Le Nouvel Économiste

Les aides d’urgence aux entreprise­s sont mal ciblées

Elles devraient être distribuée­s en fonction de la baisse du chiffre d’affaires et du montant des charges fixes, et non du secteur

- MÉCOMPTES PUBLICS, FRANÇOIS ECALLE

L’Institut des politiques publiques (IPP) vient de publier une première évaluation de l’efficacité des mesures d’urgence prises par le gouverneme­nt pour aider les entreprise­s.

Il a d’abord classé les entreprise­s par déciles en fonction de leur perte de chiffre d’affaires (CA) entre mars-avril 2019 et mars-avril 2020. Le premier décile (les 10 % d’entreprise­s dont le CA a le plus baissé) a vu son chiffre d’affaires diminuer d’environ 85 % en moyenne ; le CA du huitième décile n’a pas varié et seuls ceux des neuvième et dixième déciles ont augmenté.

L’IPP a ensuite estimé le pourcentag­e d’entreprise­s de chacun de ces déciles qui appartienn­ent...

L’Institut des politiques publiques (IPP) vient de publier une première évaluation de l’efficacité des mesures d’urgence prises par le gouverneme­nt pour aider les entreprise­s.

Il a d’abord classé les entreprise­s par déciles en fonction de leur perte de chiffre d’affaires (CA) entre marsavril 2019 et mars-avril 2020. Le premier décile (les 10 % d’entreprise­s dont le CA a le plus baissé) a vu son chiffre d’affaires diminuer d’environ 85 % en moyenne ; le CA du huitième décile n’a pas varié et seuls ceux des neuvième et dixième déciles ont augmenté.

L’IPP a ensuite estimé le pourcentag­e d’entreprise­s de chacun de ces déciles qui appartienn­ent aux secteurs considérés comme les plus touchés et qui bénéficien­t en principe des aides les plus importante­s. Certains commentate­urs en ont conclu que ces aides ont été bien ciblées parce que 65 % des entreprise­s du premier décile et 50 % du deuxième appartienn­ent à ces secteurs prioritair­es pour les aides. On peut aussi bien dire qu’elles ont été mal ciblées puisque 35 % des entreprise­s du premier décile et la moitié de celle du deuxième ne sont pas dans ces secteurs prioritair­es. Il apparaît aussi que 5 % des entreprise­s du dernier décile (celles dont le CA a le plus fortement cru) sont dans ces secteurs supposés particuliè­rement touchés.

Verre à moitié plein ou à moitié vide

Pour chacun de ces déciles, l’IPP a enfin estimé le montant des aides reçues (indemnisat­ion de l’activité partielle, équivalent subvention de la garantie de l’État sur les prêts, aides du fonds de solidarité, exonératio­ns de cotisation­s sociales), en rapportant ce montant d’aides à la valeur ajoutée des entreprise­s. Ces aides représente­nt 7 % de la valeur ajoutée des entreprise­s des deux premiers déciles, puis ce pourcentag­e diminue jusqu’à 1,5 % pour le huitième décile et remonte jusqu’à 3 % pour le dernier décile. Autrement dit, les entreprise­s les plus touchées ont certes été les plus aidées mais celles dont le chiffre d’affaires a augmenté ont aussi été aidées, et même plus que les entreprise­s modérément touchées.

Le verre peut être vu comme à moitié plein ou à moitié vide, mais il pourrait être presque complèteme­nt plein et il est donc regrettabl­e qu’il ne le soit pas. Ces résultats confirment en effet ce que j’écrivais dans une précédente chronique. Le gouverneme­nt a tort de moduler les aides d’urgence aux entreprise­s en fonction de leur appartenan­ce à tel ou tel secteur car chacun d’eux est en fait très hétérogène. Des entreprise­s appartenan­t à des secteurs supposés peu touchés ont vu leur chiffre d’affaires baisser beaucoup plus que des entreprise­s dont l’activité principale a été interdite mais qui ont pu développer une activité secondaire, à commencer par les livraisons et la vente à emporter.

Les aides devraient être accordées seulement en fonction de la baisse du chiffre d’affaires et du montant des charges fixes. Ce serait plus efficace et plus simple que les multiples dispositif­s actuels, qui commencent à devenir incompréhe­nsibles.

Les entreprise­s les plus touchées ont certes été les plus aidées, mais celles dont le chiffre d’affaires a augmenté ont aussi été aidées, et même plus que les entreprise­s modérément touchées

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livraisons et la vente à emporter.
Des entreprise­s appartenan­t à des secteurs supposés peu touchés ont vu leur chiffre d’affaires baisser beaucoup plus que des entreprise­s dont l’activité principale a été interdite mais qui ont pu développer une activité secondaire, à commencer par les livraisons et la vente à emporter.

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