La critique
Nous sommes en 1978, au Chili, en pleine période de Guerre Froide, qui s’est propagée jusque dans ce pays. Le sénateur Pablo Neruda (Luis Gnecco) critique ouvertement l’action du gouvernement au Congrès. Conséquence directe, le président Videla demandera alors sa destitution et son arrestation, conduisant le poète a tenté de fuir vers l’Argentine avec son épouse. Mais pour cela, il doit éviter le jeune policier Oscar Peluchonneau (Gael Garcia Bernal) qui est à ses trousses, sorte de Grand Blond maladroit, caricature du policier raté qui arrive toujours au dernier moment et dont s’amusera avec malice Neruda.
Plus qu’au portrait fidèle, c’est à ce que représente le poète que s’est intéressé Pablo Larrain dans Neruda. L’atmosphère surréaliste ambiante, l’ironie douce-amère des personnages rappellent parfois Jodorowsky. Magnifiquement interprété par un Luis Gnecco au plus près de son modèle, Neruda fascine, séduit, choque. Larrain fait de Neruda un paradoxe : l’homme a des convictions d’intellectuel communiste, sait traduire le mal d’une société et d’une classe ouvrière, mais mène une vie de bon vivant bourgeois, d’amateur de soirées mondaines et de femmes. Au-delà du personnage, c’est vers toute une classe politique que le cinéaste donne un coup de griffe. Mordant.
Gael Garcia Bernal, qui retrouve ici le réalisateur qui l’avait filmé dans No, se sort bien de ce rôle de policier « loser », dont l’arrestation de Neruda vire à l’obsession.
Surtout, au-delà de la vision fantasmée de son sujet, Pablo Lorrain montre finalement de Neruda ce qu’il était indéniablement : un amoureux des mots et de la poésie. Cela méritait bien un peu d’audace. Neruda n’en manque pas.