Le monde sans fin des applis de rencontre
Pour bien choisir une appli de dating, connais-toi toi-même
La part des couples formée par le biais des applications est de plus en plus importante
La prééminence d’Internet régit désormais l’activité et les relations humaines. Communiquer, travailler, se divertir… tout cela est aussi accessible grâce au téléphone rangé avec soin dans notre poche, et plus particulièrement en période de confinement. De la même façon que le smartphone a rendu ces activités transportables en ligne, il est devenu un terminal important pour les rencontres amoureuses, via des dizaines et des dizaines d’applications plus ou moins concurrentes. Avantage sur le monde réel, le smartphone confère le don d’ubiquité et permet d’aborder rapidement une multitude de partenaires potentiels, parfois frénétiquement. Pour le meilleur, mais surtout pour de nombreux résultats. Voici quelques éléments à prendre en compte pour peut-être trouver la bonne application.
En 2020, les utilisateurs d’applications de rencontres peuvent rester connectés jusqu’à quatre heures par semaine. Et c’est le nombre de gens inscrits qui a tout changé lors de la décennie 2010. “Il y a véritablement eu un changement d’échelle”, affirmait la sociologue Marie Bergstrom, auteure de l’essai ‘Les nouvelles lois de l’amour’, sur l’antenne de France Culture en juin 2019. Ce changement d’échelle se compte en millions rien qu’en France, où une personne majeure sur trois a été ou est inscrite sur un site de dating. Et qu’on croie ou pas à cette façon de rencontrer l’âme soeur, la part des tandems formés par ce biais est de plus en plus importante. Une enquête
Toutes les exigences
de l’Ined (Institut national d’études démographiques) indiquait qu’entre 2005 et 2013, 9 % des couples s’étaient connus sur Internet, mais toujours loin du travail ou des cercles d’amis.
Dénombrer les sites qui se sont lancés dans ce business est ardu. On trouve littéralement de tout, chaque niche représente autant de promesses de succès pour le développeur que pour ses utilisateurs. Parmi ces niches, la plus célèbre en France est peutêtre Gleeden, qui s’adresse aux gens déjà en couple mais en quête d’aventures. “Nous sommes très spécifiques, confirme Solène Paillet, directrice marketing de la plateforme adultérine. Il n’y a pas d’alternative à Gleeden pour rester discret.” Le groupe annonçait fin 2019 une croissance continue avec 6 millions de membres en Europe. “Certaines applications donnent le pouvoir aux femmes, mais on trouve toutes sortes de niches comme les végétariens, les amis des animaux, les partis politiques ou encore la religion”, poursuit Solène Paillet. À cette liste peu exhaustive, on peut ajouter Grindr, l’application la plus connue dédiée aux homosexuels, ou encore GeekMeMore, réservée aux… geeks. Dès lors, le premier élément à prendre en compte lors d’une inscription est son désir. Et la réponse n’est pas toujours évidente.
Quelle rencontre cherche-t-on ?
“Il y a de tout, énormément d’applications avec beaucoup de concepts lancés chaque fois, plus ou moins qualitatifs”, résume Clémentine Lalande, directrice générale de Once, l’appli qui ne propose qu’un seul profil par jour à son utilisateur. “C’est important pour s’orienter d’être clair sur ce qu’on cherche, en fonction du public, de l’âge, si on veut du ludique, de la légèreté, de la rapidité ou du sérieux.” La diversité des objectifs est d’ailleurs l’un des écueils les plus rencontrés et les plus dévastateurs, comme
l’explique Jessica Pidoux, sociologue et doctorante à l’université de Lausanne : “sur Tinder, on ne sait pas ce que cherche l’autre, alors que d’autres applications comme Meetic ou Happn donnent ces précisions. Certains n’attendent rien, se connectent de temps en temps et ne se laissent pas prendre par le système ; mais peutêtre qu’en face d’eux il y a quelqu’un qui est dans l’attente”. Consommer des rendez-vous ou faire de vraies rencontres, telle est la grande question ! “Et là, Tinder s’est imposé sur du rapide et sur des coups d’un soir, même si des couples s’y sont formés”, témoigne Solène Paillet.
Tinder, l’étalon généraliste
Tinder est le leader du marché, la cible à abattre et sûrement le produit le plus basique aujourd’hui. Un utilisateur vient aux applis surtout par la vox populi, mais sans réel guide autre que les expériences des amis ou de connaissances. “On apprend beaucoup des pratiques sociales des amis et on constate que la majorité des utilisateurs comprend très vite les conventions d’une application”, explique Jessica Pidoux, qui fait une analyse comparative des sites en Europe et aux États-Unis, aussi bien du côté des développeurs que des utilisateurs. Une fois inscrit, on est livré à soi-même et seule la pratique permet de comprendre comment bien se présenter et mettre en ligne la meilleure version possible de soi.
“Il y a des champs prédéfinis, on ne peut pas réellement se présenter comme on le souhaiterait”, note Jessica Pidoux. “Sur Tinder, la meilleure photo [celle qui a eu le plus de likes, ndlr] est proposée en premier par l’algorithme.” Un site généraliste et basé essentiellement sur le physique ne permettra pas de mettre en avant sa propre originalité – à moins d’être aussi tout à fait photogénique. Ces passages obligatoires influenceraient la description et créeraient des biais dans les choix opérés par les algorithmes qui évaluent les profils. “C’est un système de tri et tout cela va nous proposer des résultats en accord avec ce que nous avons déjà consulté, comme on le voit dans Google avec les publicités”, dit Jessica Pidoux. Sur Tinder, les quotients de désirabilité sont ainsi nés, et les beaux sont surtout proposés aux beaux et inversement.
Algorithmes et données personnelles
“Nous avons souhaité éviter l’usage d’algorithmes qui décident à la place des utilisateurs”, assure Manuel Conejo, directeur général et fondateur d’Adopte un mec. “Nous ne voulons pas être à l’origine d’une certaine forme de déterminisme social. Les algorithmes d’IA actuels dit ‘lookalike’, à la façon des produits suggérés d’Amazon, sont des boîtes noires qui pousseraient nos utilisateurs vers des schémas répétitifs qui compromettent le brassage social naturel.” La tirade semble savamment préparée mais aborde un point sensible. “Adopte”, un des sites les plus prisés en France, veut insuffler un cadre éthique là ou certains concurrents n’en mettraient pas, avec des algorithmes, certes, mais plus “créatifs”. L’amour est souvent fait d’imprévus, après tout.
Les applications de niches font un premier grand tri pour vous, regroupant vos préférences, vos conditions sine qua non. Cela en dit alors beaucoup sur les inscrits – et donc pose la question du traitement et de la protection des données personnelles. Un bon nombre de plateformes sont interconnectées, et donc s’échangent les données personnelles toujours à des fins publicitaires. Lorsqu’on vous propose d’inscrire votre compte Instagram ou Facebook, des informations personnelles vont transiter de l’une à l’autre. Se renseigner sur les conditions générales de vente peut constituer un excellent critère de choix, même si leur lecture est fastidieuse et les informations volontairement opaques. “Adopte ne revend aucune information, contrairement à la concurrence qui se vantait il y a peu d’avoir plus de 175 critères sur ses abonnés, dont certains assez sensibles comme la religion”, dénonce Manuel Conejo. “C’est une vraie trahison de payer un service, remplir un profil amoureux et de se retrouver vendu à des marques.”
Freemium ou payant ?
La grande majorité des sites est payante mais chacun a une particularité, de sorte que si l’inscription est bien gratuite, un paiement est requis pour profiter pleinement du service. C’est ce qu’on appelle le freemium. C’est le cas de Once, Grindr, Happn ou encore Tinder. Le prix à payer est bien souvent proportionnel à l’âge moyen des utilisateurs de la plateforme. D’autres sites comme Gleeden ou Adopte Un Mec sont gratuits pour les femmes et payants pour les hommes. Une façon d’opérer une sélection parmi les utilisateurs afin de n’attirer que des hommes réellement motivés.
La gratuité pour les femmes a tout d’un appât plutôt qu’une galanterie. Leur proportion est largement inférieure à celle des hommes sur les applications de dating. “Aucune marque ne communique là-dessus mais la proportion est très largement masculine”, confirme Clémentine Lalande. “Pour les applications de ‘sweeping’ [comme Tinder, où l’on passe d’un profil à l’autre en faisant glisser l’écran avec le pouce, ndlr], c’est même du 15-85 %. Pour Once, c’est plutôt 40-60 %”. À partir d’un certain âge, la tendance s’inverse. Ces disparités provoquent un fonctionnement opposé entre les sexes toujours qu’il est bon de garder en tête : les hommes sélectionnent tous les profils ou presque et sont sélectifs après le “match”. Devant l’étendue du choix, les femmes sont sélectives dès le départ.
La proportion des femmes est largement inférieure à celle des hommes sur les applications de dating