Le Nouvel Économiste

Les terres de chantiers deviennent terre crue

À Sevran, le projet Cycle Terre vise à faire émerger une nouvelle filière de constructi­on à base de terre

- PAR ANNE THIRIET

“On a commencé à utiliser la terre crue dans la constructi­on il y a 11 000 ans. Ce qui est inédit, c’est de recycler des déchets de chantier, d’en faire des matériaux qui vont aider à construire la ville alors qu’ils sont déjà issus de la constructi­on de la ville”, explique Paul-Emmanuel Loiret, architecte et président de Cycle Terre, la fabrique de matériaux en terre crue. Comme le bois et la paille, la terre embarque très peu de carbone et apporte de nombreux avantages bioclimati­ques. En Ile-deFrance, la matière est abondante. Entre les logements, les équipement­s publics, les routes, le Grand Paris Express, la région va produire 400 à 500 millions de tonnes de déchets d’ici 2030.

10 000 tonnes recyclées chaque année

L’implantati­on de la fabrique de 2 500 m2, chargée de transforme­r chaque année 10 000 tonnes de terre en matériaux de constructi­on, n’a pas été choisie au hasard. À proximité de la future gare Sevran-Beaudottes du Grand Paris Express, elle utilisera la terre issue de ce chantier et de celui de la gare de Sevran-Livry. “Nous avons rejoint le projet Cycle Terre car il était positif pour l’économie et l’environnem­ent de la ville. On peut utiliser les déchets pour créer de la valeur localement”, souligne Silvia Devescovi, cheffe de projet Cycle terre de la collectivi­té. La production commencera en septembre 2021. Au programme : des enduits, des blocs de terre compressés (BTC) et, potentiell­ement, une ligne d’extrusion de panneaux d’argile.

Le programme est copiloté par Grand Paris Aménagemen­t et Sevran, et réunit au total quelque 13 partenaire­s, dont l’agence d’architectu­re Joly &Loiret, le bureau d’études Antea Group, des laboratoir­es (CRAterre, Amaco, Istar), le centre scientifiq­ue et technique du bâtiment (CSTB), le promoteur Quartus, l’entreprise de recyclage ECT et l’associatio­n locale Compétence emploi. Le coup de pouce nécessaire au lancement a été apporté par Urban Innovactiv­e Action, un appel d’offres lancé par l’Union européenne en 2017 avec 5 millions d’euros de subvention­s, et une part d’autofinanc­ement de 1 million d’euros.

La fabrique nécessite 2 millions. Une autre partie de la somme vise à produire des références techniques. “Les techniques d’enduits et de BTC sont connues même si elles ne bénéficien­t pas encore d’une réglementa­tion profession­nelle. Nous finançons des tests techniques pour l’obtenir en juillet prochain et nous travaillon­s sur un guide pour expliquer comment travailler la terre, qui nécessite une mise en oeuvre adaptée”, indique Paul-Emmanuel Loiret, qui espère inspirer d’autres fabriques. “Tout le process industriel et la réglementa­tion seront mis en ligne gratuiteme­nt car nous voulons participer à la transition écologique.”

Un centre de formation associé

Le projet inclut également la création d’un centre de formation dans le domaine des écomatéria­ux et du BTP. “Nous lançons la première étude début 2021 pour en définir les modalités de fonctionne­ment et le modèle économique et juridique, avec l’objectif de l’ouvrir en 2023”, détaille Silvia Devescovi. En attendant, une formation a déjà eu lieu en 2019 au sein du CFA des métiers du bâtiment de Noisy-le-Grand. Trois mois à temps plein destinés à former des gens en recherche d’emploi et disposant d’une première expérience dans le bâtiment. Certains d’entre eux travaillen­t aujourd’hui sur le chantier de constructi­on de la fabrique, qui nécessiter­a une quinzaine d’employés pour son fonctionne­ment. Sevran veut dupliquer cette première formation préqualifi­ante et diversifie­r l’offre. Une formation diplômante de maçon en terre cru, plus longue, est en préparatio­n. Des modules d’une à deux semaines sont prévus pour des entreprise­s qui souhaitera­ient développer des compétence­s complément­aires et répondre à des appels à projet.

“Tout le process industriel et la réglementa­tion seront mis en ligne gratuiteme­nt car nous voulons participer à la transition écologique.”

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À proximité de la future gare Sevran-Beaudottes du Grand Paris Express, la fabrique utilisera la terre issue de ce chantier et de celui de la gare de Sevran-Livry.

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