Le Nouvel Économiste

Dette publique : attention à l’effet Titanic

Pour éviter le choc, le bon indicateur à surveiller est le taux d’intérêt des nouveaux emprunts, tout en visant la stabilisat­ion du ratio dette/PIB

- MÉCOMPTES PUBLICS, FRANÇOIS ECALLE

Plusieurs économiste­s, parmi les plus réputés, ont récemment écrit que la dette publique reste soutenable, et qu’on peut donc continuer à emprunter, tant que sa charge d’intérêts ne dépasse pas un certain pourcentag­e du PIB, fixé plus ou moins arbitraire­ment par eux à 1,5 ou 2,0 %. La dette publique est soutenable si l’État (ou les autres administra­tions) est toujours capable d’honorer les engagement­s pris en empruntant : non seulement payer les intérêts, mais aussi et surtout rembourser le principal, qui est bien plus important. En 2021, l’État doit rembourser 120 Mds€ d’obligation­s à moyen et long terme et 162 Mds€ de bons du trésor à court terme...

Plusieurs économiste­s, parmi les plus réputés, ont récemment écrit que la dette publique reste soutenable, et qu’on peut donc continuer à emprunter, tant que sa charge d’intérêts ne dépasse pas un certain pourcentag­e du PIB, fixé plus ou moins arbitraire­ment par eux à 1,5 ou 2,0 %.

La dette publique est soutenable si l’État (ou les autres administra­tions) est toujours capable d’honorer les engagement­s pris en empruntant : non seulement payer les intérêts, mais aussi et surtout rembourser le principal, qui est bien plus important. En 2021, l’État doit rembourser 120 Mds€ d’obligation­s à moyen et long terme et 162 Mds€ de bons du trésor à court terme, et payer “seulement” 36 Mds€ d’intérêts. S’il peut rembourser le principal, l’État peut sans difficulté payer les intérêts.

De 2009 à 2019, la charge d’intérêts a baissé de 14 Mds€ alors que la dette a augmenté de 950 Mds€ de fin 2008 à fin 2018. Ce mouvement de baisse va continuer en dépit de l’augmentati­on du stock de dette. En effet, nous payons encore des intérêts à taux élevés sur des emprunts émis il y a longtemps, si bien que le taux d’intérêt moyen sur le stock de dette était encore de 1,3 % en 2020, alors que le taux des nouveaux emprunts était proche de zéro. La charge d’intérêts représenta­it le même pourcentag­e du PIB (1,3 %).

La course trompeuse du paquebot des intérêts de la dette au départ

Le taux d’intérêt moyen sur le stock de dette et le rapport de la charge d’intérêts au PIB n’évoluent que très progressiv­ement au fur et à mesure du remplaceme­nt des anciens emprunts par des nouveaux. Ils sont actuelleme­nt dans un mouvement de baisse et, tant que le taux des nouveaux emprunts n’augmente pas significat­ivement, ils tendront lentement vers zéro, comme un paquebot qui ralentit doucement lorsqu’on arrête son moteur.

Quand le taux d’intérêt des nouveaux emprunts remontera, la charge d’intérêts continuera d’abord à baisser, puis elle augmentera d’abord lentement, comme un paquebot dont on remet les moteurs en marche, même si la hausse des nouveaux taux est très forte, par exemple parce que les créanciers d’État majorent fortement la prime de risque requise pour continuer à lui prêter en raison d’incertitud­es politiques. Ensuite, le mouvement accélérera.

Le paquebot des intérêts de la dette pourrait donc s’approcher à pleine puissance du seuil de 1,5 ou 2,0 % du PIB et ne plus pouvoir être arrêté avant de heurter cet iceberg.

Il faut donc surveiller le taux des nouveaux emprunts, plutôt que le rapport de la charge d’intérêts au PIB, mais ce taux peut monter très vite parce que les créanciers de l’État prennent soudain peur de ne pas être remboursés. Il faut donc surtout limiter le stock de dette, en allongeant sa maturité si c’est possible. Sauf en cas de crise, le stock de dette ne doit pas augmenter plus vite que l’assiette des prélèvemen­ts obligatoir­es, à savoir le PIB, pour que l’endettemen­t reste soutenable. La stabilisat­ion du ratio dette/PIB est l’objectif le plus pertinent.

Quand le taux d’intérêt des nouveaux emprunts remontera, la charge d’intérêts continuera d’abord à baisser, puis elle augmentera d’abord lentement, comme un paquebot dont on remet les moteurs en marche, même si la hausse des nouveaux taux est très forte

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de 1,5 ou 2,0 % du PIB et ne plus pouvoir être arrêté avant de heurter cet iceberg.
Le paquebot des intérêts de la dette pourrait s’approcher à pleine puissance du seuil de 1,5 ou 2,0 % du PIB et ne plus pouvoir être arrêté avant de heurter cet iceberg.

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