Les dernières pompes résistent
Dans un contexte de désertification, quelques stations-service luttent encore…
Le constat est implacable : on trouve de moins en moins de pompes à carburant dans l’Hexagone. En 2015, on en comptait, selon l’Union française des industries pétrolières (Ufip), 11 269, contre 41 500 en 1980. Un réseau national qui a été divisé par trois en 35 ans.
La Seine-et-Marne, elle, en décomptait 198 au plus fort de la pénurie de mai dernier, d’après les chiffres de la préfecture, soit 14 stations-service pour 100 000 habitants. Le 77 est l’un des départements les moins bien lotis, et suit la même courbe négative observée sur l’Hexagone. Une tâche d’huile sur un territoire à majorité rurale, où les détaillants de carburants se réduisent comme peau de chagrin. Maillage
Mais la prise de conscience ne date pas d’aujourd’hui. Depuis plusieurs années, la Fédération Nationale de l’Artisanat Automobile (FNAA) et l’Association des Maires Ruraux de France (AMFR) ne cessent d’alerter l’État sur « l’avenir du maillage des stations-service en France », selon eux « l’un des plus faibles d’Europe » surtout en ce qui concerne les stations dites traditionnelles, tenues par des indépendants. Ces dernières se font de plus en plus rares de nos jours : il y en avait 40 000 en 1980, et seulement 6 197 en 2015 (128 de moins qu’en 2014).
Pour la FNAA et l’AMRF, « il en va de la survie de ces services aux publics, indispensables et utiles au lien social et à la vitalité économique de nombreux départements ». Des stations essentielles pour le commerce de proximité (réparation automobile, carrosserie, dépannage, vente de gaz, épicerie) et la lutte contre l’isolement des petites communes de la campagne, où neuf trajets sur dix s’effectuent en voiture.
Les déplacements, justement, nous devons en faire énormément pour aller à la pompe. Dans 38 départements, un automobiliste doit rouler entre 15 et 38 minutes pour faire le plein selon un rapport de l’Inspection Générale des Finances sur « Les prix, les marges et la consommation des carburants » de novembre 2012. Et ce alors, toujours selon ce rapport, qu’un quart de la population française doit parcourir 5,2 km en moyenne pour trouver une station.
Les raisons de la baisse du nombre de stations des réseaux traditionnels, derniers points de ravitaillement en produits de première nécessité si importants pour les territoires éloignés des principaux bourgs, alors que 30 000 emplois sont directement liés à la vente de carburants en France, sont multiples. La FNAA et l’AMFR mettent notamment en cause la suppression fin 2014 du Comité Professionnel de Distribution de Carburants (CPDC), qui attribuait des aides aux stations pour les inciter à se diversifier, se mettre aux normes environnementales, ou financer la dépollution du site en cas de fermeture.
L’Ufip complète en évoquant la rentabilité insuffisante des stations à faible volume, les nouvelles réglementations pour la protection de l’environnement, la fermeture progressive des stations-service sous immeuble et dans les parkings souterrains, les grands projets d’aménagements urbains entraînant la fermeture des stations ou encore l’absence de repreneurs pour les stations de propriétaires exploitants partant à la retraite.
Désertification
Des stations traditionnelles qui souffrent aussi de la concurrence de celles des Grandes et Moyennes Surfaces (GSM). Au nombre de 1 500 en 1980 et désormais à 5 072 en 2015 (41 de plus par rapport à 2014), elles profitent de la hausse de la consommation tout en augmentant leurs débits, avec parfois des prix bradés pour attirer le consommateur.
Résultat : les stations-service de GSM, qui ne sont pas présentes partout et notamment dans les zones rurales, détiennent 61% de parts de marché.
À terme, c’est la désertification qui guette pour des millions de Français, selon une étude de novembre 2012 de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (Datar), qui a recensé 871 « stations-clés » dont la population desservie est éloignée de dix minutes ou plus. 629 d’entre elles, desservant 2,3 millions d’habitants, appartiennent au réseau traditionnel et donc davantage menacées que les autres par une fermeture. D’après la FNAA, leur disparition « plongerait les automobilistes, les entreprises et les services publics géographiquement concernés dans une dangereuse situation ».