Le Nouvel Économiste

La privatisat­ion des autoroutes est-elle conforme à l’intérêt général ?

Leur bénéfice socio-économique n’est jamais estimé alors qu’il devrait être le premier critère de justificat­ion

- MÉCOMPTES PUBLICS, FRANÇOIS ECALLE

Le Sénat vient de publier un intéressan­t rapport de sa commission d’enquête sur les concession­s autoroutiè­res, qui analyse notamment la privatisat­ion de plusieurs sociétés concession­naires en 2006. La privatisat­ion des sociétés concession­naires devrait être examinée sous trois angles différents : l’intérêt financier des nouveaux actionnair­es, l’intérêt financier de l’État et l’utilité socio-économique pour l’ensemble des agents économique­s

Le Sénat vient de publier un intéressan­t rapport de sa commission d’enquête sur les concession­s autoroutiè­res, qui analyse notamment la privatisat­ion de plusieurs sociétés concession­naires en 2006.

La privatisat­ion des sociétés concession­naires devrait être examinée sous trois angles différents : l’intérêt financier des nouveaux actionnair­es, l’intérêt financier de l’État et l’utilité socio-économique pour l’ensemble des agents économique­s (l’intérêt général). La commission y montre que, si l’intérêt des nouveaux actionnair­es a été largement pris en compte, le bilan financier aurait pu être meilleur pour l’État. Mais elle ne répond pas à la principale question : cette opération a-t-elle été conforme à l’intérêt général ?

D’un point de vue économique, la privatisat­ion, ou la mise en concession, d’une infrastruc­ture est en effet justifiée non par l’intérêt financier de l’État mais par un bénéfice socio-économique positif, ce qui est le cas si ses avantages sont supérieurs à ses coûts pour l’ensemble des agents économique­s. Les avantages et les coûts à prendre en compte sont, par exemple, des charges d’entretien plus faibles, une meilleure qualité de service, des dispositif­s plus efficaces de protection de l’environnem­ent, etc.

L’intérêt général jamais estimé

Le bénéfice socio-économique des mises en concession ou des privatisat­ions n’est jamais estimé alors qu’il devrait être le principal critère les justifiant ou non. Sa mesure est certes difficile, notamment parce que les données nécessaire­s manquent souvent. La commission d’enquête regrette ainsi la pauvreté des informatio­ns disponible­s sur les coûts des concession­naires, mais note que l’autorité de régulation des transports est en train de constituer une base de données sur ces coûts. Les carences des systèmes d’informatio­n de l’État ne permettent pas non plus d’avoir les données nécessaire­s sur les coûts des autoroutes non concédées.

On peut penser que des sociétés privées concurrent­ielles ont des coûts plus faibles et une meilleure qualité de service que des administra­tions ou des entreprise­s publiques, mais ce point de vue est plus discutable quand il s’agit de sociétés privées en situation monopolist­ique. Or, même si les autoroutes sont concurrenc­ées par des routes nationales, leurs concession­naires ont un important pouvoir de marché.

Les péages et la qualité de service des concession­s doivent donc être régulés par une autorité publique, et le bénéfice socio-économique d’une privatisat­ion dépend beaucoup de l’efficacité de cette régulation. Or le rapport de la commission d’enquête montre qu’elle a été souvent défaillant­e, notamment parce que les contrats étaient mal rédigés. Quand l’État demande des avenants au concession­naire pour faire des travaux non prévus, ce qui est fréquent, il le met alors en position de force pour obtenir des contrepart­ies avantageus­es. Dans ces conditions, il n’est pas sûr que la privatisat­ion soit efficace.

Le site www.fipeco.fr développe les analyses de François Ecalle.

Les péages et la qualité de service des concession­s doivent donc être régulés par une autorité publique. L’efficacité de cette régulation a été souvent défaillant­e, notamment parce que les contrats étaient mal rédigés

 ??  ?? L’effificaci­té de la régulation sur les péages et la qualité de services a été souvent défaillant­e, notamment parce que les contrats étaient mal rédigés.
L’effificaci­té de la régulation sur les péages et la qualité de services a été souvent défaillant­e, notamment parce que les contrats étaient mal rédigés.

Newspapers in French

Newspapers from France