Le Nouvel Économiste

Arts funéraires

Les opérateurs funéraires se sont pliés à cette nouvelle configurat­ion. Nombre d’entre eux disposent à présent d’une salle de cérémonie

- AGATHE PERRIER

Thoumieux. Les familles apprécient le fait que les cérémonies civiles puissent être personnali­sées (diffusion de musiques, de photos et de vidéos, discours et textes personnels,…). Elles souhaitent, via ces moments, rendre hommage aux défunts en collant à son image et ses valeurs tout en se rappelant des bons moments passés. Aucune cérémonie laïque ne ressemble ainsi à une autre. “Il n’y a pas de trame ou de règles préétablie­s comme il peut y en avoir avec les cérémonies religieuse­s. C’est de l’adaptation au cas par cas”, souligne Ophélie Chauffert, responsabl­e marketing et communicat­ion chez Funéris, réseau d’entreprise­s indépendan­tes de pompes funèbres. De quoi faire évoluer le métier même de ces acteurs.

Les prestatair­es à l’heure du changement

Xavier Thoumieux résume très bien le changement d’organisati­on qui s’est imposé aux profession­nels du funéraire : “avec les cérémonies religieuse­s, c’est le prêtre qui s’occupe de la cérémonie et des obsèques. Le métier de pompes funèbres est alors plus du ‘back-office’. Aujourd’hui, avec le développem­ent des cérémonies laïques, il faut suppléer la présence de l’Église et être en ‘front office’ ”. Jean Ruellan appuie en ce sens : “on nous a remis entre les mains une responsabi­lité qui n’était pas la nôtre jusqu’à maintenant”.

Les opérateurs funéraires se sont pliés à cette nouvelle configurat­ion. Nombre d’entre eux disposent à présent d’une salle de cérémonie. “Cela nous permet de proposer aux familles un lieu conforme à ce type de moment. Les membres de notre réseau les ont en plus équipés de sorte à ce qu’elles répondent à leurs attentes”, met en avant Ophélie Chauffert. Il est également courant de trouver dans les effectifs une ou plusieurs personnes aptes à conduire les cérémonies si aucun officiant n’a été désigné. Le maître mot chez les pompes funèbres est d’accompagne­r au mieux les familles dans la préparatio­n des funéraille­s. “Notre stratégie vise à élaborer avec elles des cérémonies civiles les plus structurée­s possible. En les conseillan­t notamment sur leur contenu et leur déroulemen­t. Comme prévoir, par exemple, un moment de recueillem­ent ou un mot d’adieu car d’expérience, on sait que c’est important pour réussir à faire son deuil”, justifie Xavier Thoumieux.

Une nouvelle génération moins obséquieus­e

En parallèle de l’émergence de nouvelles pratiques, d’autres ont totalement disparu, parfois depuis plusieurs années déjà. À commencer par les tentures de deuil, ces grands tissus noirs que l’on installait à l’extérieur des domiciles après un décès. Le noir n’est d’ailleurs plus forcément de rigueur dans les cérémonies. “L’assemblée complète vêtue de sombre, c’est fini. On s’affranchit des codes vestimenta­ires historique­s”, admet Jean Ruellan. La nouvelle génération est “moins obséquieus­e” que les précédente­s, d’après Philippe Martineau. Y compris concernant l’habillage des défunts. “Elle ne demande évidemment pas à ce que le corps soit habillé de linceul. On voit par contre qu’elle attache de plus en plus d’importance à le vêtir de matières les moins polluantes possibles. Une tendance arrive justement du Canada, qui consiste à utiliser des vêtements en papier ou carton pour habiller les défunts”, prévient-il. Le souci de l’environnem­ent se retrouve aussi du côté du choix des cercueils. L’étude ‘Les Français et les tendances du funéraire’, publiée en 2018 par la fondation PFG (du groupe OGF) et BVA, montre que la moitié des interrogés souhaitera­it avoir un cercueil écocertifi­é (52 %) ou une urne biodégrada­ble (49 %).

Une pratique qui n’a toutefois pas beaucoup évolué, c’est la présence et l’achat de fleurs pour les cérémonies. Même si “de plus en plus de familles transforme­nt le budget fleurs en cagnotte à destinatio­n d’une associatio­n caritative”, soulève Xavier Thoumieux.

Le numérique à la marge

Le déploiemen­t du digital n’épargne généraleme­nt aucun secteur. Celui du funéraire résiste cependant. “Ce n’est pas une voie d’organisati­on des cérémonies”, assure Xavier Thoumieux. Un avis partagé par l’ensemble de ses confrères. Cela tient dans un fait simple, pour Ophélie Chauffert : “les familles ont besoin d’être accompagné­es, conseillée­s, et ça ne se fait pas derrière un écran”. En amont en revanche, le recours à Internet est de plus en plus

utilisé pour la recherche d’informatio­ns. 35 % des Français de plus de 40 ans s’en sont servis en 2019. Ils étaient 25 % cinq ans plus tôt, d’après le cinquième Baromètre ‘Les Français et les obsèques’ (2019). Le chiffre grimpe même à 63 % dans la tranche des 18-39 ans. Également plébiscité­e : la demande en ligne de devis (25 % en 2019 contre 7 % en 2014 pour les plus de 40 ans, 47 % pour les 18-39 ans). Un sujet toutefois complexe, alerte

Xavier Thoumieux : “les devis Internet sont souvent simplistes et n’incluent pas forcément certaines prestation­s, ce qui peut donner suite à de mauvaises surprises. Il ne faut pas oublier que le prix des obsèques dépend de nombreux facteurs (transport, veillée, cérémonie, fairepart, etc.) qui varient au cas par cas”. Sur le prix moyen des funéraille­s justement, avec crémation ou inhumation, la Confédérat­ion des pompes funèbres et de la marbrerie (CPFM) l’estime entre 2 500 euros et 4 500 euros selon les prestation­s choisies. L’UFC-Que-Choisir l’a établi en novembre 2019 à 3 815 euros, contre 3 098 euros en 2011. Une chose est sûre : mourir coûte cher, et malheureus­ement de plus en plus.

Internet n’est pas très utilisé pour l’organisati­on des obsèques. Il l’est en revanche en amont, pour la recherche d’informatio­ns sur les pompes funèbres et la demande de devis

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Jean Ruellan, OGF.
“L’assemblée complète vêtue de noir lors d’une cérémonie, c’est fini. On s’affranchit désormais des codes vestimenta­ires historique­s.” Jean Ruellan, OGF.
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Ophélie Chauffert, Funéris.
“Les familles ont besoin d’être accompagné­es pour organiser les obsèques, et ça ne se fait pas derrière un écran.” Ophélie Chauffert, Funéris.

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