Le Pays Briard

Les dernières pompes résistent

Dans un contexte de désertific­ation, quelques stations-service luttent encore…

- Nicolas FILLON 0@Nicolas_Fillon

Le constat est implacable : on trouve de moins en moins de pompes à carburant dans l’Hexagone. En 2015, on en comptait, selon l’Union française des industries pétrolière­s (Ufip), 11 269, contre 41 500 en 1980. Un réseau national qui a été divisé par trois en 35 ans.

La Seine-et-Marne, elle, en décomptait 198 au plus fort de la pénurie de mai dernier, d’après les chiffres de la préfecture, soit 14 stations-service pour 100 000 habitants. Le 77 est l’un des départemen­ts les moins bien lotis, et suit la même courbe négative observée sur l’Hexagone. Une tâche d’huile sur un territoire à majorité rurale, où les détaillant­s de carburants se réduisent comme peau de chagrin. Maillage

Mais la prise de conscience ne date pas d’aujourd’hui. Depuis plusieurs années, la Fédération Nationale de l’Artisanat Automobile (FNAA) et l’Associatio­n des Maires Ruraux de France (AMFR) ne cessent d’alerter l’État sur « l’avenir du maillage des stations-service en France », selon eux « l’un des plus faibles d’Europe » surtout en ce qui concerne les stations dites traditionn­elles, tenues par des indépendan­ts. Ces dernières se font de plus en plus rares de nos jours : il y en avait 40 000 en 1980, et seulement 6 197 en 2015 (128 de moins qu’en 2014).

Pour la FNAA et l’AMRF, « il en va de la survie de ces services aux publics, indispensa­bles et utiles au lien social et à la vitalité économique de nombreux départemen­ts ». Des stations essentiell­es pour le commerce de proximité (réparation automobile, carrosseri­e, dépannage, vente de gaz, épicerie) et la lutte contre l’isolement des petites communes de la campagne, où neuf trajets sur dix s’effectuent en voiture.

Les déplacemen­ts, justement, nous devons en faire énormément pour aller à la pompe. Dans 38 départemen­ts, un automobili­ste doit rouler entre 15 et 38 minutes pour faire le plein selon un rapport de l’Inspection Générale des Finances sur « Les prix, les marges et la consommati­on des carburants » de novembre 2012. Et ce alors, toujours selon ce rapport, qu’un quart de la population française doit parcourir 5,2 km en moyenne pour trouver une station.

Les raisons de la baisse du nombre de stations des réseaux traditionn­els, derniers points de ravitaille­ment en produits de première nécessité si importants pour les territoire­s éloignés des principaux bourgs, alors que 30 000 emplois sont directemen­t liés à la vente de carburants en France, sont multiples. La FNAA et l’AMFR mettent notamment en cause la suppressio­n fin 2014 du Comité Profession­nel de Distributi­on de Carburants (CPDC), qui attribuait des aides aux stations pour les inciter à se diversifie­r, se mettre aux normes environnem­entales, ou financer la dépollutio­n du site en cas de fermeture.

L’Ufip complète en évoquant la rentabilit­é insuffisan­te des stations à faible volume, les nouvelles réglementa­tions pour la protection de l’environnem­ent, la fermeture progressiv­e des stations-service sous immeuble et dans les parkings souterrain­s, les grands projets d’aménagemen­ts urbains entraînant la fermeture des stations ou encore l’absence de repreneurs pour les stations de propriétai­res exploitant­s partant à la retraite.

Désertific­ation

Des stations traditionn­elles qui souffrent aussi de la concurrenc­e de celles des Grandes et Moyennes Surfaces (GSM). Au nombre de 1 500 en 1980 et désormais à 5 072 en 2015 (41 de plus par rapport à 2014), elles profitent de la hausse de la consommati­on tout en augmentant leurs débits, avec parfois des prix bradés pour attirer le consommate­ur.

Résultat : les stations-service de GSM, qui ne sont pas présentes partout et notamment dans les zones rurales, détiennent 61% de parts de marché.

À terme, c’est la désertific­ation qui guette pour des millions de Français, selon une étude de novembre 2012 de la Délégation interminis­térielle à l’aménagemen­t du territoire et à l’attractivi­té régionale (Datar), qui a recensé 871 « stations-clés » dont la population desservie est éloignée de dix minutes ou plus. 629 d’entre elles, desservant 2,3 millions d’habitants, appartienn­ent au réseau traditionn­el et donc davantage menacées que les autres par une fermeture. D’après la FNAA, leur disparitio­n « plongerait les automobili­stes, les entreprise­s et les services publics géographiq­uement concernés dans une dangereuse situation ».

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 ??  ?? Comme ici à Lorrez-le-Bocage-Préaux, de nombreuses stations-service du réseau traditionn­el ont fermé ces dernières années.
Comme ici à Lorrez-le-Bocage-Préaux, de nombreuses stations-service du réseau traditionn­el ont fermé ces dernières années.

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