Pourquoi les sanctions économiques américaines n’ont plus d’effets
Elles ne font que renforcer les pouvoirs en place et susciter de nouvelles alliances
“Les nations n’ont pas d’amis ou d’alliés permanents, elles n’ont que des intérêts permanents” dixit Lord Palmerston, Premier ministre et Secrétaire aux affaires étrangères britannique sous la reine Victoria. Ces mots résonnent fortement dans l’histoire liant les États-Unis et le Moyen-Orient dans laquelle les alliances n’ont eu de cesse de changer, à l’instar des relations impliquant l’Iran et Israël. Ces derniers étaient en effet des alliés stratégiques des États-Unis au MoyenOrient jusqu’à la révolution islamique en 1979, qui a redistribué les cartes. Depuis lors, les États-Unis, ont reporté leur attention sur l’Iran, dont la place de choix et la force historique a toujours effrayé les monarchies du golfe Persique. D’autres pays ont également fait l’objet du courroux américain dont Cuba, le Venezuela et plus récemment les rebelles houthis au Yémen.
Un outil surexploité par les ÉtatsUnis pour forcer les négociations
Les sanctions américaines ont dès le départ été utilisées afin d’amener de force les différents acteurs politiques à la table des négociations. En 2015 par exemple, les sanctions économiques à l’encontre de l’Iran avaient poussé Téhéran à participer aux négociations et à signer l’accord sur le nucléaire (JCPOA) en échange de son retour sur les marchés internationaux. Mais sous l’administration Trump, les dizaines
Les sanctions américaines ont dès le départ été utilisées afin d’amener de force les différents acteurs politiques à la table des négociations
de rounds de sanctions contre l’Iran, les centaines de désignations d’Iraniens ou d’entreprises sur la liste noire ainsi que la politique de nonnégociation vis-à-vis de l’Iran ont participé au processus d’érosion du mécanisme de sanctions. Or, la souplesse dans les négociations est primordiale pour parvenir à un succès politique et diplomatique. Les négociations secrètes à Oman en 2013, dont l’objectif était de renouer des relations et trouver une issue sur le nucléaire, n’auraient pas été un succès sans un assouplissement de la part des États-Unis menés par Barack Obama à cette époque, accompagné de son vice-président Joe Biden.
Des sanctions économiques stériles d’un point de vue politique
Bien que l’effet du rouleau compresseur américain ait été incontestablement destructeur pour les économies iraniennes et vénézuéliennes, la politique de “pression maximale” exercée religieusement par l’administration Trump, et ce jusqu’aux derniers jours du mandat du 45e président, n’a pas eu les effets escomptés sur les gouvernements iranien et vénézuélien. L’Iran, principale cible de Washington depuis l’administration Clinton, mais surtout depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2017, tel le roseau dans la fable de Jean de La Fontaine, a plié sans rompre sous les coups américains et la crise de la Covid-19, résisté sans courber le dos et attendu la fin du mandat de Donald Trump. Malgré une situation économique des plus compliquées, la position du régime iranien n’a donc pas bougé d’un iota. Sur la même note, les négociations menées au Venezuela, qui portaient uniquement sur les modalités de sortie de Nicolás Maduro, ont été un échec, faute de souplesse et d’ouverture dans les négociations de la part de Washington.
Les sanctions économiques ne semblent donc pas avoir d’effet pour renverser un régime ou même le faire infléchir. Pourtant, tel est bien le but des lois politiques d’Amato Kennedy (pour l’Iran et la Libye) et Helms-Burton (pour Cuba) encadrant l’extraterritorialité. En effet, l’interdiction pour les entreprises américaines (sanctions primaires) et étrangères (sanctions secondaires) de commercer avec les “rogue states” (États voyous) avait pour finalité de créer une pression économique si forte – en plaçant de facto les États ciblés hors de la communauté internationale – que les peuples seraient tentés de renverser eux-mêmes leurs dirigeants afin de mettre un terme à l’hémorragie économique.
Par ailleurs, les sanctions économiques semblent être des mesures faisant l’objet de tractations politiques. En effet, la loi HelmsBurton de 1996 a été votée sous Clinton alors que celui-ci se représentait à la présidence des ÉtatsUnis et essayait de démontrer que sa priorité était la défense des intérêts américains. Le renforcement des sanctions économiques sous Donald Trump faisait partie de son programme, qu’il a consciencieusement appliqué afin de satisfaire son électorat et pouvoir prétendre à un second mandat. Toutefois, l’échec cuisant de ces sanctions retentissantes a certainement participé au baroud de déshonneur de celui-ci à la fin de son mandat.
En outre, l’effet pervers des sanctions américaines – qu’il est important de mettre en lumière – est le renforcement des régimes en place, qui profitent du chaos économique et de la cristallisation des tensions pour entériner leur mainmise sur leur pays. Les élites politiques, par exemple les Gardiens de la révolution en Iran, ont pu s’enrichir durant la période des sanctions imposées à l’Iran en augmentant leur contrôle sur les canaux de distribution et en éliminant les concurrents extérieurs dans l’économie du pays.
Des sanctions désastreuses d’un point de vue économique et humain
La guerre économique menée sans merci n’a certes pas été un succès au niveau politique, mais a provoqué en revanche des dégâts colossaux au niveau économique et humanitaire dans les pays ciblés par les sanctions. L’Iran par exemple est en récession économique depuis trois ans, après que le prix du baril de pétrole a drastiquement chuté, de même que le nombre de barils exportés du fait du retrait américain de l’accord nucléaire en mai 2018, le tout entraînant une forte inflation. Les sanctions sectorielles ont affecté la vie des Iraniens qui ont enduré une pénurie sévère de denrées alimentaires et de médicaments, encore plus meurtrière en période de crise sanitaire mondiale. La classe moyenne s’est appauvrie et la diaspora iranienne présente dans le monde s’est retrouvée impuissante face à la situation de son pays d’origine puisque tout contact avec les banques extérieures a été coupé.
Quant au Venezuela, qui a pour similitude avec l’Iran d’avoir une économie principalement pétrolière, il est en grande difficulté en raison de la privation des financements américains, de l’interdiction d’importations notamment de produits alimentaires et de médicaments, mais également de gasoil pour les véhicules et ambulances dans le pays – un comble pour un pays pétrolier. Des exemptions ont été progressivement mises en place pour la nourriture et les produits de première nécessité, notamment par l’Allemagne, le Royaume-Uni et la France après le retrait américain du JCPOA en 2018. Mais cette demi-solution n’a pas réussi à résoudre le vrai problème économique touchant les deux pays : l’impossibilité d’exporter leur pétrole. En sus, des dommages importants sont à déplorer dans d’autres nations alliées comme le Yémen, où les dirigeants houthis sont les alliés de l’Iran.
Iran – Venezuela – Chine – Corée du Nord : le corridor anti-sanctions
Dès le mois de mai 2020, alors que les salves de sanctions américaines ne laissaient aucun répit aux peuples iranien et vénézuélien, l’Iran a décidé de mettre en place un corridor “anti-sanctions”, impliquant le Venezuela, l’Iran, la Chine et la Corée du Nord. La coalition émergente fait tourner ce corridor à plein régime, sous les yeux des Américains, en partageant notamment ses connaissances dans les domaines militaires et du renseignement, de l’économie et de la cybercriminalité. La Chine, bien consciente d’être
L’effet pervers des sanctions américaines est le renforcement des régimes en place, qui profitent du chaos économique et de la cristallisation des tensions pour entériner leur mainmise sur leur pays
indispensable aux États-Unis d’un point de vue économique, a très tôt soutenu les efforts iraniens et vénézuéliens pour défendre leur souveraineté face aux sanctions américaines, dénonçant une ingérence illégale au regard du droit international de la part de Washington. Après la fin du passe-droit accordé à la Chine et à la Turquie pour les exportations, la Chine a bravé le risque de rétorsion et est vite devenue le principal receveur des exportations vénézuéliennes et iraniennes, notamment de pétrole, qui représentent plus que la moitié des exportations des deux pays. Ainsi, chaque jour, des centaines de milliers de barils iraniens (au lieu de 1,5 million auparavant) et plus de 2 millions de barils de brut vénézuélien ont été achetés par la Chine. Ce soutien aux ennemis des États-Unis n’a pas été sans conséquences pour la Chine, qui certes est devenue le maillon indispensable du circuit anti-sanctions américaines, mais s’est vue imposer des sanctions notamment à l’égard de la société chinoise China National Electronics Import & Export Corporation ( CEIEC) pour avoir soutenu le président vénézuélien Nicolás Maduro. La lutte anti-sanctions américaines ainsi engagée a amené le chef d’État vénézuélien à manifester sa volonté de restructurer son armée avec l’aide de l’Iran. Le corridor maritime anti-sanctions américaines pourrait également s’équiper de navires d’escorte chinois. Par ailleurs, de nombreux conseillers iraniens ont également investi les lieux de pouvoir au Venezuela afin de livrer leurs conseils en matière de contournement des sanctions américaines, dont les premières ont vu le jour dès 1979 en Iran, année historique de la Révolution islamique.
Obsolescence consommée des sanctions américaines
Imaginé par des militaires français, Jean Tannery et Frédéric FrançoisMarsal, durant la Première guerre mondiale, le concept de guerre économique est loin d’être récent. L’idée était de déplacer le conflit du champ de bataille au champ économique afin d’anéantir l’ennemi allemand sans perdre plus d’hommes. Le mode opératoire consistait ainsi à provoquer un rasle-bol au sein de la population afin que celle-ci demande la résolution du conflit. Les Américains, après avoir reçu l’enseignement de ce concept, l’ont repris à la lettre lors de la guerre froide, substituant ainsi l’affrontement économique à l’affrontement militaire.
Bien que le dollar ait été un vecteur puissant offert à l’Amérique pour imposer sa loi au reste du monde jusque-là, la guerre économique exercée par les États-Unis à coups de sanctions unilatérales et d’embargos, à cause d’une application abusive de l’extraterritorialité de leurs lois, semble être sur le point de décliner définitivement. L’installation durable de nouveaux concurrents et la transformation d’un monde bipolaire en un monde multipolaire ont en effet rebattu les cartes sur la scène internationale.
De plus, le contournement des transactions en dollars pour privilégier l’euro ou le yuan – utilisé notamment dans les ventes de pétrole vénézuélien à la Chine – a diminué la dépendance de ces pays au dollar. Ainsi, les ÉtatsUnis, menés par Joe Biden durant les quatre prochaines années, devront innover par rapport aux administrations Clinton, Obama, Trump qui ont usé et abusé de ce modus operandi. De plus, en raison du coup porté au leadership moral des États-Unis suite à l’inefficacité des sanctions et leur coût humain, Joe Biden devra en plus opérer avec davantage de perspicacité.
L’irréversibilité des sanctions questionnant la responsabilité de leur créateur
Les sanctions américaines s’avèrent tenaces et peut-être même rémanentes après l’administration Trump qui les a multipliées. En effet, il n’existe pas de processus permettant de faire machine arrière car ces mesures n’ont tout simplement pas été créées pour contenir une possibilité de retour ou d’assouplissement. Cependant, il est important de comprendre que si les sanctions sectorielles continuent à être imposées de manière unilatérale, des mécanismes, comme le corridor antisanctions, continueront d’être créés pour contourner les sanctions, ce qui au bout du compte ne bénéficiera à personne puisque cela engendrera une diminution de la transparence dans le système économique mondial. L’annulation de ces sanctions ou du moins leur remodelage va constituer pour Joe Biden, malgré sa longue expérience en politique étrangère, l’un des principaux défis qu’il lui faudra relever durant son mandat. Une des façons de procéder pourrait être celle de l’allégement des sanctions lié à la pandémie et l’apport d’une aide alimentaire considérable mais toutefois sans chercher à revitaliser l’économie de pays non alliés. La signature d’un nouvel accord avec l’Iran et l’organisation de sommets avec le Venezuela, Cuba et la Corée du Nord permettraient également d’éviter que ces pays ne se reposent sur des puissances concurrentes telles que la Chine et la Russie. Une chose est sûre, c’est que la question de la responsabilité inhérente au pouvoir d’imposer des sanctions doit être posée.
La guerre économique exercée par les États-Unis à coups de sanctions unilatérales et d’embargos semble être sur le point de décliner définitivement. L’installation durable de nouveaux concurrents et la transformation d’un monde bipolaire en un monde multipolaire ont en effet rebattu les cartes sur la scène internationale.
Enfant, vous rêviez de faire quel métier ?
Je m’intéressais à beaucoup de choses et je rêvais de faire beaucoup de métiers, de pilote d’avion à géologue. Puis j’ai choisi l’agriculture par passion, et finalement je me suis dirigée vers une autre passion, l’informatique.
En famille, vous parliez politique ?
Nous ne parlions pas de politique. J’ai une grande famille avec toutes les composantes politiques mais ce n’était pas un sujet de discussion familial.
À quoi ressemblait votre enfance dans le nord de la France ?
J’ai eu une petite enfance plutôt heureuse et solitaire. Puis à la période de l’adolescence, les choses sont devenues plus compliquées par rapport à ma personnalité. En fait, ça n’était pas très gai.
Après votre bac, vous faites un BTS en horticulture et ensuite des études de technicienne agricole, finalement vous êtes ingénieur informatique, puis créez votre propre société de consultante en management et organisation. C’est une reconversion totale...
J’ai fait effectivement différents métiers, j’ai travaillé dans les champs un peu partout, même dans des plantations d’agrumes. Puis j’ai fait de l’enseignement dans un lycée agricole. Puis de la formation informatique dans la distribution. J’ai ensuite passé un diplôme d’ingénieur en cours du soir, puis exercé différents métiers dans l’informatique. Ce parcours riche et expérimenté m’a rendu légitime pour faire du conseil auprès de grandes sociétés, j’ai donc créé ma propre entreprise.
Vous avez également fait votre service militaire, quel souvenir en gardez-vous ?
Paradoxalement, j’en garde un bon souvenir. J’ai eu la chance de partir à la Réunion, un autre environnement, une autre culture, une autre façon de voir les choses. Les Réunionnais sont très accueillants, il y a très peu de discrimination. Ce fut une année plutôt positive, la seule fois où j’ai pu vivre une amitié “virile”.
Dans le documentaire “Petite-fille” , Sacha, de sexe masculin, se sent déjà fille depuis l’âge de 3 ans. Pensez-vous qu’un enfant sache vraiment ce qui lui arrive et quel est le rôle des parents au coeur de cette démarche ?
Un enfant ne sait pas forcément mettre des mots mais il sait ce qu’il ressent.
J’ai vécu cela depuis ma tendre enfance. On n’a pas les mêmes goûts que les garçons, on ne sait pas jouer avec les garçons. Mais mes parents m’ont dit que j’étais un petit garçon alors je les ai crus – mais je savais que ça n’allait pas. Ce n’est pas un choix ni une lubie, toute notre psyché, notre façon d’être et de ressentir n’est pas masculine.
Cette question de transidentité, vous êtes-vous sentie une femme très tôt ?
Si quelqu’un arrive à me donner une définition de ce qu’est une femme, je pourrai répondre par oui ou par non. Je savais ce que je n’étais pas et ce que je n’aimais pas, c’était déjà important.
Une femme, c’est une dimension psychologique, culturelle avec une sensibilité, une émotion et un rôle social important. Réduire ça à des organes est d’une vulgarité totale et c’est rabaisser l’être humain à son animalité.
Nous parlons de dysphorie du genre quand il y a mal-être d’un individu lié à la différence entre son sexe assigné et son genre. Ce sujet a-t-il été compliqué à aborder avec votre entourage ?
Je n’ai jamais abordé franchement le sujet au sein de ma famille, à part une personne ou deux. Peut-être par pudeur, par peur de blesser… C’est un sujet très intime. Cette discussion, je l’ai eue avec moi-même.
Ce besoin d’urgence de devenir une femme, vous l’avez ressentie et vous avez fait des démarches pour entamer une transformation. Que ressentez-vous ?
Je l’ai vécu comme une transition progressive. Une psychologue disait “La transidentité, c’est une contrainte au changement”. C’est presque compulsif, on ne supporte pas ce qu’on est, on a besoin de changer. Alors progressivement j’ai modifié mon corps, ma façon de vivre, de m’habiller, tout en gardant un certain cloisonnement avec ma vie professionnelle. Car malheureusement, si j’affirmais ma transidentité, c’était le chômage garanti – la discrimination est très très forte.
La peur vous retient également, la peur du changement, celle d’affronter les autres, de bouleverser sa vie familiale et professionnelle… C’est un sentiment complexe. Aujourd’hui, les choses sont plus faciles pour les jeunes car il y a un véritable accompagnement, et on peut faire une transition relativement vite, en 2-3 ans. Pour moi, le processus a duré 15 ans.
On parle souvent d’inégalité entre homme et femme. Comment avez-vous vécu ce changement au coeur de ce dilemme homme/ femme ?
J’ai le privilège d’avoir vécu les deux mondes. L’homme se forge sur une enclume. On vous force à des comportements sociaux d’agressivité et de domination. Je ne suis pas comme ça, j’ai subi alors une forme de discrimination. Maintenant, je cumule les discriminations : homme, femme, transgenre et homosexuel (car beaucoup de personnes associent les deux). Aujourd’hui, la discrimination est généralisée, elle touche de nombreux types de personnes, elle touche tout le monde. Nous