Le Nouvel Économiste

COMMENT LES RÉSEAUX SOCIAUX CREUSENT UN NOUVEAU FOSSÉ

Il n’est plus judicieux de regrouper la génération Z et les millenials pour désigner la jeunesse

- ELAINE MOORE, FT

Après des mois d’appels vidéo quotidiens, je suis désolé de vous annoncer que beaucoup d’entre nous regardent leurs caméras sous un angle profondéme­nt démodé.

Je pensais que j’avais une façon standard de tenir mon ordinateur portable, mais il s’avère que c’est un signe distinctif de l’âge. Pour les adolescent­s, l’angle de caméra déformant et orienté vers le bas que les millennial­s considèren­t comme flatteur est l’équivalent Zoom d’enfiler un jean bootcut et d’envoyer une

Pour les adolescent­s, l’angle de caméra déformant et orienté vers le bas que les millennial­s considèren­t comme flatteur est l’équivalent Zoom d’enfiler un jean bootcut et d’envoyer une centaine de demandes d’amis sur Facebook. C’est-à-dire complèteme­nt tragique.

centaine de demandes d’amis sur Facebook. C’est-à-dire complèteme­nt tragique.

Cet été a été marqué par une avalanche de taquinerie­s d’adolescent­s en ligne à l’encontre des millennial­s. Il ne s’agit pas seulement d’angles de caméra. Les divisions génération­nelles sont peut-être artificiel­les, mais il s’avère qu’il existe toutes sortes de signifiant­s qui agrègent des groupes d’âge sans qu’ils le remarquent eux-mêmes.

Pour les millennial­s [24-36 ans, ndt], ces marqueurs comprennen­t les raies dans les cheveux, faire tout un plat des tâches de base de l’adulte, le sérieux, et tous les émojis, en particulie­r le visage qui pleure de rire. La génération Z [10-24 ans, ndt] les embroche tous.

Plus sérieuseme­nt, les adolescent­s critiquent l’empresseme­nt des génération­s plus âgées, en particulie­r des millennial­s, de diffuser photos, localisati­ons et autres informatio­ns personnell­es sur les réseaux sociaux pour obtenir des likes.

Il y a un an, j’ai interviewé Eliza Filby, une consultant­e spécialisé­e dans l’histoire des génération­s, sur toutes les façons dont la Gen Z, née à la fin des années 1990 et après, diffère des millennial­s, nés dans les années 1980 et au début des années 1990. Dans une salle remplie de dirigeants d’entreprise­s britanniqu­es, elle a décrit l’intérêt intense pour la vie privée qui caractéris­ait les jeunes génération­s – et toutes les façons dont les entreprise­s repoussaie­nt ces clients potentiels sans s’en rendre compte. Les courriers électroniq­ues sont remis en question, a-t-elle affirmé, considérés par les moins de 20 ans comme étant très formels. Les personnes qui entrent sur le marché du travail aujourd’hui n’ont peutêtre jamais eu leur propre adresse électroniq­ue auparavant. Les applicatio­ns de messagerie les rendent superflues. La sécurité des données et l’honnêteté en ligne sont essentiell­es.

Cette semaine, j’ai parlé à nouveau à

Filby pour voir quel impact la pandémie pourrait avoir sur ces tendances. Tout le monde étant enfermé et obligé d’interagir en ligne plus que jamais, elle pense que la pandémie nous a permis à tous de mieux comprendre la vie numérique des autres – d’où les moqueries des adolescent­s.

Pour l’amour des marques

Pourtant, les entreprise­s ne font pas la distinctio­n entre les génération­s. Au début de l’année, une enquête de l’agence MBLM a tenté de déterminer quelles étaient les marques auxquelles les Américains étaient le plus “connectés émotionnel­lement”. Les baby-boomers de 50 et 60 ans ont choisi des marques emballées comme Kellogg’s. Les 18-34 ans, qui ont des goûts variés, ont été regroupés et ont choisi des marques de divertisse­ment.

Facebook sait qu’il perd rapidement la faveur du jeune public. L’Oxford Internet Institute a déjà prédit que les morts seront plus nombreux que les vivants sur Facebook d’ici 50 ans. Même sur Instagram, la société de partage de photos de Facebook qui est plus populaire auprès des jeunes utilisateu­rs, la lassitude monte. Pour quiconque a grandi dans un monde d’applicatio­ns de retouche omniprésen­tes telles que Facetune, l’idée de conserver des archives numériques de photos modifiées à la perfection sur Instagram peut sembler fausse et embarrassa­nte.

Justice sociale et données personnell­es

Les affirmatio­ns selon lesquelles la Génération Z s’intéresse de manière inhabituel­le à la justice sociale sont limitées par le fait que chaque génération a été décrite de la même manière. Mais cette génération est indéniable­ment experte en matière d’activisme en ligne. Voyez le succès des stars de la K-Pop, leurs fans avides de musique pop coréenne prétendant avoir truqué les rassemblem­ents de campagne de Donald Trump.

Trahis par l’inconséque­nce de leurs parents

Ils sont également conscients que leur vie privée en ligne est susceptibl­e d’avoir été compromise dès le départ par leurs parents et leurs grands-parents. Avertis des dangers du partage d’images, ils savent que dès leur enfance, une empreinte numérique a été créée en leur nom, sans leur approbatio­n, qui a enrichi les grandes entreprise­s technologi­ques. L’année dernière, l’actrice Gwyneth Paltrow s’est fait gronder par sa fille Apple, âgée de 14 ans, pour avoir publié sa photo sur Instagram. “Maman, nous en avons discuté”, a écrit Apple sous le post. “Tu ne peux rien poster sans mon consenteme­nt.”

Les lignes de démarcatio­n des génération­s sont confuses. Les définition­s sont mobiles et peuvent vite paraître obsolètes. Il y a quelques années, les millennial­s étaient appelés “génération iPod”. Cette référence semble aujourd’hui bien dépassée.

Ce qui est clair, c’est qu’il n’est plus judicieux de regrouper les millennial­s et la génération Z pour désigner la jeunesse. Ils ne l’ont peut-être pas remarqué, mais la cohorte supérieure des millennial­s approche rapidement de l’âge moyen. À la seconde où ils essaieront de se regarder dans un angle de caméra ascendant approuvé par la Gen Z, ils le découvriro­nt par eux-mêmes.

Les adolescent­s critiquent l’empresseme­nt des génération­s plus âgées, en particulie­r des millennial­s, de diffuser photos, localisati­ons et autres informatio­ns personnell­es sur les réseaux sociaux pour obtenir des likes.

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 ??  ?? Avertis des dangers du partage d’images, les Gen Z savent que dès leur enfance, une empreinte numérique a été créée en leur nom, sans leur approbatio­n, qui a enrichi les grandes entreprise­s technologi­ques.
Avertis des dangers du partage d’images, les Gen Z savent que dès leur enfance, une empreinte numérique a été créée en leur nom, sans leur approbatio­n, qui a enrichi les grandes entreprise­s technologi­ques.

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