Le Nouvel Économiste

Syrie, vers des élections libres

MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI

- MAELSTRÖM MOYEN-ORIENTAL, ARDAVAN AMIR-ASLANI ET INÈS BELKHEIRI

Dès mars 2011, encouragés par les manifestat­ions dans les pays arabes voisins contre des dirigeants autoritair­es et répressifs, les Syriens se sont soulevés contre le régime en place dans leur pays. Les raisons principale­s étaient la hausse du chômage, la présence d’une corruption prégnante au sein de la classe politique ainsi qu’une liberté politique inexistant­e sous la présidence de Bachar el-Assad, successeur de son père, Hafez el-Assad, décédé en 2000. Le gouverneme­nt syrien a alors réprimé dans un bain de sang les manifestat­ions pour

Le gouverneme­nt syrien a pu se reposer sur ses fidèles soutiens russe et iranien. En face, des puissances occidental­es telles qque la France,, le Royaumey Uni et les États-Unis,, ainsi que plusieurs États arabes du golfe Persique, ont soutenu des groupes rebelles dits modérés, considérés comme l’opposition.

faire taire la dissidence qui réclamait la démission pure et simple du président. Le conflit est rapidement devenu une guerre civile, notamment avec la multiplica­tion des groupes rebelles et la montée en puissance des groupes terroriste­s djihadiste­s affiliés à l’État islamique et Al-Qaïda.

Une guerre civile parasitée par de nombreux acteurs externes

Au fil des années d’un conflit rude, le gouverneme­nt syrien a pu se reposer sur ses fidèles soutiens russe et iranien. Tandis que le but de la Russie, outre le maintien de sa base navale à Tartus, était de conserver sa place d’acteur sur la scène géopolitiq­ue multipolai­re en faisant perdurer sa coopératio­n dans le théâtre du conflit syrien, l’Iran quant à lui, avait ses propres motivation­s. En effet, Téhéran a envoyé des milices armées entraînées par ses soins, provenant d’Irak, du Liban, d’Afghanista­n et du Yémen, en raison de l’importance cruciale de la Syrie, seul pays arabe historique­ment son allié, pour sa stratégie régionale. En face, des puissances occidental­es telles que la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, ainsi que plusieurs États arabes du golfe Persique, ont soutenu des groupes rebelles dits modérés, considérés comme l’opposition. De plus, la Turquie compte parmi les fervents soutiens de l’opposition. En effet, la question syrienne demeure importante d’un point de vue sécuritair­e puisque 4 millions de réfugiés syriens sont présents en Turquie, entraînant une colère croissante de l’opinion publique turque. Sans parler des Kurdes du mouvement YPG, allié au PKK Kurde en Turquie, engagé dans une lutte acharnée séparatist­e contre Ankara. Toutefois, depuis la montée en puissance des djihadiste­s dans cette zone, les États occidentau­x ont préféré alléger leur aide.

La Syrie ravagée par 10 ans de guerre

Le conflit qui a suivi les premiers soulèvemen­ts pro-démocratiq­ues en 2011 a donc engendré une tragique guerre civile qui a détruit des villes entières et qui se chiffre à plus de 380 000 morts dont quelque 116 00 civils, 205 000 personnes portées disparues présumées mortes, et 2,1 millions de civils blessés ou souffrant d’un handicap permanent. Les Nations unies ont constaté des crimes de guerre et les “violations les plus odieuses” des traités internatio­naux, avec notamment de “vastes bombardeme­nts aériens sur des zones densément peuplées, des attaques aux armes chimiques et des sièges modernes au cours desquels les auteurs ont délibéréme­nt affamé la population le long de scénarios médiévaux, ainsi que des restrictio­ns indéfendab­les et honteuses de l’aide humanitair­e”. Plus de la moitié de la population syrienne a été déplacée au cours du conflit, à l’intérieur du pays ou à l’extérieur, notamment en Jordanie, Turquie et au Liban qui accueillen­t plus de 90 % des

Syriens fuyant les conflits. Selon les Nations unies, en janvier 2021, 13,4 millions de Syriens déplacés au sein du territoire syrien étaient en manque d’aide humanitair­e, dont la moitié “en situation de besoin aigu”. Cette crise humanitair­e a été lourdement aggravée par la récession économique liée à la Covid-19 et la destructio­n des ressources naturelles et agricoles du pays par les offensives aériennes contre des groupes armés. Sans surprise, cela a engendré une chute drastique de la valeur de la monnaie syrienne. Selon l’ONU, le prix des denrées aurait été multiplié par 29 en dix ans. Par ailleurs, la décennie de combats a détruit un tiers des infrastruc­tures et a laissé seulement la moitié des hôpitaux en état de marche, ce qui rend la tâche des soignants, en période de pandémie, encore plus ardue. Enfin, le patrimoine culturel syrien a également été en grande partie détruit. La destructio­n de six sites inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, et notamment la cité antique de Palmyre, par des troupes de l’EI en sont la preuve.

Une reconstruc­tion dans l’impasse

À la suite de plusieurs offensives victorieus­es, le gouverneme­nt syrien a fini par reprendre la main sur environ 70 % du territoire syrien, dont les six premières villes du pays, et contrôle aujourd’hui près de 11 millions de personnes sur les 17 millions de Syriens qui sont restés sur le territoire. Toutefois, des zones du pays demeurent sous le contrôle des djihadiste­s et des Forces démocratiq­ues syriennes (FDS), une avlliance islamiste arabokurde soutenue par Washington. La ville d’Idlib, par exemple, que ces derniers contrôlent, a fait l’objet d’une tentative de reconquête en mars 2020 par le gouverneme­nt syrien, qui n’a pas été finalisée du fait d’un cessez-le-feu signé par la Russie et la Turquie. Cet accord russoturc étant la contrepart­ie d’une entente sur la scène libyenne, où les Russes ont abandonné leurs attaques contre Tripoli en échange du maintien du statu quo à Idlib. Ce calme rétabli temporaire­ment pourrait donc se rompre à tout moment, d’autant plus que les sanctions imposées au gouverneme­nt syrien par les puissances occidental­es pour faire cesser les attaques contre les civils ont été sans effet et que toutes les tentatives de solution politique ont échoué. En effet, le processus d’Astana mis en place par la Russie, l’Iran et la Turquie en 2017, ainsi que les neuf cycles de pourparler­s de paix sous l’égide de l’ONU (processus de Genève II), n’ont mené à aucune solution concrète. Une des raisons était que le président syrien, Bachar el-Assad, n’était pas prêt à négocier avec l’opposition qui réclamait de manière inflexible son retrait du processus de négociatio­ns. Néanmoins, même si les puissances occidental­es ont abandonné l’idée de vouloir faire quitter le pouvoir à Assad, une avancée notable en janvier 2021 est à souligner. En effet, la conclusion d’un accord par l’ONU pour la formation d’un comité de 150 membres chargé de la rédaction d’une nouvelle constituti­on syrienne devrait mener à des élections libres. Selon les ÉtatsUnis, ce travail doit être considéré uniquement comme une porte ouverte à la mise en oeuvre des autres éléments prévus par la résolution 2 254, et avoir pour finalité une transition politique.

Même si cet horizon semble favorable à l’installati­on d’une accalmie durable en Syrie, la présence de multiples armées étrangères actives sur le territoire brouille le message et freine l’éventuel processus de sortie du conflit.

Une avancée notable en janvier 2021 est à souligner. En effet, la conclusion d’un accord par l’ONU pour la formation d’un comité de 150 membres chargé de la rédaction d’une nouvelle constituti­on syrienne devrait mener à des élections libres.

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plus de 90 % des Syriens fuyant les conflits.
Plus de la moitié de la population syrienne a été déplacée au cours du conflit, à l’intérieur du pays ou à l’extérieur, notamment en Jordanie, Turquie et au Liban qui accueillen­t plus de 90 % des Syriens fuyant les conflits.

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