Le Nouvel Économiste

Les grands marqueurs de la politique économique du quinquenna­t

Une politique de l’offre, la recherche de l’attractivi­té, le réarmement industriel et un écosystème national de l’innovation

- JEAN-MICHEL LAMY

Non, je ne regrette rien. Dans une séquence en trois temps, à l’université Paris-Saclay, devant le sommet “Choose France”, dans un dialogue avec Klaus Schwab, président exécutif du Forum de Davos, Emmanuel Macron a martelé que les grands marqueurs de la politique économique du quinquenna­t resteront vaillants pendant et après la pandémie. Avec quelque raison. N’en déplaise à beaucoup, les explicatio­ns données sur le crash de Sanofi et Pasteur pour la mise au point rapide d’un vaccin antiCovid démontrent a contrario la justesse des orientatio­ns prises pour redresser la barre...

Non, je ne regrette rien. Dans une séquence en trois temps, à l’université Paris-Saclay, devant le sommet “Choose France”, dans un dialogue avec Klaus Schwab, président exécutif du Forum de Davos, Emmanuel Macron a martelé que les grands marqueurs de la politique économique du quinquenna­t resteront vaillants pendant et après la pandémie. Avec quelque raison.

“Une nation ouverte”

N’en déplaise à beaucoup, les explicatio­ns données sur le crash de Sanofi et Pasteur pour la mise au point rapide d’un vaccin anti-Covid démontrent a contrario la justesse des orientatio­ns prises pour redresser la barre. À tous les étages, il faut construire une étroite collaborat­ion entre recherche universita­ire, grands groupes industriel­s et start-up. C’est tout le sens de la stratégie sur les technologi­es quantiques

Emmanuel Macron a jeté les passerelle­s pour refonder les bases d’un capitalism­e à bout de souffle et le remplacer par un modèle intégrant les problémati­ques de la transition écologique­gq et des inégalités. g Ce que l’Élysée appelle le “consensus de Paris”.

détaillée par le président de la République le 22 janvier à Paris-Saclay.

Face à la centaine de grands patrons étrangers réunis le 25 janvier en visioconfé­rence – et non comme l’an dernier dans la galerie de glaces de Versailles – le chef de l’État a cherché à les persuader qu’il n’y aura pas de retour en arrière. La politique de l’offre, attractive pour les capitaux étrangers et… français, est toujours à l’ordre du jour. En proie à de multiples déficits, la France a grand besoin d’investisse­urs internatio­naux pour équilibrer ses comptes et si possible bénéficier du talent technologi­que importé. La continuité sur ce plan est le pari gagnant.

Enfin, au moment où la mondialisa­tion passe en mode virtuel et où les emblématiq­ues “investisse­ments directs à l’étranger” (IDE) reculent partout, Emmanuel Macon affiche sa vision “d’une nation ouverte”. Attention, pas sur le modèle du “consensus de Washington”. Ce corpus économique des années Reagan, qui a fait les beaux jours du FMI pendant des décennies, naguère si cher aux affidés de Davos. Il s’agissait alors de serrer la vis budgétaire au nom de l’ajustement structurel, et de laisser aux capitaux la liberté d’aller et de venir sans contrainte. Aujourd’hui, le président de la République se veut le pionnier d’un renouvelle­ment de la doctrine. En lever de rideau au Davos virtuel, Emmanuel Macron a jeté les passerelle­s pour refonder les bases d’un capitalism­e à bout de souffle et le remplacer par un modèle intégrant les problémati­ques de la transition écologique et des inégalités. Ce que l’Élysée appelle le “consensus de Paris”.

Les externalit­és ignorées jusqu’à présent par les lois du marché doivent participer au fonctionne­ment de la maison commune. L’objectif est de transforme­r 2021 en année clef de la remise à jour des schémas de pensée. Le grand examen est prévu en live au prochain Forum économique mondial. Ce sera en mai, au “Davos” de Singapour.

La recherche de l’attractivi­té

Vu de France, l’essentiel pour Bercy sera de tenir ce cap en 2021. L’investisse­ment doit pouvoir rester innovant sans être englouti par “l’acquis” de l’interventi­onnisme étatique. Le reflux de la dépense publique s’accompagne­ra de projets mobilisate­urs, ou il ne sera pas. C’est l’arme de dissuasion brandie en direction de toutes les opposition­s, les unes voulant gonfler sans limite la protection sociale comme dans les fables de La Fontaine, les autres vendant des solutions axées sur la protection par la fermeture pérenne des frontières.

Dans cette perspectiv­e, maintenir un corridor séduisant pour les capitaux étrangers relève de l’intérêt général. Même s’il y a un dilemme que Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, résume : “tenir les deux bouts du raisonneme­nt et prendre en compte nos intérêts défensifs et nos intérêts offensifs, autrement dit la garantie de notre souveraine­té et la capacité de projection de nos entreprise­s”.

La politique pro-business d’Emmanuel Macron, caractéris­ée notamment par une taxation du capital ramenée à 30 % et un marché du travail déverrouil­lé, a déjà donné des résultats visibles. En 2019, le cabinet AT Kearney plaçait pour la première fois la France dans le top cinq des pays les plus attractifs. À sa façon, France Stratégie encourage cette voie en notant que “les estimation­s suggèrent qu’une baisse des impôts de production de 5 milliards d’euros conduirait à une augmentati­on de 2,3 % de la probabilit­é qu’une entreprise localise un centre de production en France”. Ce n’est pas un hasard si le plan de relance prévoit précisémen­t une diminution de cet impôt de 20 milliards sur 2021 et 2022. Un atout que l’Élysée ne veut surtout pas perdre dans la noyade annoncée du quoi qu’il en coûte. Comment, pour un investisse­ur étranger, faire ses emplettes quand le prix des entreprise­s devient artificiel ? Quelle est la vérité de fonds propres gonflés à coup de prêts participat­ifs ? Les entreprise­s “zombies”, en faillite objective, constituen­t des bataillons à risque.

Un écosystème national de l’innovation

Dans ce contexte, le positionne­ment clair et net du sommet de l’État devant les participan­ts à “Choose France” prend tout son relief. L’agenda de transforma­tion par le soutien à l’offre vise à numériser le pays et à l’équiper en nouvelles technologi­es. Le plan de relance restera en priorité un plan de réarmement industriel. Tout cela sans hausse d’impôts, ISF compris. À Paris-Saclay, le président de la République a sorti de l’anonymat une brique flamboyant­e de ce vaste programme. En l’occurrence, la “stratégie quantique” qui, littéralem­ent, comporte sa part de rêve et de réalité. Nous sommes aux confins d’un univers de science-fiction où les outils de simulation et d’optimisati­on atteignent une puissance totalement inédite. “La France pourrait devenir le premier État à disposer d’un prototype complet d’ordinateur quantique généralist­e grâce à l’investisse­ment dans notre recherche publique et privée, mais aussi grâce à des partenaria­ts industriel­s comme celui récemment conclu entre Atos et la startup Pasqal”, a proclamé le chef de l’État. Et d’ajouter : “l’attractivi­té des talents est absolument centrale dans notre stratégie”.

Voilà comment se prépare un avenir qui a sa crédibilit­é parce qu’il mise sur une alliance entre plusieurs sources de financemen­t, un socle universita­ire, un pilier industriel, le savoirfair­e technologi­que des start-up. Ainsi s’ébauche un écosystème national de l’innovation. Il est notamment épaulé par la loi de programmat­ion pluriannue­lle pour la recherche qui rehausse le financemen­t global de 15 à 20 milliards d’euros sur la période 2021-2030. Cette projection est vertement contestée par une partie du corps enseignant. Alors qu’il s’agit entre autres de débloquer les verrous ancestraux entre les “amphis” et l’initiative privée.

Le décrochage pharmaceut­ique, fruit d’une vieille culture politico-bureaucrat­ique

L’analyse signée du CAE (Conseil d’analyse économique) sur “comment combler le retard de l’innovation pharmaceut­ique” est de ce point de vue ravageuse. La France enregistre, entre 2011 et 2018, une baisse des crédits publics en R&D pour la santé de 28 %, contre une hausse de 16 % au Royaume-Uni et de 11 % en Allemagne. Le salaire d’entrée moyen dans la recherche est de 63 % de la moyenne OCDE. C’est un décrochage. Par-dessus tout, le pays est à la 32e place mondiale pour le manque de lien entre université et industrie, pendant que les start-up manquent de financemen­t. Ce n’est pas en France que Moderna aurait trouvé et les capitaux, et le partenaria­t d’une “big pharma” pour mettre au point le meilleur vaccin anti-Covid. Les revers humiliants sur les vaccins sont le fruit d’une vieille culture politico-bureaucrat­ique. Par son exemplarit­é, le programme national Macron sur le quantique y mettra peut-être un terme. C’est le lancement d’une grande politique mêlant public et privé comme le pays n’en a pas connu depuis longtemps.

Mais sans les flotteurs communauta­ires, Emmanuel Macron aurait le sentiment d’être un roi nu. Pour parvenir à ses fins au plan national, le président a besoin de l’oxygène européen. Tant qu’il y a Angela Merkel à la Chanceller­ie, jusqu’aux élections du 26 septembre, le président de la République aura des appuis pour jouer la partition géopolitiq­ue de ses voeux. Berlin est en phase pour redécouvri­r la politique industriel­le et cesser de vivre avec une UE totalement naïve. C’est un terrain favorable à une campagne macronienn­e posant les bases d’une vision commune post-Covid. Au premier semestre 2022, Paris aura la présidence de l’UE et toute opportunit­é pour vendre le consensus de… Paris.

Le programme national Macron sur le quantique est le lancement d’une grande politique mêlant public et privé comme le pays n’en a pas connu depuis longtemps.

Newspapers in French

Newspapers from France