La critique
Paterson, ou le plaisir de prendre le temps d’observer les petites choses… Paterson (le chauffeur de bus, Adam Driver) a une vie particulièrement linéaire dans la ville de Paterson, se réveille chaque jour à la même heure pour se rendre à son travail, par le même chemin, saluer inlassablement son collègue pour qui, chaque jour, rien ne va… Paterson (le film), c’est un peu l’anti-rêve américain, le décor d’une ville hors du temps et qui ne s’est pas complètement remise de la désindustrialisation massive. Pas de quoi rêver a priori… Sauf pour ce chauffeur de bus, qui invite le spectateur avec lui à observer, écouter ce qui l’entoure, pour en ressortir le beau. Et, en l’occurrence, de la poésie. Cela peut partir d’une boîte d’allumette posée négligemment chez lui (qui lui rappellera les cigarettes de sa femme, et donc un poème d’amour), ou d’une conversation entre deux ouvriers qui prendront son bus.
Paterson (le film), c’est un arrêt instantané sur des héros du quotidien, des monsieurs et madames tout le monde rencontrés au fil du hasard par le protagoniste : un couple en perdition multipliant les scènes de ménage théâtrales, le barman philosophe et joueur d’échecs…
Cette virée poétique à Paterson peut être par moments, avouons-le, éprouvante. Les longues discussions du héros avec sa petite amie (Golshifteh Farahani), obsédée de décorations noires et blanches et animée de projets plus fantasques les uns que les autres, semblent parfois bien dispensables et futiles. Mais cette fable du quotidien happe rapidement le spectateur. Cela tient autant de la photographie, de la mise en scène de la poésie dans le film que de l’interprétation toujours remarquable d’Adam Driver. Avec Paterson (le film), Jim Jarmusch montre que de toute vie peut naître de la poésie. Cela vaut bien un détour (en bus) pour Paterson (la ville). Paterson, de Jim Jarmusch, avec Adam Driver et Golshifteh Farahani. Actuellement en salles. ***