Exister dans la galaxie des applications
Comment séduire les potentiels utilisateurs afin qu’ils téléchargent une application mobile
Leur nombre sur l’App Store et Google Play, les principaux “magasins” numériques pour les récupérer, se compte en millions
C’est peut-être le secteur le plus concurrentiel du monde. Un marché sur lequel chacun, ou presque, se rend tous les jours sans vraiment s’en rendre compte. Le nombre d’applications ne cesse de s’accroître. De nouvelles apparaissent tous les jours sur des magasins numériques qui leur sont dédiés et déjà bien fournis. Pour exister au milieu de tous ces concurrents directs et indirects, le référencement est l’un des enjeux majeurs ; tout comme les publicités sur mobile ultraciblées pour toucher au mieux les potentiels utilisateurs. Un marché bien identifié et en mutation qui devient lui aussi de plus en plus concurrentiel.
Parler de démocratisation pour qualifier le développement des smartphones est un euphémisme. Plus de trois quarts des Français en possèdent un, selon le Baromètre du numérique 2019. D’après cette étude pilotée par l’Arcep, le Conseil général de l’économie et l’Agence du numérique, le taux d’équipement des mobiles dépasse pour la première fois celui des ordinateurs. Et qui dit smartphone dit application. Pour envoyer un message, utiliser le GPS en voiture, regarder une série, se faire livrer un repas ou encore passer le temps sur un jeu, chaque utilisation nécessite bien souvent sa propre application.
Leur nombre sur l’App Store et Google Play, les principaux “magasins” numériques pour les récupérer, se compte en millions. Pour permettre au consommateur de s’y retrouver, elles sont rangées par les plateformes de téléchargements. Les critères, plus ou moins clairs, vont du thème à la note donnée, en passant par les goûts de l’utilisateur. Ce qui de fait en favorise certaines plutôt que d’autres.
Difficile donc de se lancer sur ce marché ultra-concurrentiel. “La première chose lorsqu’on se lance est d’être bien référencé”, explique Anaïs Vivion, CEO de l’agence nantaise BeApp qui développe des applications. “Parmi les techniques d’ASO (App Store Optimization) il y a le choix des mots-clefs à définir pour bien ressortir lors des recherches ; pour une application média par exemple, il faut mettre actualité”, poursuit la dirigeante.
Dans cet océan numérique, on peut citer l’exemple de l’avocat Mathieu Davy qui essaie de s’y faire une place depuis trois ans. Call a Lawyers propose une mise en relation de vingt minutes entre un particulier et un avocat pour une vingtaine d’euros. “Nous devons développer notre portefeuille clients”, indique le fondateur. Il a d’abord eu recours à des partenariats avec Infogreffe ou des assurances et mutuelles ; soit des acteurs qui, lorsqu’ils sont consultés, peuvent mettre au jour un besoin juridique. “Nous travaillons aussi sur le SEO (Search Engine Optimization) avec des blogs et des fiches pratiques”, détaille Mathieu Davy. Le SEO désigne littéralement l’optimisation pour les moteurs de recherche. Être facilement identifiable et mis en avant lorsqu’une recherche correspond à son produit est essentiel. Pour les applications, les blogs sont un moyen d’appel
très efficace. Très concrètement, il s’agit de créer du contenu pour attirer le public ciblé et lui faire connaître son offre. Call a Lawyer propose ainsi des articles titrés “Comment faire face à une facture impayée ?” ou “Que faire en
“La pression publicitaire augmente, les annonces sont plus léchées, les outils de tracking plus puissant et l’expertise plus détaillée”. “Le marketing n’a rien à voir aujourd’hui avec ce qu’il était il y a dix ans”
cas de litige au sujet d’une location saisonnière ?”.
Le marché de la pub se renforce
Le SEO comme l’ASO répondent à la nouvelle donne des algorithmes tout-puissants. Mais les applications ont aussi droit à de la plus classique publicité. Une technique aussi vieille que la vente, qui s’adapte toutefois aux nouveaux usages. “Elles sont sur les réseaux sociaux, sur les moteurs de recherche avec l’achat de motsclefs ou même sur d’autres applications”, précise Anaïs Vivion. Ces terrains de jeu loin des habituelles affiches 4x3 ou pages glacées dans un magazine permettent aux annonceurs de cibler plus précisément les clients visés. “Les supports offline comme la télévision, les bus ou la radio touchent beaucoup de gens très différents. Pour être le plus performant possible, il faut cibler l’utilisateur qui peut être intéressé par l’application, et pour cela il faut savoir qui il est”, abonde Grégoire Mercier, PDG d’Addict Mobile, agence parisienne spécialisée dans le marketing digital pour les applications mobiles. “Avec Facebook par exemple, on a un profil complet d’une personne donc nous savons si une publicité est pertinente ou non”, ajoute le dirigeant.
Un filon que d’autres ont remarqué, ce qui renforce la concurrence. “La pression publicitaire augmente, les annonces sont plus léchées, les outils de tracking plus puissant et l’expertise plus détaillée”, note Grégoire Mercier. “Le marketing n’a rien à voir aujourd’hui avec ce qu’il était il y a dix ans, enchaîne-t-il. Facebook n’avait pas d’application alors qu’aujourd’hui c’est la première source de téléchargement ; désormais, les pubs interactives se rependent de plus en plus, la vidéo cartonne. Chez nous cela représente la moitié de nos investissements.” Dans une étude publiée en 2019, l’entreprise informatique américaine Cisco affirmait que 79 % du trafic mondial des données mobiles concerne la vidéo, contre 59 % en 2017.
Une stratégie à part pour le BtoB
Toutes ces évolutions concernent principalement le BtoC, tout simplement parce que le marché de l’application BtoB s’adresse à un public plus restreint. “L’approche est différente pour les sources d’acquisition, c’est beaucoup de recherches Google”, expose Grégoire Mercier.
“L’enjeu est de capter la communauté d’un client”, précise Laurent Bel, président d’AppCraft, qui crée des applications liées à des événements. L’intérêt est d’y réunir l’ensemble des informations lors d’un salon ou d’un voyage d’affaires. Utile, mais pas toujours essentiel. Il faut donc inciter au téléchargement. “Nous essayons de proposer quelque chose de ludique. Par exemple quand le fabricant d’arômes et de parfums Givaudan a envoyé ses collaborateurs à l’étranger pour un rachat, nous avions en amont scénarisé un teaser pour faire découvrir la destination”, illustre Laurent Bel. Parfois, le téléchargement est toutefois une nécessité, pour par exemple tracker une personne lors d’un déplacement dans une zone à risque.
Voilà pour un usage interne. Sur un salon où la cible est externe, la communication se réalise via les organisateurs pour faire savoir que l’application est nécessaire pour obtenir son badge par exemple. “L’adoption est plus simple en BtoB, juge l’entrepreneur. Parfois nous avons même plus de 100 % de téléchargements car il y a un sur le mobile professionnel et un autre sur le personnel.”
Malgré la dimension événementielle, donc éphémère, du positionnement d’AppCraft, Laurent Bel mise sur une utilisation régulière de ses applications. “Nous regardons les typologies d’usage pour modifier nos interfaces et les adapter”, souligne-t-il. Une solution réalisée pour Orange était par exemple très utilisée pour son annuaire, ce qui n’était pas l’objectif attendu. Cet aspect a donc été renforcé pour faire vivre l’application.
Car pour toutes les applications, BtoB comme BtoC, passé le téléchargement, l’engagement du mobinaute est capital. Ce qu’a bien compris Call a Lawyer. Si le service est conçu pour un premier contact, il propose tout de même un abonnement pour un accès illimité. Selon Mathieu Davy, “un même utilisateur peut avoir des questions dans différents domaines. Il peut aussi poser une même question sur plusieurs plateformes pour comparer les solutions qui lui sont proposées par les avocats”. Sortir du lot pour se faire télécharger n’est donc qu’une première étape. Le plus dur reste à faire pour entrer dans les habitudes d’usage du possesseur de smartphone.
“L’adoption est plus simple en BtoB. Parfois nous avons même plus de 100 % de téléchargements car il y a un sur le mobile professionnel et un autre sur le personnel”