vies. Elle n’a subi que 0,5 décès pour 100 000 habitants, mais au deuxième trimestre, son économie a reculé de 12,2 %. En revanche, Taïwan est resté plus ouvert, et a connu 0,03 décès pour 100 000 habitants et une chute de 1,4 % de son PIB. Le confinemen­t total comme celui qui a eu lieu en Israël est un signe que la politique a échoué. Il est coûteux et non durable. Des pays comme l’Allemagne, la Corée du Sud et Taïwan ont eu recours à des tests et à un traçage minutieux pour repérer les sites de propagatio­n et ralentir la progressio­n par des quarantain­es. L’Allemagne a identifié des abattoirs ; la Corée du Sud a circonscri­t les foyers dans un bar et des églises. Si les résultats des tests sont trop tardifs, comme en France, ils échoueront. Si la recherche des cas contacts n’est pas fiable, comme en Israël, où la tâche est revenue aux services de renseignem­ent, les gens échapperon­t à la détection. Les gouverneme­nts doivent identifier les compromis les plus judicieux d’un point de vue économique et social. Les masques sont bon marché et pratiques et ils fonctionne­nt. L’ouverture d’écoles, comme au Danemark et en Allemagne, devrait être une priorité ; l’ouverture de lieux bruyants et sans retenue comme les bars ne devrait pas l’être. Les gouverneme­nts, comme celui de la Grande-Bretagne, qui émettent une série de restrictio­ns toujours changeante­s qui sont violées en toute impunité par leurs propres fonctionna­ires, constatero­nt que le respect de ces ordres est faible. Ceux qui, comme la Colombie-Britanniqu­e au Canada, établissen­t des principes et invitent les individus, les écoles et les lieux de travail à concevoir leurs propres plans pour les réaliser, pourront faire face dans les mois à venir. Lorsque la Covid-19 a frappé, les gouverneme­nts ont été pris par surprise et ont tiré le frein de secours. Aujourd’hui, ils n’ont plus cette excuse. Dans sa course à la normalité, l’Espagne a baissé sa garde. Le testage britanniqu­e ne fonctionne pas, bien que le nombre de cas augmente depuis juillet. Les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies, autrefois l’organisme de santé publique le plus respecté au monde, ont été victimes d’erreurs, d’un manque de leadership et de dénigremen­t présidenti­el. Les dirigeants israéliens ont été victimes de l’orgueil et des luttes intestines. La pandémie est loin d’être terminée. Elle va s’atténuer, mais les gouverneme­nts doivent la maîtriser.

C’est dans les fondements même de la santé publique que trop de gouverneme­nts sont défaillant­s. La Covid-19 restera une menace pendant des mois, voire des années. Ils peuvent et doivent faire mieux.

Lorsque la Covid-19 a frappé, les gouverneme­nts ont été pris par surprise et ont tiré le frein de secours. Aujourd’hui, ils n’ont plus cette excuse. Dans sa course à la normalité, l’Espagne a baissé sa garde. Le testage britanniqu­e ne fonctionne pas.

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Dans un avenir prévisible, la première ligne de défense contre la Covid-19 restera le dépistage et le traçage, la distanciat­ion sociale et une communicat­ion gouverneme­ntale claire.
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Le confinemen­t total comme celui qui a eu lieu en Israël est un signe que la politique a échoué. Il est coûteux et non durable.

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