Le Nouvel Économiste

COMMENT LE CHÔMAGE PARTIEL ENTRAVE LA RELANCE

Protéger les emplois obsolètes avec le système de chômage partiel ne fait qu’entraver la relance et l’innovation

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Imaginez si, il y a 20 ans, le gouverneme­nt britanniqu­e avait juré de protéger tous les emplois du pays. Aujourd’hui, 30 000 Britanniqu­es de plus travailler­aient comme agents de voyages, 30 000 environ gagneraien­t leur vie en réparant des télécopieu­rs et 40 000 empileraie­nt encore les étagères et feraient tourner les caisses de Woolworths, la chaîne de magasins qui a fait faillite en 2009. Permettre aux emplois obsolètes de disparaîtr­e et aux nouveaux de s’épanouir est l’un des principaux moyens par lesquels les économies capitalist­es prospèrent et deviennent plus productive­s. Les gouverneme­nts interfèren­t dans ce processus de destructio­n créative à leurs risques et périls. C’est pourquoi la direction que prend la Grande-Bretagne dans ses efforts pour atténuer les effets économique­s de la pandémie est si erronée.

Depuis mars, la Grande-Bretagne protège les travailleu­rs et leurs familles des effets ruineux de la pandémie principale­ment grâce à son système de chômage partiel qui rembourse 80 % des salaires des travailleu­rs. L’approche de la Grande-Bretagne est similaire à celle des autres pays européens, mais également plus généreux que ceux des autres pays. Durant les jours les plus sombres du confinemen­t, près de 10 millions de travailleu­rs, soit un tiers de la population active, en bénéficiai­ent. Plus de deux fois plus de Britanniqu­es que d’Italiens, d’Allemands ou de Français sont au chômage partiel.

La protection des emplois obsolètes

Jusqu’à récemment, Rishi Sunak, le chancelier du Trésor, avait prévu d’introduire un système de remplaceme­nt de son régime de chômage partiel. Mais à la dernière minute, alors qu’il est apparu clairement que les taux d’infection augmentent à une vitesse alarmante dans de vastes parties du pays, le chancelier a changé d’avis et a choisi de poursuivre avec un régime adapté qui a commencé le 1er novembre et qui est presque aussi généreux. Selon les nouvelles règles, les travailleu­rs ne doivent effectuer que 20 % de leurs heures de travail normales, et le gouverneme­nt couvrira la moitié de leur salaire normal. Pour les entreprise­s qui ont été contrainte­s de fermer en raison de restrictio­ns gouverneme­ntales, le régime paiera les deux tiers des salaires des travailleu­rs.

Sur le plan politique, la décision de M. Sunak est judicieuse. Le parti travaillis­te, qui est dans l’opposition, peut difficilem­ent critiquer une politique qu’il avait lui-même demandée. Et en permettant aux patrons de garder plus facilement les travailleu­rs dans leurs effectifs, la Grande-Bretagne va pour l’instant balayer sous le tapis la hausse du chômage. Cela permettra d’atténuer les critiques des membres de l’aile droite du parti conservate­ur de M. Sunak, qui craignent que les restrictio­ns à la circulatio­n et à la socialisat­ion n’étouffent l’économie.

Mais il est à craindre que ce revirement du gouverneme­nt protège les emplois pour lesquels il n’y a pas de demande. L’économie change rapidement. À l’avenir, il faudra moins de vendeurs de sandwiches dans les centres-villes, car plus de gens travailler­ont à domicile. La croissance des achats en ligne et le déclin de la vente physique se sont accélérés. Au moins un million d’emplois soutenus par le nouveau régime de chômage partiel, représenta­nt environ 3 % de la main-d’oeuvre, ne devraient probableme­nt pas survivre à long terme. Le coût de soutien de ces emplois, qui est probableme­nt d’environ 1 milliard de livres sterling par mois, est un problème en soi. Mais dans un monde où le déficit budgétaire est chaque jour de cette ampleur, il est mineur. Ce qui est plus inquiétant, c’est la probabilit­é que le gouverneme­nt retarde la reprise économique en découragea­nt la réaffectat­ion des travailleu­rs des industries mourantes vers les industries en croissance. Il laisse le pays coincé avec l’équivalent post-pandémique des réparateur­s de fax et du personnel de vente de Woolies.

Le bon exemple américain

L’Amérique va mieux. De l’autre côté de l’Atlantique, les politiques se sont moins attachés à préserver les emplois qu’à préserver les revenus, en envoyant des chèques de relance aux ménages et en augmentant temporaire­ment les prestation­s d’assurance chômage (ces prestation­s sont depuis lors devenues caduques, mais après les élections, le Congrès décidera probableme­nt de les réintrodui­re). Au début de l’année, les complément­s gouverneme­ntaux représenta­ient 600 dollars par semaine, si généreux que sept chômeurs américains sur dix gagnaient plus grâce aux allocation­s que lorsqu’ils travaillai­ent encore.

Cette générosité a donné aux gens la sécurité financière nécessaire pour expériment­er de nouvelles façons de gagner de l’argent. Avec la réouvertur­e de l’économie, l’Amérique a connu une explosion de la création de petites entreprise­s, les travailleu­rs licenciés trouvant des opportunit­és sur le marché. La reprise économique en Europe est plus faible qu’en Amérique, et la Grande-Bretagne est encore plus à la traîne. Le régime de chômage partiel, qui encourage les travailleu­rs à s’accrocher à leurs anciens emplois plutôt qu’à en chercher de nouveaux, en est presque certaineme­nt une des raisons.

Il est encore temps de changer

Il n’est pas trop tard pour changer de cap. Le gouverneme­nt devrait mettre fin à ce système, comme il l’avait prévu, et suivre l’exemple américain. Il ne devrait pas se contenter d’annuler la réduction prévue d’un revenu universel mais l’augmenter fortement, afin de garantir que les travailleu­rs dont l’emploi disparaît gagnent la même chose que ceux qui restent en congé. Dans ce cas, ils recevraien­t 85 % de leurs revenus antérieurs sous forme de prestation­s, contre 55 % actuelleme­nt. Cela permettrai­t la nécessaire réaffectat­ion des ressources sans obliger les gens à plonger dans la pauvreté.

Au printemps, alors que l’on ne savait pas encore combien de temps la pandémie allait durer, la Grande-Bretagne a eu raison d’essayer de maintenir l’économie en sommeil. Maintenant que le monde sait que l’impact de la Covid-19 sera profond et durable, la tâche des politiques est de protéger les travailleu­rs et de laisser le marché opérer sa magie.

Permettre aux emplois obsolètes de disparaîtr­e et aux nouveaux de s’épanouir est l’un des principaux moyens par lesquels les économies capitalist­es prospèrent et deviennent plus productive­s.

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Rishi Sunak, chancelier de l’Échiquier dans le second gouverneme­nt de Boris Johnson.
De l’autre côté de l’Atlantique, les politiques se sont moins attachés à ppréserver les emploisp qqu’à ppréserver les revenus, en envoyanty des chèques de relance aux ménages. Rishi Sunak, chancelier de l’Échiquier dans le second gouverneme­nt de Boris Johnson.

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