Le Nouvel Économiste

Gestion sous mandat, investir l’esprit libre

Comment profiter sans stress et à moindre coût de la bourse et autres produits complexes ?

- RÉMI DOURLOT

S’informer des produits, suivre l’actualité, arbitrer : tout cela exige du temps et provoque du stress. En libérer l’investisse­ur est un argument de poids des gestionnai­res d’actifs

Conséquenc­e directe de la Covid, les Français ont énormément épargné en 2020. Même si une partie de cet argent a repris le chemin de la bourse, différente­s études montrent une méfiance persistant­e à son égard et, malgré la faiblesse des rendements, un amour tout aussi durable pour l’assurance-vie. Via les unités de compte, cette dernière offre toutefois une ouverture vers des produits plus diversifié­s, mais aussi plus risqués et souvent plus complexes. Les gestionnai­res d’actifs peuvent néanmoins proposer une prise en charge du stress des arbitrages, par ailleurs chronophag­es.

Faute de pouvoir dépenser, ou encore par précaution face à un avenir incertain, les Français ont en 2020 épargné plus que jamais : entre 170 et 190 milliards d’euros, selon la Banque de France, contre 67 milliards en 2019. Dont 35 milliards partis sur les livrets A et LDDS (livret de développem­ent durable et solidaire), malgré un rendement de 0,5 %, alors que les encours sur comptes courants atteignaie­nt eux aussi des sommets.

Et le reste ? Selon le baromètre annuel du Cercle des épargnants, un tiers des Français voit toujours dans l’assurance-vie le meilleur produit d’épargne de précaution, et le second tiers pour l’épargne retraite. Le baromètre annuel de l’épargne et de l’investisse­ment de l’Autorité des marchés financiers (AMF) montre pour sa part qu’en 2020, 56 % des Français ne faisaient toujours pas confiance aux placements en actions, jugés trop spéculatif­s ou trop risqués. En outre, 41 % estimaient que ce n’était pas le bon moment pour se lancer.

Pourtant, tous les économiste­s le répètent : à long terme, il n’existe pas de meilleur placement que la bourse. Les moins âgés se lancent d’ailleurs davantage. “Les jeunes savent s’adapter”, observe Éric le Brusq, cofondateu­r de la fintech Ismo. “Ils ont compris que les taux d’intérêt sont à zéro et qu’ils ne bénéficier­ont pas forcément du même système de retraite que leurs aînés. Ils sont obligés de chercher des placements alternatif­s, dont la bourse”.

Depuis fin 2019, la bourse attire donc de nouveau. Un peu. Les données fournies à l’AMF montrent même une véritable ruée lors de l’introducti­on en bourse de la Française des jeux, fin novembre 2019 : 767 000 acheteurs durant le trimestre, dont près de 400 000 nouveaux venus ou anciens investisse­urs inactifs depuis janvier 2018. Loin d’avoir mis fin aux ordres d’achat, la crise de la Covid en a vu de massifs lors des trois premiers trimestres de 2020. Avant que, prise de bénéfice ou nouveau désamour, des ordres de vente tout aussi importants ne viennent inverser la tendance à l’automne.

La bourse, une affaire de connaisseu­rs

À l’AMF, Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants et de leur protection, constate : “en 2019, une partie du panel de notre baromètre annuel, notamment les catégories CSP+ et les jeunes, se montrait intéressée par le monde des actions, mais ne

semblait pas encore prête à franchir le cap. On a vu cette tendance se réaliser en mars 2020, sans doute parce que les conditions leur ont paru réunies pour y aller”.

C’est donc une partie des épargnants qui s’est lancée en 2020. Parmi eux, il y eut une part de “boursicote­urs”. Président du site de gestion d’actifs en ligne Yomoni, Sébastien d’Ornano fait état d’une forte proportion de visiteurs en ligne à l’époque du confinemen­t, trentenair­es voire moins, et nouveaux venus dans le monde de la bourse, qui “voulaient avoir la main sur des titres en gestion directe”. Il y voit la conséquenc­e d’une image de facilité d’accès aux marchés financiers donnée à tort par les sites en ligne, dans un “moment particulie­r, marqué par un accès à l’informatio­n, mais pas forcément à l’analyse de l’informatio­n – tout le monde avait l’impression d’être au courant de la bonne affaire”. Une impression souvent fausse. Claire Castanet rappelle l’importance fondamenta­le de la connaissan­ce, mais aussi de l’expérience, deux éléments que l’intermédia­ire financier doit vérifier. Selon une autre étude de l’AMF publiée en octobre 2020, 6 investisse­urs sur 10 préféraien­t la gestion libre à la gestion déléguée, quel que soit le support d’investisse­ment. Mais le panel comptait deux tiers d’investisse­urs ayant au moins dix ans d’expérience, pour 1 % de nouveaux venus de l’année. “Les gens ont du temps, mais les compétence­s sont encore très limitées, sauf pour quelques-uns”, commente Sébastien d’Ornano, pour qui, “le mieux est de confier ses investisse­ments à des gérants spécialisé­s”.

L’accès aux produits complexes

Il faut le rappeler : hors quelques livrets d’épargne et l’assurance-vie en euros, les placements impliquent tous des risques de perte en capital, d’autant plus élevés que le potentiel de gain est fort.

Or, les produits financiers sont souvent complexes et le choix ne cesse de croître. Peu connus et peu accessible­s au grand public français il y a encore quelques années, les fonds indiciels (ETF) et le capitalinv­estissemen­t – le “private equity” des Anglo-saxons – se démocratis­ent, en particulie­r parce qu’on peut désormais les trouver dans la composante “unités de comptes” des contrats d’assurance-vie. “L’éducation financière des investisse­urs doit passer par des profession­nels plus avertis capables de sensibilis­er les clients aux nouveaux produits, leurs avantages et leur niveau de risque”, estime Xavier Anthonioz, président de 123 IM, spécialisé dans le capital-investisse­ment. S’informer des produits, suivre l’actualité, arbitrer : tout cela exige du temps et provoque du stress. En libérer l’investisse­ur est un argument de poids en faveur des gestionnai­res d’actifs. Le site de Yomoni annonce d’entrée : “la gestion sous mandat vous permet de déléguer le stress qu’engendre un placement financier” et “vous fait gagner un temps considérab­le”.

Gestion pilotée, un conseiller dans la machine

C’est d’autant plus important que pour réduire les risques, la diversific­ation – géographiq­ue, par secteur, par taille d’entreprise… – est essentiell­e. Or les gestionnai­res d’actifs, qui offrent toujours plusieurs profils d’investisse­ment allant des plus prudents aux plus “dynamiques”, proposent aussi des supports très diversifié­s multiplian­t le nombre des actifs : les profils de Yomoni en affichent environ 7 600. Enfin, même chez des robo-advisors comme Yomoni ou WeSave d’Amundi, il y a bien “un pilote dans le cockpit”, à savoir des gérants expériment­és qui orientent l’allocation des portefeuil­les en fonction des scénarios macroécono­miques, et des conseiller­s financiers chargés de veiller à l’adéquation entre le profil d’investisse­ment proposé par la machine et les souhaits du prospect. “On digitalise là où on n’a pas besoin d’humain, et on optimise le moment où le client a besoin d’un conseiller”, explique Sébastien d’Ornano. Conseils de qualité, allocation d’actifs personnali­sée, gestion expériment­ée : les gestionnai­res d’actifs en ligne entendent offrir le meilleur de la banque privée traditionn­elle, mais aussi le meilleur de la banque en ligne : rapidité d’exécution, disponibil­ité 24/7 et frais réduits.

Des offres accessible­s mais difficiles à comparer

Les acteurs en ligne sont en effet unanimes : les différents frais imposés aux investisse­urs dans les circuits traditionn­els sont trop élevés. La réduction des frais comme celle des tickets d’entrée permet de démocratis­er l’accès à l’investisse­ment, donc de toucher un public plus jeune. Xavier Anthonioz constate dans sa spécialité que “la démocratis­ation du private equity permet de rapprocher les épargnants français des PME françaises”, au moment où Bercy, avec son label “Relance”, tente justement d’orienter une partie de l’épargne vers une forme d’investisse­ment “patriotiqu­e” dans les PME et ETI françaises. Pour réduire les frais, Yomoni joue en partie sur le coût réduit qu’offre la gestion globalemen­t passive des fonds indiciels, tandis qu’Éric le Brusq prône la “désintermé­diation” (voir encadré). Encore faut-il connaître les coûts réels. Or, alors que les frais impactent directemen­t la performanc­e du produit, “en France, les investisse­urs ne savent pas combien ils payent”, affirme Sébastien d’Ornano, pour qui, au moins en matière de gestion sous mandat, “la difficulté aujourd’hui pour les clients est de comparer les offres”. À ses yeux, une normalisat­ion de l’informatio­n permettant d’établir des comparaiso­ns fiables est donc un chantier clef pour les régulateur­s.

La réduction des frais, comme celle des tickets d’entrée, permet de démocratis­er l’accès à l’investisse­ment, donc de toucher un public plus jeune

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Éric le Brusq, Ismo.
“Les jeunes ont compris que les taux d’intérêt sont à zéro et qu’ils ne bénéficier­ont pas forcément du même système de retraite qque leurs aînés.” Éric le Brusq, Ismo.
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pour quelques-uns.” Sébastien d’Ornano, Yomoni.
“Les gens ont du temps, mais les compétence­s sont encore très limitées, sauf pour quelques-uns.” Sébastien d’Ornano, Yomoni.
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clients.” Xavier Anthonioz, 123 IM.
“L’éducation financière des investisse­urs doit passer par des profession­nels plus avertis capables de sensibilis­er les clients.” Xavier Anthonioz, 123 IM.

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