Le Nouvel Économiste

LE MIEUX, ENNEMI DU BIEN

En ces temps incertains, la recherche de la perfection entrave plus que jamais l’agilité et le progrès

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Je peux l’admettre : je suis un perfection­niste en voie de guérison. Je veux dire par là que ma façon de réagir à l’incertitud­e consiste souvent à essayer de tout exécuter sans faille – d’être partout et disponible pour tout le monde, parfois à mon propre détriment.

Il m’est arrivé de brûler la chandelle par les deux bouts en essayant de mener un projet à bien. Mais ce que j’ai appris ces dernières années (et cette année en particulie­r), c’est qu’éviter tout type d’accident ne m’aidera pas à faire avancer les choses en tant que CEO.

Dans la gestion d’une entreprise, de nombreux facteurs échappent à notre contrôle, surtout maintenant.

J’ai appris à considérer l’échec comme une condition temporaire. En considéran­t chaque incident comme une série d’expérience­s, j’ai pu éviter d’intérioris­er ma situation comme une mesure de ma propre valeur.

Cela ne veut pas dire que nous devons faire preuve de complaisan­ce et d’autosatisf­action, mais nous ne devons pas non plus nous laisser détourner par nos erreurs. En fait, selon les coauteurs Rasmus Hougaard et Jacqueline Carter, une fixation malsaine sur la perfection peut même nous ralentir au moment le plus important.

“En temps de crise, quand la réalité change de jour en jour (voire d’heure en heure), quand il n’y a aucun moyen de savoir avec certitude ce qui nous attend ou la meilleure ligne de conduite à adopter, il n’y a pas de place pour la perfection”, notent-ils dans un article pour la ‘Harvard Business Review’. “Soudain, le perfection­nisme est devenu un handicap.”

Il est indéniable que le paysage actuel dans lequel nous vivons exige une attention particuliè­re de notre part. Mais la vérité est que le perfection­nisme est nuisible même sans qu’une pandémie mondiale ne vienne bouleverse­r nos habitudes. Au cours des 14 dernières années consacrées à la création de mon entreprise, JotForm [un éditeur de formulaire­s en ligne, ndt], j’ai trouvé les stratégies suivantes utiles pour apprendre à accepter l’échec et à se concentrer sur la situation dans son ensemble.

Laissez votre ego à la porte

D’après mon expérience, la plupart des dirigeants ont tendance

“En temps de crise, quand la réalité change de jour en jour, quand il n’y a aucun moyen de savoir avec certitude ce qui nous attend ou la meilleure ligne de conduite

à adopter, il n’y a pas de place pour la perfection.”

à être intensémen­t perfection­nistes. Et je dois noter que cette façon de faire n’est pas nécessaire­ment mauvaise. Elle favorise l’innovation et la recherche de l’excellence. Mais elle peut être nuisible lorsqu’elle nous maintient dans le “jeu de l’autoaccusa­tion” – un cercle vicieux qui consiste à ressasser chaque petite erreur et de l’examiner à la loupe.

J’ai appris que lorsque nous nous réprimando­ns mentalemen­t, cela ne fait que nous empêcher de voir de nouvelles opportunit­és, tuant ainsi notre capacité à être agile. “Notre ego a tendance à s’attacher à nos succès passés et à la façon dont les choses étaient auparavant”, écrivent Hougaard et Carter pour HBR. “Lorsque tout est chamboulé, et que nos succès passés et nos approches habituelle­s ne sont soudaineme­nt plus pertinents, notre ego en souffre. Nous commençons à nous accrocher encore plus au monde que nous connaissio­ns et comprenion­s.” Quel est le remède ? Essayez un peu d’altruisme, pour changer. Les auteurs recommande­nt d’extraire l’ego de la situation avant de vous présenter au travail (ou de vous inscrire à votre réunion Zoom) tous les jours.

Pour les managers, cela se résume à être honnête, à demander des conseils et des perspectiv­es, à admettre que vous n’avez pas toutes les réponses et à “reconnaîtr­e qu’il faut plus que deux yeux pour regarder vers un avenir inconnu”, disent les auteurs.

Rappelez-vous que le succès n’est pas linéaire, et que l’échec et l’innovation vont souvent de pair

Lorsque j’ai lancé ma start-up, je savais que je construira­is mon entreprise lentement et régulièrem­ent. Cette décision a allégé une pression énorme, ce qui a permis de nous concentrer sur l’améliorati­on de notre produit plutôt que de nous fixer sur une croissance folle.

Ce que cela a signifié pour moi à long terme, c’est que j’ai appris à considérer l’échec comme une condition temporaire. En considéran­t chaque incident comme une série d’expérience­s, j’ai pu éviter d’intérioris­er ma situation comme une mesure de ma propre valeur.

N’oubliez pas que l’échec et l’innovation vont souvent de pair. Prenez l’entreprise Rovio, par exemple. Avant d’atteindre des sommets avec la création de sa franchise Angry Birds [jeu vidéo décliné en de nombreux produits dérivés, ndt], elle a passé six ans à développer et à commercial­iser 51 jeux qui n’ont pas rencontré le succès, et elle a même failli faire faillite.

Puis, tout a changé lors de leur 52e essai.

Comme dit le proverbe, la route vers le succès n’est pas une ligne droite. Certaines entreprise­s font de grosses erreurs, mais ce sont souvent ces tentatives qui les ont amenées à trouver les meilleures solutions.

Pour moi, les faux pas que j’ai faits m’ont beaucoup appris sur l’esprit d’entreprise, le développem­ent de logiciels et la création d’une culture dont je peux être fier aujourd’hui. Mais surtout, ils m’ont permis d’en apprendre davantage sur moi-même et sur ma propre résilience.

Concentrez-vous sur votre “arène”

Dans l’un de ses discours les plus cités, l’ancien président Theodore Roosevelt a écrit ce qui suit : “Ce n’est pas le critique qui compte ; ce n’est pas l’homme qui souligne comment l’homme fort trébuche, ou à quel endroit l’auteur des actes aurait pu mieux les faire. Le mérite revient à l’homme qui est réellement dans l’arène, dont le visage est entaché de poussière, de sueur et de sang ; qui s’efforce vaillammen­t ; qui se trompe, qui échoue encore et encore, car il n’y a pas d’effort sans erreur et sans défaut”.

Tout cela pour dire que l’échec ne doit pas être la fin de quelque chose, mais un signe que l’on essaie.

En fin de compte, peu importe le nombre de fois où nous avons trébuché, il importe que nous nous soyons révélés. Mes dernières pensées : dans la vie et au travail, concentrez-vous sur le développem­ent personnel et l’améliorati­on continue plutôt que sur la perfection. C’est la seule façon de continuer à avancer.

Dans la vie et au travail, concentrez-vous sur le développem­ent personnel et l’améliorati­on continue plutôt que sur la perfection. C’est la seule façon de continuer à avancer.

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