Le Nouvel Économiste

1 jeune sur 6 a arrêté ses études depuis le début de la pandémie

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Depuis le début de la pandémie, nous avons reçu spontanéme­nt des centaines de témoignage­s d’étudiants. Avec une nette accélérati­on ces dernières semaines. En incipit d’un courrier adressé, notamment, au président de la République, le collectif Nous étudiant. es – qui a entrepris de compiler les témoignage­s d’étudiants de tous horizons : facs de lettre, d’histoire, Sciences Po, hôtellerie… – glisse un mot du ‘Joueur d’échec’, de Stefan Zweig : “On ne nous faisait rien – on nous laissait simplement en face du néant.” Une citation magnifique­ment choisie au regard des messages reçus depuis un an. Voici en substance ce qu’ils disent.

La balance émotionnel­le

“Tous les jours se ressemblen­t et aucun ne me plaît”, entame Maëlle, 21 ans, qui assure avoir perdu 7 de ses 54 kilos sans parvenir à comprendre pourquoi. “Impossible de savoir si c’est l’anxiété de ces cours Teams et deadlines qui n’en finissent pas, le manque d’activité ou la déprime, tout simplement”, cherche-t-elle. Emma, qui, elle, en a pris 8 (kilos), voudrait “simplement pouvoir me lever sans être terrifiée à l’idée d’avoir 10 heures de cours dans la même journée”, quand L., 20 ans, ne donne pas son prénom, mais une idée plus précise du mal qui le ronge : “J’ai assisté à beaucoup de moments choquants, mais jamais à quelque chose d’aussi silencieus­ement destructeu­r que cet enfermemen­t”. Une “réclusion” qui lui paraît encore plus ravageuse fin septembre, quand les étudiants français ont cru pouvoir reprendre les cours avant d’être reconfinés, “une unique semaine en présentiel, comme un vaporeux souvenir d’avant”, qui le fait pencher d’un côté “très dangereux” de la balance émotionnel­le.

Des cours vides de sens

Quant à leur formation proprement dite, en dehors de la qualité des outils mis à dispositio­n, elle ressemble de plus en plus, pour Cécile, à un mirage, “vide de sens. Des savoirs désincarné­s et déshumanis­és”. Nicolas, 22 ans également, démarre à peine sa journée qu’il en attend la fin : “Depuis deux heures déjà, je me demande comment je vais réussir à rester statique et surmonter un début de migraine qui s’est déclenché bien tôt…”, songe-t-il. Et même s’il y parvient, quelle sera l’efficacité de cette succession d’apprentiss­ages vidéo avec un tel engouement ? Pour certains, comme Leïla, 21 ans, mieux vaut tout arrêter : “Pour la première fois de ma vie je n’ai plus d’objectif”, déclare-t-elle. Elle n’est pas seule : 1 jeune sur 6 a arrêté ses études depuis le début de la pandémie.

Crise de l’obéissance

C’est l’un des chiffres que fait ressortir le rapport parlementa­ire dirigé par Marie-George Buffet et Sandrine Mörch. Il y en a d’autres. 50 % des étudiants, par exemple, sont inquiets pour leur santé mentale, et les addictions (tabac, alcool et anti-dépresseur­s) ont progressé, chez eux, de 40 %. La génération Z a souvent été résumée à sa quête de sens et son souci plus prégnant que les autres de responsabi­lité collective. Dans le cas de la Covid, elle s’est traduite par un respect des règles plutôt salué. Une obéissance qui lui coûte cher, et de laquelle on peut imaginer que le gouverneme­nt lui-même est surpris, de la part d’une jeunesse française toujours supposée rebelle et indiscipli­née. Elle a pourtant suivi les consignes. Message le plus poignant, voire révoltant ? Pas une complainte, mais une demande polie : “Laissez-nous vivre, s’il vous plaît !” et un âge, 22 ans. Comme si la jeunesse avait besoin d’une attestatio­n pour le faire.

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