Le Nouvel Économiste

États-Unis - Israël, un silence qui en dit long

Joe Biden ne se montre pas pressé de contacter le Premier ministre israélien, en pleine campagne électorale.

- MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI ET INÈS BELKHEIRI

Face à un nouveau président américain en exercice qui n’a pas pris le temps d’appeler son allié historique qu’est Israël et qui a déclaré être ouvert à une reprise des négociatio­ns avec Téhéran, à condition que l’Iran respecte à nouveau ses anciens engagement­s au titre de l’accord nucléaire, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, tente de garder la face au niveau diplomatiq­ue. Et ce alors qu’il est en train d’oeuvrer pour remporter les élections législativ­es qui se tiendront le 23 mars prochain en Israël.

Quatrièmes élections législativ­es en deux ans

Ces élections législativ­es – les quatrièmes en deux ans – font suite à la dissolutio­n de la Knesset, Parlement monocaméra­l israélien, en raison de l’échec du gouverneme­nt israélien à trouver un accord sur le budget du pays. Cette situation illustre ainsi l’inefficaci­té du mariage forcé, qui a duré huit mois, entre Benjamin Netanyahu et son adversaire politique le général Benny Gantz. Cette union arrangée, qui prévoyait notamment

Alors qque les Palestinie­ns ont appelé les États-Unis à oeuvrer pour la création d’une Palestine indépendan­te, Antony Blinken, ministre des Affaires étrangères de l’administra­tion Biden, a déclaré que lesÉtatsg Unis ne reviendrai­ent pas sur la décision critiquée de Donald Trump de reconnaîtr­e Jérusalem comme capitale d’Israël en lieu et place de Tel Aviv.

une rotation du poste de Premier ministre au bout de dix-huit mois et un accord sur le budget, avait en effet été décidée au printemps 2020 suite à trois élections au cours desquelles les deux rivaux étaient au coude à coude, et qui ont plongé le pays dans la plus longue crise politique de son histoire. Or, pour concrétise­r ce changement de titulaire au poste de Premier Ministre en 2021, il aurait fallu que les parlementa­ires s’entendent sur l’adoption du budget unique pour les années 2020 et 2021. Chose qui s’est avérée impossible.

Une fin du règne possible pour Benjamin Netanyahu

Dans un contexte exceptionn­el de pandémie, les politicien­s en lice devront vivre une campagne inédite dans sa forme puisque les meetings politiques ne dérogent pas à l’interdicti­on des regroupeme­nts. Les candidats s’affrontero­nt ainsi par vidéos de campagne interposée­s et sur les réseaux sociaux.

Cette campagne, qui n’est en réalité qu’un énième référendum sur leur Premier ministre, sera également marquée par l’ouverture du procès de ce dernier après avoir été plusieurs fois repoussé, suite à sa triple mise en examen pour corruption, malversati­ons et abus de confiance. Il s’agira du premier procès contre un chef de gouverneme­nt en fonction de l’histoire d’Israël. Malgré cet étau judiciaire qui se resserre sur l’actuel Premier ministre israélien, au pouvoir depuis quinze ans, le parti du Likoud, qu’il dirige, reste en tête des intentions de vote. Il bénéficie également du retour positif de la campagne de vaccinatio­n réussie en Israël grâce à sa décision de payer 40 % plus cher que d’autres pays pour une vaccinatio­n précoce. En revanche, un désaveu supplément­aire est à souligner : la diaspora juive américaine n’a pas soutenu Donald Trump lors de la dernière élection américaine, et ce malgré le soutien retentissa­nt du Premier ministre israélien au 45e président des États-Unis. Trois quarts d’entre eux ont préféré voter massivemen­t Joe Biden. Benny Gantz, quant à lui, critiqué pour avoir pactisé avec le gouverneme­nt de Netanyahu, a perdu de sa superbe au sein de son parti et ne se situerait qu’à la sixième ou septième position des intentions de votes, selon des sondages récents. La vraie menace pour Benjamin Netanyahu est ainsi son ancien ministre Gideon Saar, qui a créé en décembre dernier un nouveau parti, Tikva Hadasha, auquel on attribue la deuxième place des intentions de vote. Enfin, la montée du parti d’extrême droite menée par un autre ancien ministre, Naftali Bennett, pourrait également représente­r une menace sérieuse pour Benjamin Nentayahu.

Une relation américano-israélienn­e en danger ?

Benjamin Netanyahu, qui se targuait de sa relation privilégié­e avec Donald Trump, “le meilleur ami” que l’État hébreu n’ait jamais connu à la Maison-Blanche, a également félicité Joe Biden après sa victoire et a évoqué une “amitié chaleureus­e remontant à plusieurs décennies” avec “Joe”. Pourtant, après un mois de mandat, Joe Biden ne se montre pas pressé d’appeler le Premier ministre israélien. En pleine campagne électorale, cette abstention révélatric­e d’une tension entre les alliés historique­s fait des gorges chaudes en Israël. Les commentate­urs politiques sur place soulignent la position défavorabl­e du Premier ministre sortant. Danny Danon, ancien ministre et militant affilié au Likoud, qui occupait encore récemment les fonctions d’ambassadeu­r israélien auprès des Nations Unies, a interpellé le nouveau président des États-Unis sur son compte Twitter en énumérant les dirigeants mondiaux – dont la France, le Japon et la Corée du Sud – qu’il aurait déjà contactés depuis sa prise de fonctions : “Il serait temps de contacter le chef du gouverneme­nt du plus grand allié des États-Unis”. Cette requête a provoqué l’embarras du milieu diplomatiq­ue israélien. Selon l’entourage de Benjamin Netanyahu, cet “attentat diplomatiq­ue” serait une vengeance de Danny Danon pour avoir été tenu à l’écart de l’actuelle campagne électorale.

Le conflit israélo-palestinie­n au coeur de la future relation américano-israélienn­e

Alors que les Palestinie­ns ont appelé les États-Unis à oeuvrer pour la création d’une Palestine indépendan­te, Antony Blinken, ministre des Affaires étrangères de l’administra­tion Biden, a déclaré que les États-Unis ne reviendrai­ent pas sur la décision critiquée de Donald Trump de reconnaîtr­e Jérusalem comme capitale d’Israël en lieu et place de Tel Aviv. L’ambassade américaine y a même été transférée. Sous l’administra­tion Trump, un plan prévoyant l’annexion des territoire­s de la Cisjordani­e par Israël, et la reconnaiss­ance de la souveraine­té de l’État hébreu sur le territoire occupé du Golan syrien et en Cisjordani­e palestinie­nne, a été mis en place. Sous l’impulsion de cette administra­tion, l’État hébreu a également rendu officiels des accords de normalisat­ion avec le Maroc ainsi qu’avec les Émirats arabes unis, le Bahreïn et le Soudan. Les islamistes du Hamas et le Fatah laïc en Palestine ont dénoncé d’une voix ces accords, estimant qu’ils devraient être envisagés seulement après la résolution du conflit israélo-palestinie­n. Face à cette situation tendue, Joe Biden préconise une “solution à deux États”, peu probable au vu de l’entente des deux pays enlisés dans ce conflit. Conscient du manque de réalisme de cette solution, Joe Biden a invité les deux pays à “éviter des mesures unilatéral­es qui rendent cela encore plus complexe”. Blinken a également assuré que “l’engagement” du futur gouverneme­nt américain en faveur de la sécurité d’Israël était

“sacro-saint”.

Cependant, le rappel de David Friedman, ambassadeu­r des ÉtatsUnis à Jérusalem, défenseur reconnu de l’annexion, est peutêtre le signe d’un assoupliss­ement du plan mis en place par Trump ? Du côté de la Palestine, une élection est prévue dans la foulée des élections législativ­es en Israël. Même si la Palestine est devenue totalement dépendante d’Israël sur le plan économique, les représenta­nts politiques palestinie­ns nourrissen­t l’espoir d’une défaite de Benjamin Netanyahu qui, combinée à l’élection de Joe Biden, laisserait ses chances à une relance de la “solution à deux États”. Toutefois, aucune négociatio­n n’aboutira avant le mois de mai puisque le gouverneme­nt israélien ne sera complet et fonctionne­l à la suite des élections qu’à partir de cette date. Il s’agira peut-être de l’ébauche d’une solution, même si personne n’y croit plus.

Les représenta­nts politiques palestinie­ns nourrissen­t l’espoir d’une défaite de Benjamin Netanyahu qui, combinée à l’élection de Joe Biden, laisserait ses chances à une relance de la “solution à deux États”

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MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI
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Benjamin Netanyahu, qui se targuait de sa relation privilégié­e avec Donald Trump, “le meilleur ami” que l’État hébreu n’ait jamais connu à la Maison-Blanche, a également félicité Joe Biden après sa victoire et a évoqué une “amitié chaleureus­e remontant à plusieurs décennies” avec “Joe”.

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