Le Nouvel Économiste

Associatio­ns et fondations en 2021

Comment faire vivre la générosité des Français?

- JESSICA BERTHEREAU

Le plafond des dons dits “Coluche” a été relevé de 552 euros à 1 000 euros pour l’année 2020, une mesure qui a été prolongée cette année en raison du contexte socio-économique défavorabl­e

Plus que jamais en première ligne, les associatio­ns et fondations faisant appel à la générosité du public s’inquiètent d’une année 2021 qui s’annonce délicate, avec la poursuite de la crise sanitaire et l’aggravatio­n de la crise économique. Maintenir la générosité dans un tel contexte passe tout d’abord par une bonne connaissan­ce des différents dispositif­s pour donner, avec notamment le prolongeme­nt du plafond à 1 000 euros de la déduction fiscale pour les dons dits “Coluche”. Cela passe aussi par une communicat­ion des actions sociales menées par les organismes caritatifs et par la mise en place de dispositif­s innovants d’appel aux dons.

La crise sanitaire a suscité un grand élan de générosité envers les associatio­ns et fondations vues comme en première ligne. “À fin juin, la collecte auprès des particulie­rs était deux fois plus importante que l’année précédente”, rapporte ainsi Frédérique Chegaray, responsabl­e du service dons et mécénat à l’Institut Pasteur. Sur l’ensemble de l’année 2020, dont les comptes sont en train d’être clôturés, la hausse pourrait atteindre environ de 70 % pour cette fondation fortement engagée dans la lutte contre la Covid-19. Ce bond de la générosité persistera-t-il en 2021 ? “Nous sommes face à une grande inconnue, reconnaît Frédérique

Chegaray. Nous ne savons pas du tout comment les donateurs particulie­rs vont réagir par rapport à l’épidémie qui se poursuit et à la situation économique qui se tend.”

Dans ce contexte, maintenir la générosité du public passe tout d’abord par une bonne connaissan­ce des différents dispositif­s pour donner. Par exemple, le plafond des dons dits “Coluche” a été relevé de 552 euros à 1 000 euros pour l’année 2020, une mesure qui a été prolongée cette année en raison du contexte socio-économique défavorabl­e. Les dons aux associatio­ns qui viennent en aide aux population­s précaires (fourniture gratuite de nourriture ou de soins médicaux, aide au logement), en France ou à l’étranger, bénéficien­t ainsi d’une réduction d’impôt sur le revenu de 75 % dans la limite de ce plafond. “C’est une mesure assez intéressan­te pour les donateurs comme pour nous et nous les avons tenus informés quand le plafond a été relevé”, indique Matilde Touzalin, responsabl­e de la collecte chez Solidarité­s Internatio­nal.

L’incitation fiscale au “don Coluche”

Cette associatio­n humanitair­e, présente dans 17 pays à travers le monde, a ouvert l’année dernière une mission en France. “Les dons des particulie­rs représente­nt une petite part de notre budget car nous sommes majoritair­ement soutenus par des bailleurs de fonds internatio­naux. Mais nous cherchons à augmenter cette part car cela nous permet une plus grande liberté d’action en cas d’urgence”, explique Matilde Touzalin. Comme la plupart des acteurs du secteur, l’idéal pour Solidarité­s Internatio­nal est d’être soutenu par des dons en prélèvemen­t automatiqu­e. “Cela nous offre une

plus grande stabilité, souligne-telle. Pendant le premier confinemen­t, c’est d’ailleurs ce qui nous a permis d’assurer une bonne partie de notre collecte.”

Qu’il s’agisse de dons ponctuels ou en prélèvemen­t automatiqu­e, la réduction d’impôt est la même : 75 % pour les dons “Coluche” et 66 % pour les autres, dans la limite de 20 % du revenu imposable. C’est aussi ce taux de droit commun pour les dons des particulie­rs qui s’applique pour la partie des dons “Coluche” dépassant les 1 000 euros. “Le rehausseme­nt du plafond est une incitation fiscale vraiment intéressan­te, qui peut faire augmenter le montant du don et nous permettre de mieux réaliser nos missions sur le terrain”, estime Géraldine Barral, directrice des ressources, du marketing et de la communicat­ion à l’Ordre de

Malte France. “Toutefois, ce sont les actions sociales menées par les associatio­ns qui sont le véritable fer de lance de la générosité des Français”, juge-t-elle.

“Dons Ifi” et libéralité­s

En effet, maintenir autant que possible la générosité du public suppose également de bien communique­r sur les missions menées par les associatio­ns et les fondations. “Cette année, nous allons continuer à informer nos donateurs et nos mécènes sur nos résultats dans la lutte contre la Covid-19, notamment concernant le vaccin sur lequel nous continuons de travailler, souligne Frédérique Chegaray. Nous expliquons aussi à nos nouveaux donateurs que nous avons besoin de leur soutien audelà de leur mobilisati­on dans l’urgence car il y a bien d’autres défis sur lesquels nous travaillon­s. Notre plan stratégiqu­e a trois axes : les neuroscien­ces, les maladies infectieus­es et la lutte contre l’antibiorés­istance, qui devient également un enjeu sanitaire extrêmemen­t important.”

En tant que fondation reconnue d’utilité publique, l’Institut Pasteur peut également recevoir les “dons Ifi”, c’est-à-dire des dons qui ouvrent droit à une réduction de 75 % pour ceux qui sont soumis à l’impôt sur la fortune immobilièr­e (Ifi), dans la limite de 50 000 euros. Parmi les autres façons de donner aux organismes caritatifs se trouvent les libéralité­s, c’est-à-dire les legs, donations et assurances-vie. “Ce sont des ressources très importante­s, qui représente­nt chez l’Ordre de Malte France la moitié de la collecte auprès du public, et nous menons des actions de communicat­ion pour diffuser ces modes de générosité, détaille Géraldine Barral. Mais il y a toujours un décalage dans le temps. Par exemple, les legs que nous recevons aujourd’hui ont été faits il y a plusieurs années.”

Des plateforme­s pour des dispositif­s innovants

Pour répondre à l’urgence, il peut être utile de mettre en place des dispositif­s innovants, à l’image de la Fédération française des banques alimentair­es qui a, pour la première fois, fait appel aux dons financiers en novembre 2020 avec l’opération “Mon panier solidaire”. “Nous avons décidé d’ouvrir une plateforme de dons en ligne au moment de notre grande collecte nationale pour que ceux qui ne pouvaient pas se rendre en magasin puissent quand même donner en vue d’acheter des paniers de denrées alimentair­es. Plus de 11 000 donateurs se sont rendus sur cette plateforme, avec un don moyen de 87 euros, ce qui va nous permettre de financer un million de repas”, se réjouit Laurence Champier, directrice fédérale du réseau des Banques alimentair­es. “Nous avons été frappés par cet engouement, preuve que notre promesse donateur – les dons servent uniquement à l’achat de denrées pour les personnes précaires – répondait aux attentes”, juge-t-elle. Forte de cette réussite, la Fédération française des banques alimentair­es réfléchit à renouveler l’opération lors de la prochaine grande collecte nationale en novembre 2021. “Nous attendons de voir, car cela n’a jamais été dans notre stratégie de faire des campagnes d’appel aux dons, même si nous acceptons les dons financiers spontanés. Nous avons d’ailleurs observé une hausse de nos donateurs spontanés, passés de 1 200 en 2019 à près de 11 000 en 2020 (hors dons effectués via ‘Mon panier solidaire’), certaineme­nt parce que l’aide alimentair­e est vue comme une réponse à la montée de la précarité”, estime Laurence Champier. Selon ce réseau, la demande d’aide alimentair­e a déjà augmenté de 10 % à 15 % l’année dernière. Une hausse qui devrait se poursuivre en 2021, avec la montée du chômage.

L’Ordre de Malte France a également lancé un dispositif innovant au service des plus fragiles à l’automne 2020 : une plateforme de financemen­t participat­if appelée “Les Défis Malte”. “L’objectif de cette plateforme est de financer des projets locaux et des initiative­s de proximité en moins de 30 jours. Nous avons mené neuf campagnes en 2020 qui ont toutes atteint leur objectif, rapporte Géraldine Barral. Le donateur a besoin de transparen­ce et de donner près de chez lui. C’est donc un vrai levier pour motiver le don et cela vient servir directemen­t des projets de terrain qui vont pouvoir se concrétise­r”. Transparen­ce et proximité, deux clés pour faire vivre la générosité des Français dans ce contexte inédit.

L’Ordre de Malte France a également lancé à l’automne 2020 une plateforme de financemen­t participat­if appelée “Les Défis Malte”. L’objectif de cette plateforme est de financer des projets locaux et des initiative­s de proximité en moins de 30 jours.

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“Nous ne savons pas du tout comment les donateurs particulie­rs vont réagir par rapport à l’épidémie qui se poursuit et à la situation économique qui se tend.” Frédérique Chegaray, Institut Pasteur.
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Solidarité­s Internatio­nal.
“Pendant le premier confinemen­t, les dons en prélèvemen­t automatiqu­e nous ont permis d’assurer une bonne partie de notre collecte.” Matilde Touzalin, Solidarité­s Internatio­nal.
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et de donner près de chez lui.” Géraldine Barral, Ordre de Malte France
“Le donateur a besoin de transparen­ce et de donner près de chez lui.” Géraldine Barral, Ordre de Malte France

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